Être une super-criminelle en fuite avait ses avantages et ses inconvénients. Parmi les avantages, qui étaient associés au fait que Vergetelheid soit une bonne super criminelle, il y avait le confort matériel. Certes, elle vivait dans un 3 pièces partiellement ravagé par un incendie qui avait chassé ses occupants légitimes, elle dormait presque sur le sol et elle se contentait somme toute d’un mobilier spartiate ... Mais elle avait un bon gros sac rempli d’argent qui lui permettait de ne pas trop avoir à se soucier de son budget nourriture, qui était la principale source de disparition de ses finances. Un organisme si petit mais si puissant avait besoin d’un nombre important de calories pour fonctionner ... Mais elle n’avait pratiquement jamais eu à s’en faire sur ce point. Un inconvénient, en revanche, était que la vie de tous les jours se parsemait de petites habitudes ... éviter le quartier du commissariat. Porter régulièrement un chapeau ou une capuche, qui vu sa taille aidaient beaucoup à dissimuler ses traits. De temps à autres elle mettait aussi les masques hygiéniques dont abusaient les japonais, mais en dehors de l’archipel nippon, cette habitude ne semblait pas très répandue. Eviter de passer trop de temps en face de policiers, lorsqu’elle en croisait, aussi ... Pourtant, lorsqu’elle en vit deux ou trois affairés avec des journalistes, en sortant de ses courses, elle ne put s’empêcher d’être piquée dans sa curiosité. Avançant en se servant de son haut sac en papier pour dissimuler ses traits, elle se plaça à côté d’un autre groupe de badauds, qui écoutaient la présentatrice faire son rapport.

-n peut donc conclure que notre beau quartier de Starway est sous la protection de deux nouveaux anges gardiens. Avec nous aujourd’hui le lieutenant Gargan, enchaîna la présentatrice d’un ton joyeux avant de tendre son micro à l’officier, qui lissa sa moustache en gardant une expression bien moins heureuse.
Et bien, la police ne peut nier que les différentes interventions de cette paire de justiciers ont très certainement évité des dommages matériels ainsi que des blessures. Cependant, nous rappelons que même en ces temps de crise, les actions isolées et non supervisées de civils pour attaquer des criminels, qu’ils soient endurcis ou non, reste condamnables. Il est heureux que les agissements de ces deux justiciers pour protéger une fois de plus notre centre commercial n’aient fait aucune victime. Nous encourageons cependant ces individus à se présenter aux autorités au plus tôt, afin que leur statut de héros devienne un peu plus officiel et réglementaire qu’il ne l’est actuellement.
Merci pour votre témoignage, lieutenant. C’était Carol Shatterglass, au centre commercial de ...

La petite n’entendit pas le reste de la phrase : elle s’était déjà détournée de l’attroupement pour marcher à pas rapides vers ... N’importe où, à vrai dire. L’instinct de survie, qui lui indiquait qu’un des policiers à côté du lieutenant avait commencé à la dévisager avec un peu trop d’insistance. Il avait d’ailleurs commencé à la suivre, lorsqu’elle s’engagea dans une ruelle. Mais lorsqu’il l’y suivit, il ne trouva rien ni personne ... Se frottant l’arrière du crâne avec surprise, il retourna en arrière vers ses collègues.

Environ 20 mètres plus haut, la petite tueuse, qui avait rebondit contre les murs jusqu’à atteindre le toit d’un des édifices, souffla avec agacement par le museau. Elle aurait pu l’envoyer brouter les pissenlits par la racine d’un coup de poing ... Mais elle ne tenait pas à attirer l’attention. Et ses courses n’auraient pas apprécié. Les déposants contre une cheminée, la petite tueuse de 215 kilos s’adossa à cette dernière en retirant sa capuche et en sortant son téléphone « moderne ». Faisant pivoter l’écran tactile et sortant son stylet, elle fit une rapide recherche dans la presse locale. Effectivement, le duo de nouveaux justiciers officiait désormais depuis deux ou trois semaines, et ils en étaient à leur cinquième coup d’éclat public. Trois vandales, blessés, avaient été retrouvés ligotés devant les portes du centre commercial le matin même. Ils avaient avoué à la police qu’ils avaient voulu cambrioler l’endroit, mais « qu’on » les en avait empêché durant la nuit ... Regardant les articles liés, la mercenaire découvrit d’autres témoignages, un peu plus détaillés. L’un des témoins d’une de leurs interventions relatait l’existence d’une pointe, fulgurante, qui avait mis hors d’état de nuire un agresseur, sans que ce dernier puisse voir d’où venaient les coups. Certains assuraient que ces deux vigilants agissaient depuis quelques mois désormais, et qu’ils avaient assaini le quartier même si ils n’étaient devenus connus publiquement que récemment.

