Numéro un n’avait pas encore quitter New york quand le discours commença. Le jeune héros avait besoin de repos, et s’il aurait pus se joindre à la petite foule pour écouter le discours en direct, il n’en fis rien. Ce n’étaient pas les radios diffusant le message qui manquaient, et l’origine de son surnom ne permettait pas au grand blond de se mêler au petit attroupement.
Le jeune homme ne s’était pourtant pas empêché d’assister à la « cérémonie », si bien cadrée qu’il était difficile de croire qu’elle avait été improvisée dans l’heure. Conscient du cliché - et peut être même influencé par ce dernier-, le jeune homme c’était trouver une position en hauteur. À une petite centaine de mètres il observait la scène, confortablement installé sur un toit a l’écart, une chaise pliante sous ses fesses et un fusil de précision à sa droite. À côté de l’arme était posée une petite radio diffusant la voix du politicien, et le héros regrettait d’avoir perdu son sac durant l’attaque, dans lequel il avait laissé son réchaud et le café en sachet qu’il y avait mis. Le blocus tombé, sans doute les habitants de new york et les forces présentes sur place pouvaient-elles en faire de même ?

La soirée était calme, et écouter au calme les mots du maire avait quelque chose d’apaisant pour le héros dont la journée avait été mouvementée. Son alter lui avait fatigué tant les yeux que les muscles, et il avait même peiné à grimper sur son toit. D’autant plus que sa mission lui laissait en bouche un goût amer d’inachevé…
Et de plus, le repos du jeune homme ne dura pas très longtemps.
En effet, le discours du président était assez loin de ce à quoi, c’était attendu le héros. Le grand blond, comme tout le monde sans doute, s’était attendus, et avait envie d’entendre, un discours assez banal, regorgeant d’espoir et d’auto congratulation orgueilleuse, que tous ceux qui étaient allé à new York méritaient.
Mais le ton du discours ne s’y prêtait pas, et encore moins les mots.
Au fur et à mesure que le maire racontait son histoire, sur un ton grave, le dos du blondinet se découlais de sa chaise, et son tallons tapotait nerveusement le sol. Cette histoire était de celles qu’il détestait. Elle avait le parfum désagréable de l’injustice, et de la bêtise humaine. Les héros sous écoutes, les hauts placés dans le complot, les martyrs… Tout ceci était d’un banal…Au fur et à mesure que le maire racontait son histoire, sur un ton grave, le dos du blondinet se découlais de sa chaise, et son tallons tapotait nerveusement le sol.

Encore et toujours la même vielle histoire dont il fut la victime bien des années plus tôt.

Le jeune homme se leva brusquement, grinçant des dents en tirant sur ses muscles usés. Il se mit à tourner autour de son attirail, pestant contre l’homme se présentant sur l’estrade.
Bien sur, il se trouvait probablement a la position la plus difficile du moment.
Depuis des décennies, le système semblait friable, et il était évident que tout finirait par s’effondrer une bonne fois pour toute.
Mais le politicien donnait aux criminels de tout le pays -Surtout au plus vifs- tous les outils nécessaires au prochain effondrement… Et celui-ci ne serait pas aussi doux que le précédent.

Finalement, le maire termina son massacre, indiquant qu’ils étaient à la recherche de Big bang, qui avait pu s’échapper malgré leurs interventions. Le groupe n’était parvenu qu’à reprendre la ville. Aucune avancée concrète n’avait été faite. Au mieux, les états unis étaient plus ou moins revenus à la situation initiale. Ce qui restait de confiance en moins. D’après le blond, avoir été aussi clair à ce moment était une erreur terrible, et il allait falloir se préparer au contrecoup… Si tant est qu’il serait prévisible.

Un instant, après que les derniers mots du maire furent prononcés, s’envolèrent des morceaux de radio, l’appareil ayant subi le violent choc du pied d’un héros plus tourmenté, sans doute, que le public inquiet au pied de l’estrade.
« TU TE FOUS DE QUI ? » Sa propre voix le fit sursauter. Il avait passé une partie de la journée dans un silence complet, et il était presque étrange de s'entendre a nouveau.
L’arme de nouveau à l’épaule, la main crispée sur le manche de son sabre, il se laissa tomber sur l’escalier de secours de son bâtiment deux mètres plus bas, et descendis rageusement les vers la rue.

De vieux souvenirs lui remontaient en tête.
Encore et toujours la même vielle histoire.
La même vielle histoire.

Décidément, il y avait des choses à changer, dans ce pays.

Je me sentais faible, j'avais horreur de cette sensation que plus aucun muscles ne me commandaient et encore moins mon écholocalisation qui se perturbait à chaque minutes. Je traversais péniblement les couloirs ne m'aidant que de mes sens surdéveloppés pour me situer et tenter d'éviter les meubles et autres tapis. J'entendais au loin le son de la TV sur le discours d'un homme que je reconnaissais à peine, mes sens me portant aussi défaut je me devais me rapprocher pour en comprendre les tenants et aboutissants. Sur le canapé, mon père, après la suppression de la barrière d'Hikiko il avait pu me ramasser à la petite cuillère dans le restaurant du maître sushi me ramenant dans notre penthouse encore intact. Les systèmes de sécurité ayant bien aidé à préserver cette forteresse et surtout le seul endroit qui pouvait encore nous rappeler notre ancienne vie de famille … quand Maman était encore présente.
Mon père m'entendit arriver de loin, mais n'intervenait lors de ma énième chute comprenant cette fois-ci que je n'allais pas me relever seul. Il m'emmena assez près de l'écran pour entendre le discours du Maire et de toute les vérités fracassantes que l'on pouvait entendre. La vérité sur ce fameux groupe de terroristes maintenant qualifié de révolutionnaire, la trahison du président et son implication dans la mort de bons nombres de héros … J'eu une pensée pour ma mère qui croyait bien que péniblement que le gouvernement en adéquation avec les héros pourrait un jour mener à une paix durable où seule la criminalité ne serait qu'un mal d'un autre temps. Le dernier point fut Big Bang, grand investigateur du chaos à NY et nouvelle grande menace de l'Amérique apparemment toujours en liberté.

