Le laboratoire Nortax&co n’était, comme beaucoup de laboratoires d’analyse et recherche de l’île de Starfish, pas très connu, et pour cause. Ils conduisaient tranquillement leurs recherches et études sans vraiment nuire à qui que ce soit, et n’étaient ni très développés, ni très influents. Ils étaient, ceci étant, parmi les meilleurs en matière d’études de la flore si étrange qui se développait à Starfish, et ce n’était donc pas étonnant qu’ils aient été parmi les premiers à entendre parler de ces nouvelles citrouilles étranges qui avaient commencées à se développer du côté des racines pourpres. Presque aussitôt, leur section RH avait fait transmettre de petites annonces aux journaux télévisés locaux, qui leur avaient pour la plupart d’entre eux réservé au moins 5 minutes à la fin des informations spécifiques à l’état de New York. La presse papier avait également relayé l’information via l’encart suivant, qui était bref, mais allait droit au but.

20 minutes à starfish a écrit:

Le laboratoire Nortax & co cherche entre 2 et 5 personnes pour un travail ponctuel généreusement rémunéré. La mission consiste à accompagner une excursion scientifique dans les racines pourpres, à l’ombre de Big Tree. En raison de la nature sauvage et incontrôlée de l’endroit, seront préférés les profils ayant des compétences permettant de s’assurer de la sécurité du groupe durant les trajets et relevés.
Rendez-vous au 19 rue Washington, le 19/11 à 14h30. Réserver l’intégralité de l’après-midi. Rémunération variable en fonction des niveaux de qualification des participants.

Rappel de l’intitulé de la mission :

Stranger Pumpkins a écrit:

Des citrouilles ont commencées à faire leur apparition dans les racines pourpres, leur impact sur l'environnement est encore inconnu. Cependant Starfish a encore de mauvais souvenirs de la dernière fois que la flore s'est diversifiée sur l'île, vous êtes donc chargés d'aller explorer les racines pourpres et d'en ramener un échantillon.

Je bien dirais « moi de même » miss Winnie, mais j’essaie de garder mes mensonges au minimum. Et à moins que vous n’ayez réussi, je ne sais comment, à déjà signer un des contrats que va nous apporter mon collègue … Pas de paiement.

Il suffisait de voir la façon dont la scientifique plissait les yeux en observant intensément les bottes hors de prix que portait la jeune femme pour deviner qu’elle n’appréciait pas les pieds sur les tables. Ça, ou elle avait une envie monstrueuse de remplacer ses propres converses un peu usées … Dans tous les cas, elle ne commenta pas plus, et se contenta de prendre également une chaise pour s’installer. Environ dix minutes supplémentaires s’écoulèrent avant que quelque chose ne se passe : la porte fut ouverte par un homme en costume impeccable, qui se mit à sourire largement en regardant la petite assemblée. Jane, dont les tics nerveux n’avaient fait qu’augmenter durant l’attente, décida de le crucifier du regard … pour commencer.

Nicholas ? Tu sais quelle heure il est ?
L’heure de ne pas faire attendre ce jeune groupe plus longtemps, bien sûr ! Nicholas Prowder, enchanté, bonjour ! Serrant les mains de tous et toutes avec un sourire aussi éclatant que ses souliers vernis, le manager s’arrêta à côté de Jane, dont le visage était en train de prendre une teinte rouge critique. Vous ne m’avez pas attendu trop longtemps j’espère ? Le trafic est invraisemblable cette après-midi, j’aurais juré être là pour 15h tapantes.

Avant que Jane, qui était passé du rouge au violet et avait laissé sa mâchoire inférieure tomber à cause d’un mélange de rage outragée et d’incrédulité, ne puisse dire quoi que ce soit, le manager avait posé sa serviette, en avait sorti un ordinateur portable qu’il avait branché à une télévision derrière lui, et lancé son petit diaporama de présentation en arrière-plan. Il prit également une pochette dont il sortit des contrats fraichement imprimés, qu’il distribua aux membres du groupe. Passant une ou deux diapo d’introduction en commentant avec un « Ah, qu’il est beau notre template. » aussi enjoué et dynamique que le reste de son personnage, il claqua ses mains l’une dans l’autre en se retournant.

