Les bouts de peaux ont la vie dure en hiver, étouffés sous des couches de tissus plus épais les uns que les autres. Elaim ne faisait pas exception ce soir-là, marchant entre les bourrasques de vents glacés. Il avait le pas rapide mais pas pressé, il sautillait presque. Les joues rouges et les yeux brillants ne mentaient pas, il était enivré par la sensation grisante de sa promenade au cœur de la nuit. Se promener à l’abri de ses lourds habits de la foule qui aurait tôt fait de le reconnaître en journée, il s’émerveillait du plaisir d’être seul. Presque seul.

Il traînait depuis plusieurs minutes maintenant faisant le tour des bâtisses qu’il connaissait depuis leur création des siècles plutôt. L’immortel faisait durer le trajet autant que possible. Il finit par considérer qu’il était temps d’y aller quand ses joues étaient plus bleues que rouges.

Dans les jardins ossuaires se dressaient un cube assez noir pour découper la nuit. Il n’était pas bien grand, on aurait pu y faire tenir un lit, un bureau et peut-être une table basse. La tombe de DetonationMe, au cœur de la ville et de celui d’Elaim. Il sort de sa poche une clef, plus vieille que tous les habitants de l’île, et avec émotion la fait tourner dans la serrure. Le cliquetis du loquet se fait à peine entendre dans le bruit du vent. Il s’engouffre à l’intérieur.

Evidemment il n’y avait pas ce monument de granits et de verres à l’époque, il n’y avait pas non plus les journaux retraçant la vie de la plus belle vilaine de son temps, non il n’y avait rien de tout ça. Ce n’était plus la pièce qu’il avait connue si brièvement et intensément sous l’océan.

« C’est un peu nul comme déco, on se serait peut-être pris la tête sur le papier peint. »

L’humour c’est quand même le cri de détresse le plus puissant.

Après avoir ôté son manteau il sort un tout petit paquet de la poche de sa veste. Son visage est à la fois pale et rouge, les émotions qu’il renvoie sont confuses. Et il respire un grand coup… Pas la peine de faire durer le suspens plus longtemps. A genoux devant la tombe, le paquet ouvert, il présente entre ses doigts une bague qui ne laisse aucune place au doute.

« Ma Détonation, acceptes-tu de m’épouser ? »

Un éclat de rire retentit, qui balaye toute la tension de la scène en une explosion. Belle et pareil au premier jour, elle est près de lui. Le rire s’arrête.

- Evidemment que j’accepte, après plus de 50 ans il était temps. J’ai failli finir vieille fille.
- Joyeux anniversaire ma détonation.
- Joyeux anniversaire mon époux.

Les jours qui suivirent la législation américaine fut prise de vertige comme chaque jour depuis l’apparition des alters. On pouvait donc marier un fantôme.