Notant mentalement les adresses et les heures des différentes interventions, la vieille tueuse fit un rapide bilan. On parlait de deux personnes agissant dans le quartier, faisant leurs affaires la nuit ou en soirée, qui agissaient pratiquement toujours de la même façon : elles mettaient les criminels hors d’état de nuire, les ligotaient, puis disparaissaient en s’assurant que les autorités pourraient les retrouver. Pour le moment, ils avaient arrêté au moins deux cambriolages, une agression et deux trafiques illicites (Si dans l’un des cas on avait pas retrouvé de trafiquant, ce qu’il vendait et son client en revanche avaient étés interceptés). Les témoins certifiaient que deux alters au moins étaient à l’œuvre, mais impossible à dire s’il s’agissait d’un duo ou d’un groupe plus nombreux. Fermant son téléphone, la petite démolisseuse le rangea dans une poche en perdant son regard écarlate dans le vide. Un sourire vint flotter sur ses lèvres. Elle n’avait rien de particulier contre ce duo ... Mais un peu d’exercice ne pouvait pas faire de mal. Et au passage ... vérifiant rapidement ses messages, elle s’assura qu’une vieille connaissance à elle était également présente en ville avant de se décider. Se décollant de la cheminée, elle reprit son sac de course dans ses bras, et estima la distance entre elle et son domicile. Puis entre son domicile et le quartier de Starway. Ce n’était pas juste pour les deux justiciers qu’elle voulait s’y rendre : une histoire d’intuition.

Le trajet à la maison fut plus court que prévu, même si la tueuse ne passa pas par les toits. Une fois là-bas, elle en profita pour faire une recherche sur le nombre de bâtiments abandonnés en ville ... Heureusement qu’il n’était pas trop élevé. Repartant ensuite après s’être changée, elle visita trois immeubles qui n’étaient à l’heure actuelle occupés par personne. C’est sur le toit du quatrième qu’elle trouvait ce qu’elle cherchait ... Une demoiselle dont le corps entier était d’un noir profond, et dont les yeux violets donnaient quelques doutes sur son état mental. Kayle Logan, « légion ». Une des rares personnes auxquelles elle faisait confiance. Et probablement une des (encore plus) rares personnes à lui avoir sauvé la vie. L’évènement commençait à dater désormais : plus de 5 ans. Ce genre de durée n’était pas grand-chose pour la petite, mais ça avait été assez pour qu’elles gardent le contact pour autre chose que le « boulot ». Kayle faisait partie de ces idéalistes qui voulaient changer le système héroïque tout entier –encore que, ses motivations semblaient de plus en plus floues avec le temps- mais son côté antisocial et les missions qu’elle proposait ici et là amusaient le petit fléau. Qui, de son côté, se contentait d’être aussi efficace que d’habitude lorsque « légion » employait ses services ... Pour un prix réduit, d’ailleurs. Enfournant ses mains dans les poches de son short de jean en arrivant, la rousse fit attention d’être bien visible, histoire de ne pas surprendre inutilement sa jeune camarade vilain. Ce n’était pas la peine de se battre sur un malentendu ... Même si elle ne craignait pas grand-chose.

S’lut Kayle. Avisant la tente que cette dernière utilisait, la petite tueuse haussa un sourcil avec un sourire à peine dissimulé. Chouette repaire ... Mais tu ne voudrais pas venir crécher dans le même immeuble que moi ? Les trois derniers étages sont déserts, du coup l’appartement en dessous de celui que j’occupe est sûrement libre ... Ce serait plus confortable qu’ici, nan ? Enfin. S’avançant jusqu’à pouvoir parler sans avoir à hausser particulièrement le volume, la naine reprit sur un ton égal. Je me disais ... T’as entendu parler du « duo de Starway » ? Les deux vigilants qui font parler d’eux en ce moment et qui protègent le coin du centre commercial ... ça te dirait qu’on se les fasse ? Parce que pour être honnête ... J’avoue que j’irais bien le piller un peu, ce centre, justement. Et autant joindre l’utile à l’agréable ... Mais bon, ce serait comme tu veux, bien sûr.

Cela faisait un petit moment qu’elle s’était installée à Starfish pour mettre fin une bonne fois pour toute à cette réforme héroïque qu’avait engagé les criminels responsable de l’effondrement. Et quelle réforme … Elle avait honte de ne pas avoir eu l’idée, ni les capacités de faire de même, un peu. Une chose qu’elle avait appris cependant … C’est qu’il fallait regarder de l’avant. Ironique pour quelqu’un qui vivait dans le passé comme elle. Après tout, c’est ce qu’elle faisait, non ? Toute cette quête et cette soif de sang « héroïque », c’était parce qu’elle ne pouvait pas oublier toute les crasses que son père adoptif lui avait fait … Et le reste des héros, d’ailleurs.

Dans tous les cas, elle comptait bien finir le boulot, avec ou sans ce mystérieux groupe qui équivalait des justiciers à ses yeux, en surface du moins. Elle n’était pas assez naïve pour croire qu’ils sont l’équivalent du messie non plus. Après tout, TOUS les héros ne sont pas hors service … Après s’être présentée à Campbell en bonne et due uniforme, sous la forme d’un splendide balai destructeur, Kayle commença à réunir les outils pour démonter cette fébrile académie. La police, les restes des héros venu en aide, cela sera facile une fois que leur dernier espoir sera brisé. Des débris, elle pourra enfin reconstruire un truc potable …

