Un des avantages à être son propre patron était que, parfois, dans certaines circonstances et avec un peu de pot, on pouvait sélectionner ses propres horaires. Bien sûr, un tas de paramètres rendait la chose plus difficile qu’il n’aurait pu paraître ... Mais bon. S’accorder, de temps à autres, la matinée pour aller faire quelques courses et régler des soucis à la banque, c’était de l’ordre du faisable, n’est-ce pas ? D’ailleurs, il ne s’agissait même pas de « soucis » à proprement parler ... Mais comme elle avait dû puiser pas mal dans les fonds du Friendly Fire dernièrement, et qu’elle s’était délestée d’une employée, Kathleen avait été convoquée par sa conseillère. Ils s’inquiétaient de savoir si elle était sur le point de faire faillite, en gros. Ce qui n’était pas vrai ... bien sûr ... De ce qu’elle savait ? Les membres venaient régulièrement faire des séances depuis la réouverture, et elle avait même réussi à renflouer partiellement les sous qu’elle avait investis pour aménager le 2nd sous-sol. Après, malgré ses études en management, elle n’était pas comptable ... Et s’occuper de gérer des sommes d’argent lui était pénible à un point frôlant les limites du supportable. Il n’aurait donc pas été étonnant qu’elle dépense un peu beaucoup sans s’en rendre compte ... Mais bon. Elle allait rentrer dans cette banque, parler à sa conseillère, et tout arranger ... Dans ... 5 minutes. A l’heure exacte de son rendez-vous.

La tireuse lâcha un soupir, vautrée sur le volant de sa voiture et observant le bâtiment à l’architecture étrange par la vitre. Sa conseillère allait sûrement encore être en retard de 10 minutes, et la faire sortir avant la fin du rendez-vous, comme d’habitude. Elle ne savait pas s’exprimer de façon rassurante lorsqu’il fallait aborder la question des fonds de son entreprise ... Et elle détestait d’avance le temps qu’elle allait perdre à attendre que l’employée en face d’elle n’épluche méticuleusement son dossier pour en déceler toutes les petites imperfections. Ensuite on allait lui proposer des prêts ou des crédits qui allaient plus l’enfoncer que l’aider, elle allait devoir tout refuser en bloc et trouver de bonnes raisons de le faire ... Lesquelles, là aussi, allaient être épluchées et décortiquées pour en exposer toutes les failles. Rien que d’y penser, elle avait déjà la sensation d’être une élève à qui le prof taille un costard à toute la classe. Mais bon ... 3 minutes. Du coin de l’oeil, la pistolera infernale remarqua un groupe de gentlemen en costume qui approchaient de la banque d’un pas déterminé. Ce qui n’était pas inhabituel ... Mais ils portaient de gros sacs de toile ou de sport, ce qui était en revanche un peu étrange. Ils étaient en train d’enfiler des masques, ce qui était également étranges. Eeeet l’un d’entres eux sortit une arme de poing de sous sa veste précisément au moment où ils entraient dans la banque. Braquage. La dentue à 4 bras s’accorda une petite minute de réflexion. Point négatif : elle n’avait toujours pas la moindre licence d’héroïne lui permettant de sauver la journée ... Sans faire face à des répercutions légales. Point positif ... Elle voyait subitement la prochaine heure devenir beaucoup plus plaisante, peu importe ce qui allait arriver.

Mais ce n’était pas l’heure de se réjouir d’un évènement pareil. Depuis l’effondrement, la police, les héros qui restaient et les aqua-forces devaient se déchaîner pour contenir la vague de criminalité qui faisait suite à l’effondrement ... Et ça voulait malheureusement dire que si les braqueurs étaient assez vifs, ils allaient pouvoir repartir avant l’arrivée des autorités. N’ayant pas spécialement envie qu’une telle chose se produise, la tireuse envoya immédiatement un message dans le fil d’actualité générale d’Ukato, histoire au moins d’attirer l’attention. Un flash sembla provenir de la banque, détournant son attention un instant ... Mais passé cela, plus rien. Elle resta un instant à observer, puis se retourna pour aviser ses courses sur la banquette arrière. Tendant un bras, elle se saisit du hoodie flambant neuf qu’elle s’était offert. Il avait encore des manches – seulement deux, hélas – et c’était ce qui allait jouer en sa faveur : ouvrant la fermeture éclaire sur l’avant, elle passa le vêtement, et ... Garda ses deux bras inférieurs contre son torse, dissimulés, de même que ses longs cheveux. Refermant un peu le pull, elle s’observa ... Parfait, ça donnait l’illusion. Et « au pire », ça lui ferait un avantage tactique d’avoir des mains cachées. Son écharpe, ensuite, qu’elle entoura autour de sa dentition. Heureusement que la collection automne-hiver était un peu en avance ... Pour finir, les lunettes de soleil dans sa boite à gant. Et voilà ... Si on exceptait ses jambes nues à cause du short, et donc sa peau rouge, elle était devenue miss ... Miss « incognito suspect ». Elle ne remercia – une fois de plus – pas son paternel de lui avoir donné un physique si aisément reconnaissable, et laissa son cerveau carburer tandis qu’elle observait la banque.