Très bien, très bien ! Donc, si vous êtes ici, vous avez dû voir notre petite annonce dans le journal ou à la télévision. Laquelle, si je me souviens bien, parlait d’une « mission visant à assurer la sécurité des membres du groupe », n’est-ce pas ? C’était du jargon pour dire que cette petite balade comportera de potentiels dangers, MAIS bien entendu nous ne prendrons que le minimum possible de risques. La plupart des clauses du contrat que je vous ai passé concernent les éventualités où cela n’a pas été suffisant, et vous demandent donc deux-trois petites babioles légales, comme votre consentement éclairé à participer à cette opération, l’assurance que vous ne porterez pas plainte contre nos labos s’il vous arrive une broutille, rien de bien méchant en somme. Jane, tu veux te charger du blabla « technique » ?
… Avec plaisir, Nicholas, j’adore le « blabla technique ». Ma raison de vivre, vraiment. Prenant une profonde inspiration, dont il était surprenant qu’elle n’ait pas été suivie par un jet de flammes, la chercheuse fit signe au manager de passer à la diapo suivante, qui montrait des photos floues prises dans ce qui ressemblait à une jungle. Big Tree, en somme. Jane reprit progressivement son calme, et commença à parler sur un ton factuel et bien plus agréable qu’avant. Donc … Il y a plusieurs jours de cela, des gens qui réalisaient une excursion dans les racines pourpres ont vu ce qu’ils décrivent comme étant des « citrouilles titanesques et vivantes », et ont pris un certain nombre de clichés avant de s’enfuir. De ce qu’ils ont dit, les légumes avaient un comportement presque animal, et se montraient d’ailleurs assez agressifs. Les clichés ont été authentifiés, et un ou deux braves ont depuis confirmé la présence de ces … « citrouilles géantes ». Nous voulons savoir d’où elles viennent, et qu’est-ce qui les rend si différentes du reste. C’est là que votre groupe intervient. Didier, notre expert, prendra du matériel pour faire des photos et des vidéos, et surtout, très important, pour prendre des échantillons des citrouilles mutées. Comme l’a dit Nicholas, il ne s’agit normalement pas d’un travail très dangereux et tout devrait être réglé en quatre heures maximum, en comptant le temps de trajet.
Maximum, mais si vous parvenez à trouver rapidement ces mastodontes orangés, vous n’en aurez pas pour plus de deux heures. Nous faisons surtout appel à vous en raison de la nature un peu imprévisible des racines pourpres, de sa faune … Et de sa flore, d’ailleurs ! Le salaire débute à $400 et est négociable en fonction de vos qualifications, de si votre alter permet au groupe une détection plus rapide des citrouilles, si vous facilitez la mission grâce à vos connaissances personnelle. Ou tout simplement si vous avez, vous aussi, les compétences pour faire, préserver et transporter des échantillons dont nous avons besoin. Des question ?
Moi j’en ai une … Vot’ mission là. C’bien à Big Tree ?

Nicholas et Jane marquèrent un instant de pause. Cette info avait été précisée dans l’annonce et au cours du briefing qui venait d’avoir lieu … à moins que le papy qui venait de prendre la parole ne soit pas très au fait de la localisation des « racines pourpres ». Pourtant, le sourire impeccable du manager ne vacilla pas.

C’est exact, oui.
… C’est pas là-bas qu’on peut pas utiliser son alter ?
Bon point, effectivement, votre alter ne vous sera pas d’une grande utilité puisqu’il sera désactivé. Certains alters entraînent cependant parfois des mutations permanentes qui n’y sont pas directement liées, c’est pour cela qu-
Donc j’pourrais pas faire l’cow-boy et m’servir d’mes deux p’tites beautés ?

Nicholas allait certainement demander de quoi parlait le vieil homme, mais ce dernier leva les mains, poings fermés à l’exception des index et des pouces, qui eux étaient tendus. Il n’y avait qu’à regarder ses articulations et le bout de ses index pour deviner que ces derniers pouvaient vraisemblablement servir d’armes à feu. Un des sourcils du manager s’éleva, marquant quelques rides sur son front auparavant parfaitement lisse.