La vrai Kayle, non pas ses clones, restait souvent isolée dans des endroits stratégiques pour étendre sa toile de légion à travers Starfish. En ce jour, elle était sur le toit d’un bâtiment abandonné, où elle avait stocké une partie de ses ressources pour les distribuer ensuite dans un endroit plus sûr. Un toit, c’était cool. Cela respirait la liberté. Mais cela restait légèrement flagrant. Une espèce de renfoncement en béton dans le bâtiment abritait armes en tout genre, le tout recouvert d’une grande bâche, des poutres métallique tenant cette fameuse protection pour protéger ce petit atelier de destruction du soleil … Et peut-être légèrement des hélicoptères, aussi. Assise en dessous sur une caisse, elle gardait la tête baissée, les bras sur les genoux, se concentrant d’avantage sur ce que ses clones faisaient qu’autre chose. Fouiner, transporter, la reine et ses abeilles noyées dans cet esprit de ruche …

Elle fut cependant arrêtée dans sa transe par une personne à l’allure familière qu’elle fixa du coin de l’œil … Avant de froidement fixer le sol à nouveau. Vergetelheid, une amie, dira-t-on. Elle était un peu surprise de la voir là mais il n’y avait pas de quoi fouetter un chat. Elle l’avait sauvé un jour, ne se souvenant même pas pourquoi exactement mais cet acte lui avait fait gagné une main d’œuvre fidèle. Elle se fichait bien d’avoir des réductions sur les services de cette vilaine de légende, l’argent n’était pas un problème, mais simplement l’avoir dans son carnet d’adresse était quelque chose. Elle aimait voir la petite démone comme une relation purement professionnelle … Simplement pour ne pas s’avouer qu’elle pourrait bénéficier d’amis et d’être … Faible, peut-être. S’avouer qu’elle a besoin d’aide … Dans tous les cas, elle n’avait jamais pris mal son attitude froide en générale et inconsciemment, cela comptait beaucoup pour Kayle.

Elle la regarda à nouveau du coin des yeux lorsqu’elle lui adressa la parole, restant silencieuse un instant. « Le confort n’a jamais été un facteur. » A moins qu’elle puisse lui affirmer que son repaire était un endroit mieux avantagé stratégiquement … C’était sa réponse.

Quand au duo de justicier, elle ne se serait logiquement pas embêtée à les poursuivre, en temps normal. Elle était sensée arrêter les faux héros, après tout. Les justiciers, en un sens, avaient plus de mérite que les autres, la plupart du temps. N’ayant pas le permis, n’ayant peut-être pas les capacités et l’entrainement, ils agissent tout de même contre les criminels. C’était quelque chose qu’elle pouvait respecter … Dans des circonstances normales.

Elle grogna un peu sans paroles … Avant de redresser un peu la tête pour regarder l’horizon. « Ils ont déjà tué pas mal de mes clones … Et ont brisé ma chaine humaine par la même occasion. » De ce fait, de tels gêneurs devaient disparaitre. Elle ne s’en était pas déjà occupée car elle avait de plus gros chats à fouetter mais puisque Vergetelheid en est à parler d’eux … Cela lui sembla être une bonne occasion de tacler ce problème. « Je suppose … Que nous pouvons nous y attarder, si ce sont des nuisances pour toutes les deux...

Elle se redressa ensuite pour déambuler un peu et finir sa course au bord du toit, regardant le centre commercial en question au loin. Même si c’était pour se faire massacrer, elle et ses clones avaient déjà étés confronté à ses soi-disant héros. Elle connaissait l’un de leur alter avec certitude, mais l’autre … « Je ne sais pas si c’est de la télékinésie ou quelque chose d’autre … Mais l’un d’eux aime abuser d’une aiguille en métal pour transpercer mes clones sans grande pitié. L’autre, je ne sais pas. Il faudrait être prudente. » Elle se retourna ensuite vers la naine pour lui offrir un regard sévère. « Prudente. Compris ? » Elle sentait le besoin de remuer le couteau dans la plaie. Vergetelheid n’était pas connue pour cette fameuse prudence. Son alter l’aidait à survivre à ce genre de bêtise à chaque fois mais ça, ça sera jusqu’au moment où elle trouve un alter qui fera le boulot définitivement.

Elle revint alors vers son abris et prit un paquet d’on ne sait quoi, du matériel roulé dans une autre bâche qu’elle mit sur son épaule comme un sac à dos … Avant de le lancer négligemment dans le vide. Ceux qui suivraient la trajectoire du paquet verraient que ne pas entendre de son remonter était normal, puisque deux clones avaient récupéré le colis avant qu’il ne se fracasse au sol.

« Ils me connaissent et doivent savoir quel est mon alter, puisqu’ils ont déjà tué quelques versions de moi … Sans compter que j’arrêtais pas de passer à la télé il y a quelques temps. Je vais aller au centre commercial, feinter une attaque, un braquage quelconque… Je compte sur toi pour leur tomber dessus pendant que j’agite le leurre devant leurs yeux. » Elle la regarda du coin de l’œil. « J’aurais bien proposé de me fournir un puissant aimant avant cela mais tu semble bien impatiente de combattre. » Elle pouffa un peu, sans rire derrière. « Tu demande combien ? » Elle demandait à chaque fois, sachant qu’elle était une mercenaire avant tout.

La petite tueuse ne pouvait pas prétendre qu’elle ne comprenait pas l’aspect « secondaire » que sa vis-à-vis attribuait au confort de manière générale … Elle-même, pour des raisons variées, vivait dans un cadre que beaucoup auraient pu juger « inhumain » par certains de ses aspects. Ceci dit, c’était toujours mieux qu’un coin de toit exposé aux quatre vents … Ce qu’elle ne se retint pas de faire remarquer.