Devait-elle chercher à les affronter alors qu’ils sortaient avec le butin ? Non, mauvais plan. Déjà parce qu’ils seraient sûrement tous ensemble. Ensuite parce que même s’ils ne mettaient plus en danger les otages à l’intérieur, ils pouvaient tirer sur les passants. Et enfin parce qu’à priori, rien n’indiquait qu’ils n’avaient pas une échappatoire par un autre côté du bâtiment. Ce qui voulait dire que d’ici, elle ne les verrait pas à temps ... Ceci étant dit, elle nota une silhouette masquée à une des fenêtres, et une autre non loin de la porte. Ils n’étaient pas entré à plus de 4 ou 5 ... Et dans les souvenirs qu’elle avait de la banque, les bureaux étaient dans un espace séparé de celui « réservé au public » (ce qui était logique), et le coffre était accessible par un escalier au fond des bureaux ... Donc, ils ne pouvaient pas tous être restés dans l’entrée pour surveiller. Baissant sa vitre au maximum, la pistolera s’accorda encore un instant de réflexion ... Et fit apparaître les dugly dans ses mains. Ses deux pistolets à silex jumeaux dont l’aspect, elle devait bien l’admettre, n’avait jamais vraiment aidé à améliorer son image ... Le fait que les crosses soient serties de dents et de lames sonnait après tout assez peu digne de l’arme d’un noble justicier. Mais Kathleen faisait avec ce qu’elle avait ... Comme un talent notable au tir. Chargeant un des pistolets, elle garda ses deux cibles en vue ... Et les braqua en même temps, pour tirer au même moment. La balle « instantanée » traversa la fenêtre, et percuta le crâne de celui qui se trouvait derrière. L’impact devait avoir la puissance d’un bon coup de poing. Sur une plus petite surface, mais elle doutait sincèrement parvenir à tuer avec ça. Le tir chargé, en revanche ... Lui, il était assez puissant pour pénétrer la chaire. Ce qui expliquait qu’elle ait, dans le cas du type dans l’entrée, visé les jambes. Le tibia, pour être précis. Ça ne rata pas : il s’effondra aussi à terre avec un cri de douleur. La démone ouvrit aussitôt sa portière pour sortir de sa voiture en courant.

Dans le temps qu’elle mit à traverser la rue, elle recommença à charger un de ses pistolets. Elle dû se servir de l’autre pour tirer à nouveau sur le type à terre : le touchant au coude, elle l’empêcha ainsi de récupérer son fusil, qu’il avait lâché à cause de la douleur. Lorsqu’elle arriva à son niveau, elle envoya d’ailleurs l’arme glisser sur le sol loin de là d’un bon coup de pied. L’instant d’après, elle écrasait la main du braqueur, et lui pointait un dugly vers le torse. Gémissant, il cessa aussitôt de vouloir chercher quelque chose sous sa veste. La tireuse se pencha sur lui en glissant le pistolet qu’elle ne chargeait pas dans sa poche ventrale. Enroulant ses doigts dans sa manche, elle ramassa l’arme que voulait saisir le braqueur – un flingue conventionnel cette fois- qui était équipée d’un silencieux ... Arme dont elle vida deux balles dans les mollets du type, lui tirant encore un gémissement. Avant de tirer la seconde cependant, elle éjecta le chargeur, et après le tir, elle jeta le pistolet hors de portée. Il n’était qu’à peine 9 heures du matin, la banque n’était ouverte que depuis une demi-heure, et les clients n’étaient pas nombreux ... La plupart d’entres eux étaient sur le sol, à ne surtout pas lever les yeux pour voir ce qui se passait. Tant mieux.