Et bien … Non.
Ark, j’savais que j’aurais dû prendre ma carabine … Eh, si j’passe chez moi et que j’la récupère, on pourra quand même tirer sur des gens ?
Le second sourcil rejoint le premier, les deux s’élevant au point de disparaître sous les quelques mèches blondes qui n’avaient pas été tirées vers l’arrière. Et pourtant, les rangées de dents éclatantes de Nicholas étaient toujours visibles, alors que Jane, elle, se détournait et essayait de se retenir de rigoler furieusement. … Non. Nous n’interdisons pas la possession ou l’emploi d’armes à feu, mais nous … cherchons juste à récupérer des échantillons de citrouilles, je … Doute que vous ayez à tirer sur quoi que ce soit. Peut-être sur un animal sauvage si ce dernier se montre agressif, mais c’est tout. Et encore.
… Vraiment ?
Oui, vraiment.
Le visage du vieux se plissa encore plus, entre déception et colère. Jane se plaquait la main sur la bouche, se retenant avec une difficulté croissante. Finalement, le papy claqua sa cuisse, et se releva de sa chaise. Et beh dans ce cas, ce sera sans moi … crapahuter pendant des heures pour se faire attaquer par des cacahuètes géantes, non merci.

Le vieil homme bougonnant s’excusa en passant derrière Jane, et sortit de la pièce en fermant la porte un peu brusquement. Nicholas, dont les sourcils n’étaient toujours pas redevenus visibles, se tourna à nouveau vers le groupe … Et subitement, les deux arc-de-cercle blonds redescendirent, et se froncèrent fortement.

Vous pensez qu’on devrait prévenir la police ?
Je ne m’y risquerais pas si j’étais toi. Et puis plus sérieusement, je doute qu’ils se déplacent pour ça. Se tournant vers le groupe en ayant à peu près réussi à retrouver son calme, Jane soupira, et reprit. A part cela, avez-vous d’autres questions ou besoin d’autres précisions ?

La science ! Un domaine de dingue, pas vrai ?

Nicholas avait répondu à Winnie en plein milieu de ses phrases, plus précisément juste après sa question sur les missions suicide. Son sourire éclatant, son ton enjoué et courtois et son dynamisme naturels semblaient impossibles à entacher, et si l’individu un peu plus tôt l’avait clairement rendu perplexe, il restait le même homme d’affaire professionnellement poli et motivant … Ou exaspérant, selon les points de vue : son commentaire avait fait rouler les yeux de Jane dans ses orbites de façon très visible. Plutôt que de laisser son camarade continuer à l’enfoncer avec une autre pitrerie, dès que Winnie eut terminé de parler, elle préféra enchaîner d’un ton franc, froid et monotone.

Probable, mais il s’agit de la police : un service public visant à maintenir l’ordre public en appréhendant les criminels. Nous sommes une organisation privée conduisant une opération privée visant, sur le long terme, à faire du bénéfice. Vous voyez en quoi ça ne rentre pas dans les attributions des forces de l’ordre, Winnie ? Le « ou est-ce qu’il faut vous faire un dessin » n’était pas sorti, mais il aurait parfaitement complété la phrase. Réajustant ses lunettes, elle poursuivit sur un ton également cassant : Et puis, vous saviez déjà qu’il s’agissait d’un travail d’escorte aux racines pourpres, donc vous aviez déjà ces informations sans avoir à poser de question. Après, bien sûr, si vous ne vous sentez pas assez qualifiée pour cette mission …
Mais après tout, qu’est-ce que deux-trois drosophiles un peu agressive face à une bande d’aventuriers braves et malins comme vous, n’est-ce pas ? Je suis sûr que les choses se dérouleront bien mieux que votre formulation ne le laisse entendre. Et au pire, il y a des équipes de secouristes spécialisés dans la récupération d’individus piégés dans les racines pourpres, donc ce n’est pas comme si l’expédition s’annonçait sans retour.

Pour répondre à vos deux questions, mesdemoiselles, ouiiiii et non. Vous n’avez bien sûr pas le droit de voler un scooter sur le chemin juste parce qu’il vous intéresse. Pointant son doigt vers la jeune femme aux cheveux roses en mode finger-gun en lui faisant un clin d’œil, le manager enchaîna. Je plaisante, bien sûr. Pour le reste, les clauses d’exclusivités de vos contrats ne concernent que nos recherches, dooonc vous n’avez aucune interdiction de remporter un petit souvenir de votre excursion. Miss aux cornes, je pense que votre question était plus « puis-je garder un échantillon » que « puis-je le prélever ». La réponse est oui pour les deux cas, mais nous n’avons pas vraiment prévu des tonnes de matériel de conservation supplémentaire … Ou alors, peut-être contre une légère diminution de votre paie : nos éprouvettes et autres fioles ne se financent hélas pas toutes seules.