Je disais moins ça pour toi que ton matériel. C’est bientôt fini, l’été, Kayle … Si dans deux mois, tu retrouves toutes tes affaires trempées ou ensevelies sous une fraiche pellicule de neige, à mon avis bon nombre d’entre elles vont moins bien marcher. Et puis, tu serais moins exposée aux oritho … Orinetho … La petite démone se gratta la tête, soupirant un peu. Elle savait parfaitement quel mot elle voulait utiliser … en russe. Ceux qui étudient les oiseaux là.

En humour, la méthode, ou compétence pour raconter une plaisanterie importe presque autant que le contenu même de la plaisanterie. La petite tueuse ne pouvait pas s’empêcher de garder ce fait à l’esprit … Mais elle n’était définitivement pas douée à ça. Ce n’était pas comme si elle avait l’occasion de s’entraîner souvent, cela dit. Elle eut cependant l’occasion de se chasser ces futilités de l’esprit lorsque Kayle se remit à parler, expliquant pourquoi les deux justiciers étaient un problème pour elle. Ce qui, en soit, était une « bonne chose » : s’ils ne l’avaient pas dérangé outre mesure, la petite terreur n’avait aucun doute sur le fait que la criminelle n’aurait pas levé le petit doigt pour agir contre eux. Non pas qu’elle avait vraiment « besoin » de Kayle pour se coltiner deux vigilants … Mais d’une part, sa présence rendrait les choses plus faciles, et de l’autre, se faire payer pour un boulot était toujours satisfaisant.

Fidèle à elle-même, la trentenaire commença à rassembler les infos dont elle disposait et à les partager, tout en ébauchant un plan d’action. La petite russe ne pouvait pas se plaindre de ne pas aimer ça : elle-même avait faite exactement la même chose sur le trajet jusqu’ici. Ceci dit, même pour elle, Légion manquait un peu de manières. C’était plus dommage pour elle qu’autre chose … Certes, s’encombrer de politesse et de respect des normes et conventions pouvait être un poids, mais c’était aussi un très bon moyen de faciliter tout type de relation. Hors, aux dernières nouvelles, Légion pouvait se démultiplier, mais elle n’en restait pas moins quelqu’un de très seul. Lui faire remarquer n’était ceci dit probablement pas très pertinent, aussi la petite tueuse se contenta de hausser les épaules avec un ricanement lorsque le mot « prudente » fut répété à son attention.

Je ne vois vraiment pas de quoi tu veux parler, ma grande, j’ai pas dû subir d’empalement depuis au moins 1986. Et aucun double de moi n’a été tué dernièrement, aussi … Mais bon, je serais sur mes gardes vis-à-vis des fils de couture volants, je suppose.

Regardant l’autre criminelle balancer un sac depuis le toit en croisant de nouveau les bras, la petite tueuse s’accorda quelques instants de réflexion face au plan qui lui était proposé, pesant le pour et le contre. Comme mentionné plus tôt, elle avait déjà prévu quelque chose, et ce n’était pas exactement la même chose que ce dont parlait Kayle … Or, même si elle était fière, la petite tueuse n’était pas orgueilleuse – ou stupide - au point de ne pas vouloir adopter une meilleure stratégie que celle qu’elle avait prévu. Le tout était justement de savoir quelle tactique porterait ses fruits de la manière la plus efficace. Elle ne pouvait pas se reposer simplement sur son ingéniosité, cette dernière n’étant pas très développée, mais en revanche elle disposait d’une expérience de plusieurs décennies. Faisant abstraction de la question du prix pour l’instant, elle resta silencieuse le temps de réfléchir, avant de prendre la parole sur un ton redevenu parfaitement dénué d’ironie.

Connaître un alter et savoir le contrer sont deux choses différentes … Mais face à toi, ils hésiteront moins. Et en plus, nous n’avons pas la certitude qu’ils vont vouloir se montrer si facilement. Se rendant compte que ce qu’elle venait de dire n’avait pas de sens si on ne pouvait pas suivre le fil de ses pensées complète, la petite russe se mit à marcher en reprenant. Ce que je voulais dire par là, c’est que même s’ils ont tué plusieurs de tes clones, ils ne sont pas forcément au courant de toutes leurs forces et faiblesses, comme la vitesse à laquelle tu peux les créer ou le « réseau » que tu as avec pour transmettre les informations par exemple. Tout ce qu’ils savent, c’est qu’en brisant assez d’os, ils peuvent se débarrasser d’entités non humaines mais clairement criminelles. Grosso-modo, ce que 15 secondes de recherche sur le net peuvent apprendre à quelqu’un qui t’as reconnu, quoi. Ce qui mène au second point. Un héros ou justicier peut se permettre de « tuer » tes clones sans le moindre problème moral ou d’image, et si on cherche à les appâter, c’est mauvais pour nous. Tu as dit qu’un d’entre eux utilisait une pointe pour attaquer à distance ? Je suppose qu’il doit être à courte ou moyenne portée pour manipuler son bidule avec précision … Mais rien n’indique qu’il cherchera à se montrer. S’ils se contentent de tuer les clones que tu envoies depuis une cachette, tu vas user de ton alter pour rien, et je serais inutile.

Lentement, la petite russe avait replié sa queue derrière elle en tire-bouchon … Et s’assit dessus sans plus de manière. Après tout, elle aurait pu faire comme sa comparse et simplement s’asseoir sur une des caisses protégées, mais … Elle pesait probablement beaucoup trop lourd pour le contenu des caisses en question. Ou pour les caisses en elle-même.

Moi, au contraire, à moins que « l’aiguille » soit aussi lourde et rapide qu’un obus, je ne risque pas grand-chose. Et même sans déployer trop de moyens, je peux assez aisément dissimuler mon identité pour qu’ils n’aient aucune idée d’à qui ils ont affaire. Ce qui veut dire qu’ils vont probablement prendre des gants … Au début, en tout cas. Et si je donne l’impression d’agir seule, ils ne sauront pas qu’ils ont une véritable armée qui les attend en embuscade. Ils seront donc moins sur leurs gardes que face à une criminelle d’envergure nationale.

Sortant son téléphone moderne de sa poche, elle le tendit à la jeune femme à la peau entièrement noire. Elle avait d’ores et déjà téléchargé le plan (la version publique du moins) du centre commercial, dont l’agencement était en somme assez simple : deux bâtiments rectangulaires, sur 5 étages, qui étaient reliés par un grand espace circulaire. Le tout formait une sorte d’énorme « V » avec la partie circulaire au niveau de la pointe, pour simplifier. L’espace circulaire était par ailleurs beaucoup plus ouvert que les bâtiments : le toit était une verrière industrielle robuste et élégante, et la lumière du soleil tombait de ce plafond transparent jusqu’au sol, sur une fontaine entourée par de petits stands divers, dont entres autres un « coin pause-café ». Il y avait des boutiques aux étages aussi bien sûr, mais elles se trouvaient sur la périphérie, et faisaient face à des balcons concentriques qui laissaient tous et toutes apprécier cet espace ouvert, dans lequel étaient parfois suspendues des bannières publicitaires, ou célébrant un évènement particulier. C’était ici que la petite tueuse voulait diriger le combat … Le grand espace ouvert offrait nombre de cachettes potentielles, mais elle avait remarqué en passant dans le magasin qu’il était également criblé de quelque chose de très utile à leur plan … Des caméras de sécurité.

Ils agissent le plus souvent quand le soleil est tombé, donc je propose qu’on passe à l’acte plutôt en soirée. Peut-être ce soir, peut-être plutôt demain. Je peux être impatiente, mais autant ne pas confondre vitesse et précipitation. A mon avis, je devrais faire l’appât. Pendant ce temps-là, tu prends le contrôle de la salle de surveillance du centre, tu disperses des clones un peu partout, et lorsqu’ils entrent en jeu, si tu vois que j’ai besoin d’aide ou que tu les débusques, tu interviens. Tendant la main pour reprendre son téléphone, la tueuse observa à son tour en direction du centre commercial. J’ai un contact qui peut nous fournir les plans détaillés, type accès de service, réserves, surveillance vidéo et autres … Je peux lui envoyer un mail pour qu’il nous dégotte ça. Pendant ce temps-là, tu peux bricoler ton aimant si ça te fait plaisir … Moi j’adapte un casque de moto à mes cornes, ou un truc du genre … Et on s’y mettra quand on sera prêtes.

Elle garda le silence pendant un instant, avant de réaliser qu’elle avait totalement éludé une question.

Oh, et pour le paiement, je t’ai dit, j’aimerais bien le piller, ce centre. On démolit nos deux apprentis héros, et ensuite on emporte ce qu’on veut dans les magasins ou on peut se servir ? Retrouvant un large sourire, la petite tueuse se tourna à nouveau vers sa comparse. Il paraît que c’est un rêve de gosse classique, aller dans un grand magasin et pouvoir se servir. Et avec le contenu des boutiques de bijoux et d’informatique, il devrait y avoir largement assez pour que je me paie moi-même.

Vergetelheid était une privilégiée dans certains aspects. Kayle se fichait bien quel alter on pouvait avoir, quel âge on pouvait avoir … Elle avait médité assez longtemps sur sa personne, planquée seule dans le désert pour savoir ce qu’elle désirait dans ce laps de temps ridicule qu’on pouvait appeler « La vie ». Elle aurait sans doute envoyé chier toute personne lui faisant une telle suggestion… Elle était bien au courant que l’été n’allait pas durer une éternité mais elle savait ce qu’elle faisait. Son alter lui permettait de changer sa planque rapidement et efficacement. Elle le fera en temps voulu. Elle avait d’autres chats à fouetté pour l’instant. Mais la petite démone était sans doute la seule personne pour qui elle pouvait encore avoir un peu de sympathie et de ce fait, elle ne commenta pas, haussant juste un peu les épaules … Ou peut-être souffler le mot qu’elle cherchait.

« Ornithologues… »

Elle ne pouvait cependant pas trop la juger sur l’aspect prudence, même si elle désirait qu’elle le soit. Elles deux avaient des alters propice à prendre des risques. Pourquoi faire attention quand tu envois des clones et pas toi-même ? Pourquoi s’en faire quand, dans la définition même de ton alter, c’est marquer « rester en vie par tout les moyens » ? Cependant, elle aimait bien soulever ce qu’elle disait dans un petit éclat de rire unique et sec. « Le simple fait que tu te sois déjà fait empalé prouve bien que je dois te rappeler à l’ordre une fois de temps en temps. » Elle fit remarquer en sortant une cigarette de sa veste rouge ainsi qu’un briquet, l’allumant et se mettant à fumer en regardant la ville, au bord du toit alors que les clones en bas transportaient le gros package à un endroit stratégique.

Légion avait compris où elle voulait en venir mais ne l’interrompit pas dans son discours … Elle était fatiguée, en réalité. Rien à voir avec son visiteur du jour, elle était … Juste fatiguée, en générale, c’était son état par défaut ses derniers jours … Ou même ses dernières années. Elle se contenta de fumer sa clope et de soupirer. La vérité était qu’elle avait raison mais a l’image de Vergetelheid, Kayle se fichait bien que ses clones se fassent déchiqueter alors c’était une partie négligeable du plan. Mais ce n’était pas le plus efficace, certes ... Elle prit négligemment le téléphone qu’elle lui tendit pour voir le plan, ses yeux repérant rapidement les endroits d’intérêt, observant longuement. Ce que la petite ne pouvait pas savoir, c’était qu’en regardant ainsi les plans, elle envoya déjà des clones faire un peu de boulot autour du centre. Deux ou trois figures encapuchonnées déambulant dans le centre commercial, cachées sous d’épaisses couches de vêtements et des capuches. Même si elle était flagrante, avec la dose appropriée de déguisement et de monde autour, sans compter les quelques planques occasionnelles … Difficile de tracer avec précision une activité suspecte. Elle lui rendit son téléphone lorsqu’elle le réclama à nouveau.

« Hmm … Je devrais te faire un peu plus confiance, on dirait. »

Elle avoua tout simplement, sa manière de dire qu’elle y a réfléchit plus qu’elle ne l’avait fait elle-même … Encore une fois, elle était lassée et cherchait la manière la plus rapide d’éliminer le problème sans se casser la tête. Après tout, ce n’était pas l’attaque sur Campbell dont on parlait ici. C’est le genre d’opération qu’elle prendrait des mois à planifier et à réfléchir sérieusement. Là, il s’agissait simplement de deux pouilleux qui avaient encore à lui prouver leurs valeurs. Si ce ne sont que des clowns qui font leur propre vendetta, il était possible qu’ils finissent mort, tout simplement. Mais pour s’imposer en justicier … Ils devaient avoir un petit quelque chose d’héroïque là dedans, n’est-ce pas ? Elle avait tendant à valoriser ses gens plus que les vrais héros, d’habitude.

« Okay … On fait comme ça, alors. Je vais bidouiller un truc pour être sûre qu’il ne finisse pas par t’empaler. » Elle jeta un regard presque amusé vers la petite. « Car s’il est justicier et que son alter est si spécifique … Disons que je doute que tes yeux soient aussi résistant que ta peau. Le cerveau est pas loin derrière. » Puis elle se retourna à nouveau vers l’horizon, prenant une grande bouffée de sa cigarette. « J’ai déjà des clones au centre. Rendez-vous demain dix huit heure dans la ruelle entre les deux boutiques de vêtement, à gauche de l’entrée, plus bas dans la rue … Il y a une alcôve que personne n’aurait intérêt à emprunter sauf les habitants de l’immeuble au dessus. » Elle finit alors sa cigarette alors qu’elle parlait de l’argent, jetant son mégot dans le vide avec une petite pichenette.

« Ne poursuis pas des rêves de gosses. Poursuis seulement les tiens. Et te payer est plus une question de principe, ma grande … Contrairement à toi, je ne prends pas plaisir à causer le chaos. Je vais reconstruire sur ces ruines. On va essayer de garder un semblant d’humanité d’ici là. »

Après tout elle prenait que ce qui lui était nécessaire. Alors oui, elle braquait de temps à autre des banques mais faire sa gamine à noël pour piller un centre commerciale … Ce n’était pas spécialement quelque chose avec laquelle elle pouvait ressentir de l’empathie. C’était même un comportement à proscrire lorsqu’elle serra à la tête des héros. Trop souvent, on semble oublier que Kayle n’est pas juste une criminelle. Elle a des convictions, des convictions plus grandes qu’elle-même. C’est pour cela qu’elle ne cours pas après le confort. Ce n’était pas la chose importante. Au final, elle se demandait même ce qu’elle allait bien pouvoir faire avec Vergetelheid si elle réussit un jour son coup d’état … Mais il y avait encore tant à faire, elle verrait en temps et en heures. Pour l’instant, la petite russe était précieuse et appréciée.
Kayle finit par se diriger vers sa planque où étaient entreposé armes et matériel en tout genre pour venir ouvrir une caisse en bois qu’elle avait sans doute volé à un bateau marchand sur le port de cette ile flottante … Une tonne de vêtement assez simple y était entreposé, une denrée importante pour Légion. Elle retira sa veste rouge signature, la laissant en débardeur, un peu plus sombre que sa peau, et enfila un pull au hasard, puis une grosse veste à capuche … Dans une autre caisse, des lunettes de soleil pour cacher son regard violet, se préparant à partir.