Le braqueur sur lequel elle avait tiré à travers une fenêtre revint subitement dans le champ de vision de la tireuse, qu’il aperçu visiblement au même moment. Il n’eut pas le temps de pointer son arme correctement qu’il prenait le tir chargé de Dugly en plein dans le torse. Avec son gilet pare-balle, il en était juste quitte pour être bien déstabilisé : tout ce qu’il fallut à la tireuse pour saisir quelque chose et partir en courant pour se jeter derrière un pilier. Après tout, même si sa nouvelle veste était tendance – et un peu tâchée de sang sur une des manches, maintenant – elle n’était pas pare-balles. Les braqueurs, eux, au moins, étaient protégés ... D’où l’intérêt de viser les jambes. L’autre endive dans le hall n’irait pas loin avec un tibia pété et l’autre mollet en charpie. Mais alors qu’elle était en train de se justifier mentalement auprès d’elle-même pour expliquer que c’était une cruauté nécessaire, la pistolera fut rappelée à la réalité par un tir de chevrotine, qui projeta de la poussière et des éclats de pierre du pillier.

T’AS MAL CHOISI TON MOMENT, CONNARD ! J’VAIS T’SAIGNER PUTAIN ! J’VAIS T’FAIRE LA PEAU !
Burt, Jo- hun, phénix, corbeau, ça va ? Les employés sont sécurisés, c’était quoi ces PUTAIN BURT ? IL S’EST PASSE QUOI LA ?

Non seulement ils n’étaient ni très vigilants, ni très doués pour garder leur calme, mais en plus ils manquaient de professionnalisme ... Que du bon pour la tireuse, en somme. Ou presque : visiblement, un troisième gusse venait de ramener sa fraise, ce qui là par contre n’était pas terrible ... La démone regarda ce qu’elle avait saisi avant de s’enfuir. Une flashbang. « Burt » était venu braquer une banque avec une grenade aveuglante. Bah ... On pouvait au moins le remercier de ne pas avoir pris un modèle à fragmentation. Dégoupillant l’arme et relâchant la cuillère, la tireuse compta jusqu’à un, et la balança à gauche, avant de sortir son second dugly. Un nouveau tir percuta le pilier, sans plus d’effet que le précédent, à part stresser la tireuse. Une seconde plus tard, elle sortit de son couvert en courant à droite. La grenade éclata quasiment à ce moment-là, suivie d’une cacophonie de tirs et de jurons.

Un des avantages évidents de Vermillion dans cette situation était qu’elle portait des lunettes de soleil. Ça ne voulait pas dire qu’elle était « parfaitement insensible » au flash, mais en soit il était sûrement moins violent pour elle que pour les braqueurs. Le second avantage qu’elle avait ...Venait de ses yeux, tout simplement. Les balles qu’elle tirait étaient des projectiles d’énergie lumineuse, après tout. Et depuis le temps, il avait été établi que ses yeux entièrement noirs fonctionnaient comme ceux de son père ... Légèrement hypermétrope, mais surtout, résistants aux flashs. Elle n’eut donc aucun mal, juste après le flash, à voir qu’elle devait changer de direction dans sa course, et prompto. Un tir de fusil à pompe lui envoya un peu de chevrotine dans la cuisse, mais à peine de quoi faire quelques dégâts légers : rien qui l’empêcha, elle, de tirer juste sous le genou du braqueur avec le tir chargé, et dans ses mains avec celui qui ne l’était pas. Les deux tirs réussirent : il détourna son arme sur le côté, et poussa un cri lorsqu’un trou sanglant se forma dans sa jambe. « Révoquant » ses pistolets à silex alors qu’elle arrivait au contact, la tireuse saisit le canon du fusil à pompe pour achever de le dévier, et envoya le tranchant de sa main dans la gorge vulnérable du type. Déstabilisé à la fois par cet assaut brutal, le subit manque d’air et ce qu’il venait de se prendre dans le mollet, le braqueur lâcha son arme et tomba à terre.

Gardant le fusil à pompe en main, la tireuse laissa son esprit continuer à carburer alors qu’elle observait le second braqueur, qui commençait déjà à lever son revolver de façon menaçante, même si il n’avait pas l’air d’y voir grand-chose. D’un geste brusque, Vermillion lança le fusil à pompe, qui percuta le sol sur sa gauche. Le braqueur qui venait d’arriver pointa aussitôt son arme dans cette direction, ce qui permit à la jeune femme de se jeter sur lui, de saisir son poignet d’une main, son bras de l’autre ... Et de pivoter. Déstabilisant son adversaire en lui tordant le bras, elle le fit chuter à terre sans délicatesse, et lui maintint le bras dans une position sûrement très inconfortable pendant quelques instants.

L-lâche-moi ! Enfoiré ! T’es qui, un flic ?
Non, quelqu’un qui a des sous dans cette banque. Elle posa sa botte sur l’épaule du type, et tira d’un coup brusque en amplifiant la torsion. L’épaule émit un « plop » relativement malaisant, qui fut suivi d’un cri de douleur. Voilà, avec un bras déboité tu ne devrais plus trop poser de problème ...
Hey, huuum ...

La tireuse fit aussitôt réapparaître un des dugly pour le pointer sur la nouvelle voix qu’elle entendait ... Mais dans la mesure où le civil qu’elle braquait avec son arme leva les mains, elle lâcha juste un soupire, et pointa le canon de son flingue vers le plafond en faisant un petit signe avec l’autre main pour s’excuser.

My bad, je ... Vous êtes client ici ?
Je ... Oui ?
Merveilleux. Vous avez déjà tenu un fusil à pompe ?
Non, mais
Tant pis, c’est l’heure d’apprendre. Se saisissant de l’arme qu’elle avait lancé par terre un peu plus tôt, elle la tendit, canon vers le plafond, au civil. Ce dernier marqua une pause, visiblement incertain. Prenez-la mon vieux, j’vais avoir besoin que vous teniez ces trois idiots en respect pendant que je m’occupe de ceux qui restent. Il y en a bien d’autres, n’est-ce pas ?
TU LUI DIS UN MOT, TRIPLE MERDE. UN MOT ET J’V-AAAAAAARH !

Le braqueur qui venait d’ouvrir la bouche cessa brusquement sa phrase et se tordit de douleur en jurant : Vermillion venait de se servir de son dugly pour lui tirer une autre balle dans sa jambe blessée. Pas de quoi lui fracturer un os ou quoi ... Juste l’équivalent d’un bon coup de poing à côté de sa blessure. Ceci dit ... Il était plus que probable, vu le tir qu’elle avait fait tout à l’heure, qu’il ait déjà l’os cassé de toute manière. Ça lui apprendrait à ne pas braquer de banques, tiens. Se retournant vers le civil, elle lui tendit une fois de plus le fusil.

Vous calez bien la crosse contre l’épaule, vous alignez votre œil, le dessus du canon qu’on appelle aussi la « mire », et la cible. Et vous tirez. Attention, ça a du recul, soyez bien stable sur vos appuis. Normalement, si les trois péquenots ici ne sont pas trop stupides, vous n’allez pas avoir à vous en servir. Sinon, visez la tête, ils ne sont pas protégés là.
Définitivement pas un flic ...
Ya ya, tu crois que j’me masque la gueule pour le plaisir ? Bon, du coup, ils sont combien ?
De ? Les braqueurs ? L’encapuchonnée hocha la tête vivement. Cinq au total. Les deux derniers ... Il y en avait un qui avait l’air de porter un sac très lourd, et l’autre, jeune, qui avait les mains dans les poches. Je pense qu’il avait un alter puissant vu son attitude, il ne semblait pas avoir d’arme. Mais heu ... ça va aller vous ?
Boarf, j’me débrouillerais. Voyant que l’homme pointait sa jambe d’un coup de menton, elle baissa les yeux ... Elle avait la cuisse couverte de sang. Bon, peut-être que ça l’avait un peu plus touché que prévu. Ce qui ne l’empêcha pas de juste ...soupirer. ... Bon, j’vais p’têt tirer un peu la gueule quand l’adrénaline retombera.
He he, j’t’avais dis que j’te saignerai ...
Dis-donc, le prix nobel, t’en veux une dans les couilles aussi ? Du même calibre que celle qui t’a traversé la jambe d’ailleurs, pas juste une munition en caoutchouc hein. Le mec au masque ne répondit rien, aussi la tireuse se contenta de souffler par le nez tandis qu’elle retirait son bras d’une de ses manches. Utilisant la lame sur la crosse du dugly qu’elle tenait en main, elle trancha le tissus avec un brin de regret, ressortit son bras, et enroula le bandage de fortune autour des petits trous que la chevrotine avait fait dans sa chaire.Il va falloir que j’trouve un doc’ après ça, moi ... Bon. Plus que deux, dont un qui a probablement un alter costaud et l’autre du matos, c’ça ?
De ce que j’ai vu. Bonne chance mademoiselle.

Même si elle ne répondit rien, Kathleen se sentit quelque peu ... réjouie qu’un parfait inconnu réussisse à reconnaître que c’était une femme juste à sa voix. Faisant un finger-gun avec sa main libre, elle se détourna, et se mit à trottiner vers l’arrière de la banque, se préparant mentalement à devoir repasser en mode « action ». Alors qu’elle marchait, elle repéra d’ailleurs un corps allongé à terre ... Un des (ou "le" ?) gardes de la banque visiblement, qui semblait inconscient. Elle vérifia simplement qu’il respirait, l’allongea dans une position un peu plus confortable et s’assura qu’il n’était pas en train de faire une hémorragie ... Mais à part un ou deux trous de brûlure dans sa chemise, il semblait indemne. Pas le temps d’y réfléchir trois quarts d’heure, elle se remit en route.

Même si ce n’était en rien le moment ... Vermillion ne pouvait s’empêcher de repenser à sa mère. Une militaire de carrière. Aussi peu émotive qu’inflexible. Capable de dégommer une cible à 1 kilomètre 6, sans trop forcer. Relativement bonne en stratégie, tactiques de combat rapproché ou à moyenne distance ... Cette femme avait aussi, entres autres, appris tant et tant de choses à la « démone » qui lui tenait lieu de fille. Des après-midis, passés à répéter des mouvements, à analyser des situations, à expliciter les failles de la plupart des tireurs lambda, et comment exploiter ces failles. A voir comment utiliser ses 4 bras en combat rapproché, aussi ... Ou même dans la vie de tous les jours, puisque la mère et la fille partageaient cette particularité.

Mais alors qu’elle se remémorait ces tendres instants de partage et d’apprentissage –qui constituaient d’ailleurs la majeure partie de ses souvenirs avec sa mère, passé le cap des 10 ans- la pistolera ... Se prit une porte en pleine caboche, alors qu’elle venait de monter un escalier au pas de course. Idiote. Elle se sentit profondément idiote. Elle n’eut pas le temps de réfléchir plus avant qu’on se jetait sur elle, et profitait des lois de la physique et de l’inertie pour l’envoyer à terre et lui tenir les deux poignets. Pas de quoi lui faire lâcher son dugly, mais elle ne tenait pas forcément à tirer à l’aveugle des balles d’un calibre non létal. Même létal, à vrai dire, l’un dans l’autre. Surtout qu’elle était allongée sur le ventre, avec un adversaire dans le dos ... Une très mauvaise position, cela allait sans dire. Cherchant à décrocher ses crocs de son écharpe (dans la chute, les uns avaient un peu pénétré l’autre et c’était désagréable) la grande tireuse entendit une voix féminine lui faire un topo de la situation ... Qui, contre toute attente, ne lui tira qu’un grognement particulièrement irrité.

Okay, donnes-moi deux minutes pour me remettre de quand ma tête à percuté le sol, là ... « Votre plan d’évasion ». T’es pas une braqueuse. Ça ressemble à un poignard ou un sabre, dans mon dos. Pas une flic. Donc j’penche pour une héroïne, visiblement un peu tarée, qui se repose sur des armes blanches et des attaques surprises pour neutraliser un individu inconnu en terrain ... Moyennement connu. Ça concorde avec le ton de ta voix ... T’es pas vieille, et t’es pas très expérimentée.

Pas de question, pas de doute, mais une grosse dose d’énervement. Pour peu, sa voix en revenait presque dans les teintes plus graves et « viriles » qu’elle aurait dû avoir à la base, même si un toussotement sembla y remédier. Lorsqu’elle reprit, la jeune femme à terre avait retrouvé son timbre androgyne habituel, mais ... Pas son calme. Elle enchaînait d’ailleurs sans attendre la moindre réponse.

Maintenant des raisons laisses-moi t’en filer au moins 3. La première, c’est que tuer ou mutiler à l’arme blanche une personne neutralisée, c’est un excellent moyen d’abréger bêtement ta carrière, « héros », voir de te retrouver derrière les barreaux. Deusio, ya un braquage en cours ici, et t’es en train de m’empêcher d’y remédier, c’qui m’fait quand même bien chier. Raison numéro trois ... Oh. Ouais. Okay, j’ai pas ma licence ni mon costume sur moi parce que j’venais juste parler à ma conseillère bancaire, et j’ai probablement l’air bien conne, avec une gamine sur le dos qui m’a neutralisé comme ça. Mais c’qui m’rassure, c’est que j’ai pas le monopole des actions manquées, parce que tu viens d’agresser une autre héroïne. C’est suffisant ou j’essaie de me dégager de force ?

La dernière phrase n’était pas dite sur un ton menaçant : à vrai dire, à part une ironie grinçante soulignée par le ton plat, neutre et informel de sa question ... Même s’il n’était pas difficile de percer le bluff à jour, de toute façon. Elle était en train de tenir une arme, ce qui sous-entendait qu’elle ne se basait pas que sur son alter pour combattre, ou au contraire qu’elle était déjà en train de l’utiliser avec le flingue, et n’avait donc pas de « carte surprise » à jouer dans cette position. Elle ne faisait aucun geste brusque, et ne résistait même pas vraiment dans la prise qu’on lui faisait au niveau des poignets : elle ne cherchait pas à remporter un duel de force physique dans une position qui la désavantageait à tel point qu’elle avait perdu avant même de commencer le match. Et dernier point, même si elle était la seule au courant ... Elle était tombée sur ses bras supplémentaires. Lesquels ne pouvaient pas lui offrir de vision dans le dos, ne pouvaient pas dégager la lame, et ne pouvaient pas attaquer directement son assaillante. En clair ? échec et mat, si la demoiselle qui s’était jetée sur elle ne la libérait pas, elle était faite. Ce qui était, à vrai dire, la raison première de son énervement.

Bon, okay, déso pour ma façon de répondre ... J’ai ruiné un nouveau hoodie sur lequel j’avais eu un coup de coeur, j’me suis fait tirer dessus ya pas cinq minute et j’ai reçu de la chevrotine, ma cuisse et mon nez me font mal, et j’viens d’me faire épingler au sol comme un papillon fluo dans la collection d’un gros banquier pété d’thune ... j’ai les boules. Mais en vrai si tu pouvais m’laisser m’relever, ça me ferait vraiment plaisir.

Pratiquement au même moment, l’étage du dessous sembla s’agiter. Du style ... Un coup de fusil à pompe. Un craquement surpuissant. Et toutes les lumières, tous les ordinateurs, et à vrai dire absolument tout à part les signes « sortie » s’éteignit d’un coup. Avant, dans certains cas, de se rallumer ... Les ampoules qui avaient sauté, en revanche, se contentèrent pour la plupart de grésiller discrètement. Ayant d’instinct tourné la tête vers l’origine du bruit, la grande rousse lâcha un juron entre ses dents.

Et merde ... Il semblerait que le chef de la bande ait un alter de foudre, ou une connerie du genre. Il a déjà dû griller les caméras ... C’qui m’inquiète, c’est que j’avais laissé ses potes à la garde d’un type qui, pour les surveiller, utilisait un fusil ... J’espère qu’il a pas prit de mauvais coup. Bon, qu’est-ce que t’en dis ... On descend et on va leur péter la gueule ? All-star team-up et toutes ces niaiseries ?

Elle mentait en traitant ce genre de scénario de comics de « niaiseries » : elle en était friande ... Et elle ne s’était pas attendue à un jour le faire en vrai. Du moins, pas depuis qu’elle avait officiellement abandonné sa carrière d’héroïne. Mais elle adorait l’idée de deux individus, mettant en commun leurs compétences pour un bien commun, lutter dans un même but ... Un peu comme si elle s’alliait avec un comptable pour mieux gérer le Friendly Fire. Tiens, c’était une idée, ça ... Il allait falloir qu’elle poste sur Ukato à ce sujet. Mais pour l’heure, c’était pas le moment de penser à ça ... Déjà, il fallait que la jeune femme dans son dos accepte sa coopération, et ensuite, qu’elles règlent le problème. Et éventuellement ... S’il y avait les flics, qu’elle trouve un plan d’évasion. L’autre saigneuse était peut-être (sûrement) là légalement ... Mais elle, non. Tiens. D’ailleurs.

2nd amendement, au passage. Mon « nom de travail ». Tu dois pas connaître, j’évite la presse comme la peste. T’es qui, toi ?

C’était, là aussi, un mensonge éhonté, mais mieux valait couvrir ses arrières.

Une chose était sûre : peu importe qui se trouvait sur le dos de Kathleen actuellement … Cette personne n’avait absolument aucun sens de l’humour. La position de la pistolera devint de plus en plus inconfortable au fur et à mesure qu’elle parlait, même si elle ne fit rien de particulier pour résister. Dans sa situation, sa verve était déjà une réaction idiote et dangereuse pour elle : pas besoin d’en rajouter. Le coup du katana sur la nuque qui écartait sa capuche et ses cheveux était cependant à l’extrême limite de ce que la démone pouvait tolérer, même si au final, la situation s’assainit peu de temps après. Se relevant en venant mettre une main sur sa nuque dès qu’elle fut libérée, la tireuse fit un ou deux pas pour s’éloigner avant de pivoter et d’observer celle qui l’avait maîtrisée de façon si peu protocolaire.