Ce fut à peu près à ce moment-là qu’on toqua à la porte, avant de l’ouvrir. Ça ressemblait à un adolescent ayant de grandes difficultés à passer à l’âge adulte, fourré dans une blouse trop grande qui ne masquait rien à son air benêt. D’une démarche hésitante, il entra dans la pièce, regardant les gens présents en clignant des yeux à plusieurs reprises.

Heum, bonjour …
Bonjour Thierry, installe-toi.
… Thierry, qu’est-ce que tu fais là ? C’est Didier, qu’on attend …
Ah, oui, j’ai oublié. Didier est malade, Thierry est le seul dont on pouvait … Libérer l’agenda pour l’après-midi. Tu n’as pas reçu mon mail de 14h50 ?
… Non ? Donc on envoie notre stagiaire ?
Il a été formé pour ce qu’il fallait faire, ne t’en fais pas ~ Thierry, ce groupe va t’accompagner sur le terrain pour l’excursion de cet après-midi. Normalement, le matériel est dans la voiture de service, dont voici les clefs semblant sortir le trousseau de nulle part, il les balança au jeune stagiaire, qui les rattrapa in extremis. Et je pense qu’on a tout traité ici pour ma part. Tout le monde a lu et signé son contrat ? Gardez-en un exemplaire et passez-moi l’autre, s’il-vous-plaît. Faisant un dernier tour de table pour récupérer les feuilles, en indiquant où il fallait signer et parapher si besoin, le manager finit par regrouper ses affaires en un temps record, et à faire signe à tout le monde avec un sourire plus éclatant que jamais. Messieurs-dames, bonne chance pour votre excursion, et que la science soit avec vous ! Oh, Jane, du coup dans le mail je t’ai fait la liste des petites tâches supplémentaires à ta charge. Je vous laisse, j’ai un entretien à 15h30 à l’autre bout de la ville !

Jane, qui avait plongé son visage dans ses mains pour contenir – de façon plutôt réussie – sa fureur, finit par soupirer sourdement … Puis par relever la tête. Ajustant ses lunettes, elle souffla un grand coup, et reprit sur un ton ... Neutre. Globalement.

Je ne sais pas vous, mais je me sens personnellement affreusement fatiguée … Donc, vu que visiblement il n’y a pas grand-chose de plus à ajouter, autant abréger et vous laisser y aller tout de suite. Juste, pour rappel Thierry : on a besoin d’à minima 4 échantillons, 8 ce serait optimal. Le matériel dans la voiture contient entres autres des instruments de prélèvement, des fioles et tubes à essais, une glacière pour transporter tout ça à une température assez basse, et des talkies-walkies qui peuvent, en cas de besoin, émettre un signal d’urgence … Des fois que ce soit nécessaire. Thierry, tu sais où est le garage, je te laisse prendre les choses en main à partir d’ici … Bon courage.
O-okay, ça marche. A plus tard Jane !

Voyant la scientifique partir sans répondre ou jeter un dernier regard en arrière, le jeune homme resta planté là un instant, un brin déconfit … Puis se tourna vers le reste du groupe en essayant d’afficher un sourire confiant.

Bon, et bien je pense qu’on peut y aller ! Suivez-moi, le parking est derrière le bâtiment. Alors qu’il s’engageait dans le couloir et attendait que tout le monde soit sorti de la pièce pour fermer la porte, il sembla s’interrompre, hésitant un peu … Oh, heum, je m’appelle Thierry, au passage, mais je pense que vous le saviez … Mais du coup, vous, c’est quoi vos prénoms ? On ne me l’a pas dit … Oh, et quelqu’un veut conduire la voiture ? J’ai un plan de l’endroit où on doit se rendre et mon permis, mais … Pas depuis longtemps, et… J’ai pas trop confiance … Si ya l’un d’entre vous que ça dérange pas …

HRP: