Levi a depuis longtemps abandonné l’idée de dormir ce soir ; trop de pensées parasites occupent son esprit pour qu’il parvienne à trouver le sommeil, et ironiquement, il est fatigué de lui courir après. Alors, il a décidé de sortir. Peut-être qu’une promenade de minuit lui permettra de s’éclaircir les idées. C’est toujours mieux que de rester allongé dans son lit à se torturer l’esprit.
Un frisson le parcourt lorsqu’il pointe le nez hors de chez lui. Avec l’automne qui approche, les nuits commencent doucement à se rafraîchir. Ce n’est pas tout à fait du goût du jeune homme, qui remonte la fermeture éclair de sa veste en cuir jusqu’en haut et frotte l'une contre l'autre ses mains gantées.
Toute considération sur la température le quitte bien vite, cependant, alors qu’il déambule d’un pas machinal dans des rues de moins en moins familières. Il ne lui a pas fallu longtemps pour se perdre à nouveau dans ses pensées, celles-là même qui l’ont tiré du lit en pleine nuit pour le jeter dehors, dans l’agitation nocturne de Starfish. Des inquiétudes, principalement. Il se fait du souci pour sa mère. Plus d’un an et demi a passé et sa santé mentale est toujours aussi fragile. Aria semble danser en équilibre précaire sur un fil tendu au-dessus d’un gouffre, et le moindre faux pas risque de lui faire perdre pied, la laissant sombrer dans la folie. Parfois, Levi craint qu’elle ne reste ainsi pour toujours. Mais s’il y a un seul espoir qu’il se refuse encore à abandonner, c'est bien celui-là. Cela prendra des années peut-être, mais il reverra sa mère heureuse un jour. Peu importe ce qu’il devra sacrifier pour y arriver.
Tandis qu'il songe à tout cela, le temps passe, et Levi a marché plus qu’il ne le pensait. Des néons clignotants partout où il pose le regard, une foule encore présente malgré l’heure plus que tardive, ce n’est pas très difficile de deviner dans quel quartier de Starfish il se trouve. Quant à savoir où exactement, il s’agit d’une autre question, dont la réponse ne l’intéresse pas dans l’immédiat.
Pour faire taire les rires et les conversations, le jeune homme enfile ses écouteurs et lance une playlist au hasard. Des notes de piano familières résonnent dans ses tympans. Il sourit. Il suffit d’un peu de musique pour qu’il se sente aussitôt plus détendu. Il regrette un peu le calme des rues désertes, toutefois, et ses pas le guident automatiquement vers des zones moins peuplées. Les enseignes lumineuses se font légèrement plus rares, les devantures moins propres, les trottoirs plus étroits. Il est toujours à Paradice, mais il a quitté les artères principales pour s’enfoncer dans des ruelles à l’éclairage insuffisant. Cela ne l’inquiète pas plus que cela. Levi se sent presque serein, à présent ; comme quoi, cette balade a eu l’effet espéré, finalement.
Et puis une silhouette attire son attention. Qu’est-ce qu’une adolescente fait dehors à cette heure-ci ? Il n'en sait rien. Elle a peut-être une bonne raison d’être là. Levi ralentit tout de même son pas pour l’observer. Elle se détache des autres passants car elle semble ne pas avoir de but. Ou du moins, c'est l'impression qu'il a. Levi hésite un instant, avant de se décider à s'approcher.
« Excusez-moi, » demande-t-il d'une voix douce. « Vous avez l'air perdue. Est-ce que vous avez besoin d'aide ? »
Il a conscience que cela doit paraître un peu étrange, un type qui sort de nulle part pour aborder une gamine, mais il ne pouvait pas se contenter de passer son chemin. Pas sans s'être assuré que tout allait bien.