Retouche à mes cheveux avec une lame et ça va très mal se passer, mais sinon … J’ai vu plus taré et inexpérimenté que ça. En voyant qu’on la pointait de nouveau avec l’arme blanche, Kathleen soupira. Enfin, je crois ... mais je commence à avoir des doutes là …

Talvar n’aurait à vrai dire pas eu besoin de se présenter pour que la tireuse la reconnaisse : elle avait entendu parler de l’indienne aux infos il y avait plusieurs mois de cela désormais … Sans compter la période récente, durant laquelle elle avait rejoint son père, héros aussi, pour « aider le pays après l’effondrement ». Et visiblement, il allait y avoir du travail … Aussi bien pour « aider le pays » que pour la jeune femme, pour commencer. Mais le pompon fut sa dernière demande. « Question de confiance ». Si elle ne les avait pas portées pour une raison, Vermillion aurait baissé ses lunettes de soleil rien que pour la regarder dans les yeux en les plissant. Histoire de lui faire comprendre ce qu’elle pensait, en même temps qu’elle répondait. Mais bon, ça allait être difficile dans la situation actuelle. Mieux valait encore une fois laisser parler … les mots ?

… Tu es sérieuse. On est dans une banque en train de se faire braquer, ya p’têt quelqu’un qui a ou va clamser un étage en-dessous, la police compte sur notre intervention pendant qu’ils attendent les renforts, et toi tu veux voir mon visage pour … Urh.

La démone marqua une pause, levant une main à son visage pour se pincer l’arête du nez à travers son écharpe. Ça devait être une mauvaise blague … Ou pas. Ajustant le tissu et tirant un brin dessus pour en décrocher ses dents (elle allait avoir du cachemire dans la bouche toute la journée, super), elle lâcha un soupire des plus explicite vis-à-vis de son agacement, avant de glisser ses deux mains dans son dos, d’y invoquer ses deux dugly, et de les faire revenir devant elle pour les rendre visible. Inutile de « montrer » qu’elle les invoquait à partir des tatouages sur ses avant-bras. Elle garda les canons pointés vers le sol ceci dit : inutile de faire croire qu’elle était sur le point de l’agresser. Physiquement, en tout cas.

Okay Talvar, ne le prends pas mal, mais il va vraiment falloir que tu bottes le cul de tes cellules grises pour qu’elles se mettent à fonctionner. Si je me masque la gueule, comme un bon quart des héros américains au passage, c’est pas parce que ça me fait plaisir, et c’est encore moins pour tes beaux yeux et tes longs couteaux que j’vais prendre le temps de te montrer ma tronche. Tu me fais pas confiance après m’avoir menacé de mort, m’entailler la couenne et que j’ai quand même décidé de dialoguer pour me libérer ? Parfait. Rentres chez ton père, envoie un courrier de démission en tant qu’héroïne, et trouves-toi un boulot en tant que coiffeuse, ou coutelière, ou une autre connerie du genre, c’qui t’chantes. Si t’as envie de prendre chaque individu masqué que tu croises en grippe sans faire de distinction, crois-moi, ça t’épargneras pas mal d’emmerdes, et ça fera gagner du temps aux héros que tu croisera. Ya des gens à sauver ici, et toi tu me menaces juste parce que je protège mon identité … j’te jure.

Entendant du bruit provenant de l’extérieur, la tireuse recula à grands pas sans sembler quitter Talvar des yeux, jusqu’à être dos au mur, à côté d’une fenêtre. Elle jeta un coup d’œil, analysant la situation, et accrochant un pistolet à sa ceinture pour se frotter la nuque d’une main, sous sa capuche. Ça s’activait dehors … Les forces de l’ordre. Bien sûr qu’elles étaient déjà arrivées … et elles étaient de plus en plus nombreuses. Sauf que ça n’allait pas forcément assainir la situation du rez-de-chaussée … Et ça emmerdait la vigilante, qui avait désormais elle-aussi besoin d’un plan d’évasion. Un éclair sortit d’ailleurs du bâtiment, touchant une des voitures et faisant exploser ses phares et gyrophares. Peu importe qui se trouvait en-dessous, il pouvait se permettre de balancer beaucoup de jus sans trop de retenue … bon. Kathleen retira sa main de sa nuque, jeta un œil à sa paume, leva le visage vers la responsable pour le sang qui s’y trouvait, et laissa son bras retomber le long de son corps avec lassitude. Peu importe, ça ne servait à rien d’être énervée maintenant.

Sinon, je confirme … Alter de foudre. Ou d’électricité, c’est la même chose. Ce qui veut dire que les objets métalliques et pointus devraient attirer ses tirs … Et que d’être relié à la terre pour éviter que l’électricité ne traverse le corps, ça devrait être meilleur pour la santé. Si tu peux faire une chaîne accrochée au bout de ton katana qui traîne sur le sol, ça serait pas mal. Ça, ou … Un fil …

Se désintéressant légèrement de l’autre héroïne dans la pièce, Kathleen s’approcha d’un des bureaux, et se saisit de la lampe métallique posée dessus. L’objet était tout en courbes, assez moche, mais surtout presque entièrement fait de ferraille. Elle vira le cache autour de l’ampoule. Pas besoin. Pas besoin de l’ampoule non plus, à vrai dire. Quant au fil … Il faisait environ deux mètres. Elle débrancha, puis trancha la prise mâle avec la lame fixée à la crosse de son arme. Dénudant un peu de cuivre, elle glissa l’embout dénudé dans son lacet et fit le tour de sa botte pour qu’il passe sous sa semelle. Remontant son hoodie (en faisant attention à ne pas montrer ses bras « en trop ») et retirant sa ceinture, elle s’accrocha la lampe autour du torse, juste au niveau de la poitrine, et laissa le vêtement retomber. Ça imprimait une forme étrange à son torse, mais tant pis, avec ça elle pouvait se permettre de se prendre un éclair sans que le jus ne passe par le cœur … Enfin, elle l’espérait. Bougeant un peu, vérifiant que son bricolage tenait en place, elle finit par se tourner vers Talvar à nouveau.

On va pas se mentir, ça va pas empêcher une décharge de faire mal, ni même tenir le coup bien longtemps … mais bon. Je descends. J’vais essayer de prendre notre lascar en traitre … Ou au moins, jouer la carte de la diversion pour laisser le temps aux otages de fuir, s’il en reste. Toi, fais comme tu veux.

Contournant assez largement l’héroïne (elle avait beau ne pas être « contre » l’idée de faire équipe, elle la jugeait définitivement trop instable pour se remettre à portée de katana), Kathleen se dirigea vers les escaliers, qu’elle descendit souplement. Le fil électrique qui ballottait contre sa cuisse n’était pas prévu pour subir un très gros voltage / ampérage … il fallait espérer que si monsieur volt lui tirait dessus, la décharge ne soit pas assez puissante pour outrepasser cette protection somme toute assez mince. De ce qu’elle connaissait du plan du rez de chaussée de la banque, elle ne risquait pas de tomber sur mister volt tout de suite … Elle avait dû le louper pendant qu’il pillait le coffre, selon toute vraisemblance. Elle aurait juré que la personne avec un sac de matériel serait avec lui d’ailleurs, histoire de forcer les serrures, mais ça devait être l’individu arrêté par Talvar. Donc mister volt avait aussi du matériel pour ouvrir le coffre. Ou alors, il utilisait ses pouvoirs sur une serrure magnétique … à moins qu’il n’ait prit un employé ayant les accès avec lui. Ce qui rendait la situation d’autant plus merdique. Ouvrant délicatement la porte d’accès aux escaliers, elle descendit la volée de marche en maudissant d’autant plus sa blessure à la jambe, et répéta doucement l’opération un étage en dessous. Des cris frustrés étaient audibles. Impossible de discerner ce qu’ils racontaient, par contre.

S’accroupissant, la tireuse traversa tout doucement la petite pièce dans laquelle étaient rangées les fournitures et la photocopieuse, et jeta un œil à travers la porte entre-ouverte qui donnait accès à l’entrée … Il était bel et bien là. Mister volt, ses camarades dont certains étaient toujours à terre à cause de leurs blessures, et dehors, les policiers. Et … Le chef des braqueurs avait un otage, comme elle l’avait pensé. L’homme à qui la tireuse avait confié un fusil un peu plus tôt avait visiblement prit un mauvais coup : il était à terre, inconscient et contre un mur … La dentue retint un juron frustré. Elle n’avait pas assuré sur ce coup là. Maintenant, tout était de savoir si elle se jetait sur mister volt par surprise, ou si elle attendait que la police n’intervienne et ne tire son épingle du jeu à ce moment-là … Ou si elle-même se dévoilait pour distraire le braqueur. Mais il y avait trop d’inconnues à cette situation. Certes, à part le chef, aucun braqueur n’était en état de se battre, mais pour le reste … Dans tous les cas, elle avait ses deux pistolets dans les mains, ils étaient chargés, et elle était prête à s’en servir sous peu.