« Je peux pas rester ici à rien faire. » Même si pour elle, ces mots étaient relatifs : elle était toujours occupée à quelque chose avec ses clones. « Je vais aller trouver de quoi faire un aimant et ainsi de suite … » Mais avant de partir et d’emprunter l’issue de secours qui servait d’accès au toit, elle se retourna vers la naine une dernière fois. « Oh, et … » Elle pausa ses paroles un moment, cherchant les bons mots. « Après ça, tu pourras m’accompagner à Bigtree ? » Vu le ton de sa voix, qui déviait de son glacial habituel, son interlocutrice pouvait deviner que ce n’était plus ‘professionnel’. « C’est quasi impossible de prendre de bonnes photos là-bas toute seule … Et sans utiliser mon alter. » Elle replaça ses lunettes de soleil sur son nez … Cette demande était ridicule mais personne d’autre ne pourrait l’aider à ça si ce n’était elle. L’une des seules personnes en qui elle a confiance. C’est donc à cause de se ridicule qu’elle descendit ensuite rapidement l’escalier. « Enfin, on en reparlera. »

Pff, bien sûr que tu peux me faire confiance ma grande. Je suis peut-être une criminelle, mais je reste surtout une pro.

Un petit sourire sur les lèvres suite au seul commentaire qu’avait suscité le plan qu’elle venait d’expliquer, la petite tueuse glissa son téléphone dans sa poche. Elle pouvait parfois sembler orgueilleuse, et très voir trop sûre d’elle … Mais cela n’avait rien à avoir avec un égo trop important ou quoi que ce soit de la sorte. Elle était simplement douée, et elle le savait. Elle avait survécu pendant un siècle grâce à cela. Même si bien sûr, son alter avait aidé, il était loin de pouvoir parer à toutes les situations. Et le fait que la tueuse respire et travaille comme elle le faisait aujourd’hui suffisait à prouver que, pour les autres situations, elle pouvait gérer.

Tu serais surprise par la mortalité des blessures par pénétration intracrânienne transorbitale. En fait, le plus souvent, ce sont les infections qui en découlent qui sont les plus mortelles … Enfin. Si on parle d’un objet de la taille d’un stylo ou de baguettes chinoises, bien sûr … Si c’est plutôt un parapluie, les choses sont un peu différentes. Mais bon, si tu trouves le temps de faire un truc pour me protéger le visage et les oreilles, je ne dirais pas non … Quelque chose avec une vitre en plexiglass blindé et teinté, de préférence.

Comme elle l’avait dit plus tôt, la petite mercenaire pouvait simplement s’acheter un casque de moto, coller une ou deux plaques métalliques entre le polystyrène et la coque et percer des trous pour ses cornes … Mais si Kayle voulait s’en charger elle-même, elle n’allait pas cracher dessus. Contrairement à la démone, elle était passablement expérimentée pour confectionner des équipements, et son « bidouillage » serait sans aucun doute plus résistant que ce qu’avait Vergetelheid en tête. De la même façon, la petite mercenaire accepta le point de rendez-vous ainsi que l’heure, qui leur donnait à toutes les deux un peu de temps pour se préparer et faire les choses bien. En revanche, le commentaire suivant de Kayle fit pousser un profond soupire à la naine, qui leva les yeux au ciel.

Par pitié cocotte, je suis littéralement un résidu de ce que ta belle « humanité » peut faire de pire … Comparé à ce que j’ai pu subir, dire à quelques vendeurs de dégager pendant que je fauche ce dont j’ai envie dans leurs boutiques, c’est des enfantillages. Je sacrifierait la population d’une école primaire en les balançant les uns après les autres dans un broyeur à troncs d’arbres, je dis pas, mais on en est encore loin. Et en prime, j’ai envie de démolir des magasins appartenant à des multinationales pétées de fric, qui ont probablement construit leurs profits sur le travail des enfants qu’ils exploitent dans un pays du tiers monde. Le modèle super-héroïque américain découle directement du modèle économique et social des USA, qui doit être l’un des pires que j’ai jamais vu dans la trentaine de pays que j’ai visité. Si tu veux reconstruire une société « propre », commence par brûler les mauvaises herbes jusqu’à la racine, ne t’arrêtes pas aux héros.

Si l’accent russe de la petite tueuse restait léger, il était tout de même aisé à percevoir, et d’autant plus lorsqu’elle était irritée. Or, clairement, l’empêcher de faire ce qu’elle voulait semblait être un motif pour … « l’irriter », justement. Kayl ayant appris à connaître la petite mercenaire, elle savait sans doute qu’elle n’avait aucune inquiétude particulière à avoir … Mais la rousse semblait intraitable sur son prix. Ses arguments n’avaient rien d’irréfutables, mais il n’y a pas plus sourde oreille que celle qui ne veut rien entendre … Bien sûr, elle n’allait pas admettre ouvertement qu’elle aurait volontiers profité d’une meilleure télévision, d’un lecteur blue-ray et d’une collection de films à regarder … Elle pouvait s’acheter tout cela, en théorie, mais il était difficile de faire de gros achats de ce style lorsqu’on était une criminelle un peu connue et qu’on payait autant en liquide. Dans tous les cas, elle ne demanderait pas d’argent à Kayle, c’était clair et net. Et en prime … Le fait de voler / cambrioler le centre commercial pouvait laisser penser aux autorités que c’était leur motif premier pour agir. « Des voleurs blessent / tuent les vigilants qui cherchent à arrêter leur braquage » sonne beaucoup moins suspect que « deux individus provoquent un mouvement de panique dans le seul but de tuer deux justiciers du quartier ».

La demande suivante de la demoiselle venant de retirer sa veste rouge prit la mercenaire par surprise. Non pas qu’elle avait quoi que ce soit contre le quartier végétal … Elle se demandait simplement pourquoi cette requête, et pourquoi un tel changement de ton. Croisant les bras avec un sourire, elle eut cependant le temps de répondre lorsque Kayle parla de photo.

Seulement si tu nous paie des glaces après.

La jeune femme venait presque de prendre la fuite par l’escalier … Mais cela importait peu. La petite guerrière savait qu’elle aimait bien la photographie … L’accompagner ne lui posait pas de problème particulier. Elle n’était pas certaine de savoir prendre de très beaux clichés, ceci dit … mais c’était un problème sur lequel elles se pencheraient en temps voulu. Pour le moment, elle avait deux ou trois autres tâches dont s’acquitter.


Comme elle l’avait proposé, la petite tueuse obtint les renseignements dont elle avait parlé, et même plus. Son informateur n’eut besoin que d’une heure ou deux pour lui trouver ce qu’elle cherchait : les plans détaillés du centre commercial, comprenant toutes les issues de secours, réserves, pièces ou accès réservés au personnel, et emplacement des caméras. Il lui indiqua également le nombre de vigils et leurs heures – théoriques – de service, et le fonctionnement global du système de sécurité du centre. Non seulement ce dernier avait des alarmes silencieuses qui alertaient la police … Mais il disposait également d’une commande permettant d’empêcher que ces alarmes ne soient transférées. Après tout, il fallait bien un genre de « circuit fermé » pour savoir si les équipements fonctionnaient sans pour autant prévenir la police à chaque fois, n’est-ce pas ? Ça n’empêchait pas les civils, ou les gardes disposant de leur téléphone portable, de contacter les autorités, mais au moins l’alerte ne sonnerait pas partout dès que la petite tueuse briserait une vitre pour s’emparer d’un collier en or massif. Il y avait aussi une commande de sécurité pour passer le centre entier en mode « lock-down », soit abaisser tous les rideaux de fer devant chaque boutique / entrée ou sortie. Parfait pour créer un environnement dans lequel seule la petite tueuse, ses deux proies, et Légion pourraient s’en donner à cœur joie. Enfin, l’emplacement de l’armoire dans laquelle se trouvaient les serveurs du magasin était également indiqué. La petite tueuse rajouta une note demandant à Légion de s’assurer qu’elle soit détruite. Elle ne voulait pas que des clips vidéo d’elle soient retrouvés et exploités par les autorités.

Elle transféra donc toutes ces informations via Ukato à sa partenaire, tout en ajoutant deux ou trois autres précisions sur le plan d’action : où elle comptait attaquer en premier, comment agir dans tel ou tel cas de figure, et la liste des portes de sorties les plus pratiques. A une époque, Vergetelheid ne se mêlait absolument pas de la phase « préparatoire » de ses missions : elle se contentait d’être les muscles, et d’improviser ses échappatoires à coups de poings s’il le fallait. Mais avec sa prise d’indépendance et les années, elle avait développé des compétences en planification. C’était plus que nécessaire pour améliorer ses chances de fuite, et même assurer la réussite de ses missions. Cela prenait du temps et toutes les informations qu’elle cherchait n’étaient pas forcément gratuites, mais cet investissement était systématiquement rentabilisé. Et puis, il y avait un côté grisant à tout cela. Elle n’était en rien une génie du crime capable de manipuler 3 héros et la police en même temps pour organiser un attentat spectaculaire … Mais savoir où elle allait se battre, qui elle allait tabasser, et comment elle allait s’en sortir, c’était déjà quelque chose. Surtout quand elle pouvait le décider elle-même.

Elle se présenta au point de rendez-vous 10 minutes avant l’heure prévue, les mains dans la poche ventrale d’un sweat à capuche pour petite fille. Bien entendu, elle portait une tenue renforcée sous ce dernier, mais se promener ouvertement en costume dans la rue lorsqu’on est du mauvais côté de la loi n’est pas forcément très malin. C’était d’ailleurs pour cette raison qu’elle avait également apporté une cape, qui était roulée en boule dans son sac à dos, et des gants, qui pour l’instant étaient dans sa cape. Ecoutant de la musique avec ses écouteurs jusqu’à ce qu’elle ne voit Kayle, la petite mercenaire coupa son walkman et lui offrit un petit sourire.

Yo. Je savais plus si tu en avais, et j’y ai pensé qu’en partant, du coup … Tiens. Sortant une petite enveloppe froissée de sa poche, elle la tendit à sa partenaire. Des oreillettes talkie-walkie. Déjà synchronisées avec elle que je porte. Tu prends le contrôle du centre maintenant, et j’entre en scène dès que tu as terminé, tu veux mon aide pour accéder à la salle de contrôle, ou tu as déjà géré cette partie en venant ?