La suite du discours ne s'apparentait qu'à une succession de mission et organisation pour aider ma ville et de la remettre pleinement sur pied. A cela moi et mon père avons pu lister les informations à prendre en compte ainsi que les détails à privilégier pour la suite :

▬ Que peux-tu retenir de tout cela.

Même ayant mon père juste à mes côtés, le son de sa voix était étouffée et bien qu'ayant comprit ses mots je devais presque me forcer pour les discerner. ▬ Nous devons aider Stafish à reconstruire New York, cela m'étonnerait qu'ils aient pu purifier la ville de la masse de vilains encore présents. Rien que pour ça il y a du boulot.

Mon père restait silencieux, je savais qu'il voulait intervenir, je savais qu'il reprendrait la cape et le masque pour parcourir la ville qu'il connait sur le bout des doigts, mais il savait aussi dans quel état j'étais et rien n'avait plus d'importance que de me remettre sur pied. Dans une profonde inspiration il ajoutait : ▬ Concernant Stan Order, l'ex présiden, Noah Spencer ? Cela en fait du monde à retrouver ou ne serait-ce qu'à rencontrer. Tu veux commencer par qui ?

▬ Le plus simple reste Stan Order, je sais depuis peu qu'il s'est présenté à la mairie de Starfish, il va être un allié précieux pour tenter de retrouver Chad Preston et Noah Spencer puisqu'il semble avoir conjointement collaborer à la destruction des puces. Cependant même avec la situation actuelle je ne sais si la venue d'un vigilante anonyme pourra me permettre de l'approcher. Soit je joue la finesse, soit je la joue à "notre" manière. Je tournais légèrement ma tête j'eu peur qu'elle tombe au moindre craquement, même sans vouloir regarder mon père c'était surtout une marque de politesse. ▬ Je sais que tu veux retourner dans les rues, fait ce que tu as à faire je vais vite me remettre, je me souviens encore des enseignements de Senseï sur les techniques de méditations et de récupération, avec de la patience en quelques jours je suis sur pieds. J'essayais d'inquiéter le moins possible mon père dont je pouvais entendre les battements de cœur et à n'en pas douter lui aussi, il pouvait facilement comprendre que ma détermination était réel et que mes convictions à son égard et ma confiance était sincères.

Je compris qu'il me souriait, me prenant tendrement dans ses bras sans me faire une once de douleurs malgré les bandages que j'avais sur tout le corps. Il se leva d'un bond fit taire le maire et s'avançait vers la cuisine d'un pas silencieux, mais décidé. ▬ Je vais te faire le meilleur revigorant au monde, en quelques heures tu vas grimper aux murs !

Je rigolais péniblement, croyant que mes côtés aussi allaient me lâcher, pour le coup je me devais d'attendre qu'il amène les tasses, je pouvais déjà sentir la bonne odeur des plantes et autres graines. Des souvenirs me remontaient, des entrainements intensifs qui se terminés inexorablement par une telle boissons, comme la satisfaction du travail accompli …

J'arrive New York.

Kathleen ne pouvait pas prétendre qu’elle n’était pas contente d’avoir libéré New York. Cette mission, dont l’envergure la dépassait toujours un peu, avait été libérée en grande partie grâce à elle … Et pourtant, elle était incapable de déborder de joie, ou de réaliser à quel point son rôle dans cette libération avait été crucial. Même lorsqu’elle avait fait un compte-rendu à son paternel au téléphone, et qu’il avait clamé avec joie qu’elle avait fait la plus grande partie du boulot. Elle se sentait même un peu embarrassé qu’il voit les choses de cette façon. Ils avaient réalisé un effort commun qui n’avait été couronné de succès que grâce au travail des trois groupes, n’est-ce pas ?

Ceci étant, lorsqu’il lui avait dit que le maire de Starfish allait faire une communication officielle sur le sujet, et qu’il lui avait proposé qu’ils suivent le discours en question en direct au téléphone, la jeune femme avait évidemment accepté. Elle avait même songé à dire que vu l’époque à laquelle ils vivaient, le discours serait probablement diffusé en ligne, et qu’ils pourraient faire un chat vocal / vidéo en même temps … Maiiiiis même si elle adorait son père, elle n’était pas sûr qu’il soit assez calé en technologies de communications pour ça. Il y avait de bonnes chances pour qu’il passe la totalité de la durée du discours à essayer de faire fonctionner son vieil ordinateur, à vrai dire. Et puis, le téléphone, c’était très bien aussi …

Le soir de l’évènement, la tireuse s’était tranquillement installée dans le canapé de son salon, en tailleurs, le combiné dans une main et un sachet de chips sur la table basse. Elle avait appelé son papounet environs 10 minutes plus tôt, et ils papotaient de tout et de rien en patientant devant la pub. Puis, l’image changea pour se focaliser sur l’homme d’apparence jeune et aux cheveux bleus / verts qui dirigeait Starfish depuis désormais un sacré bout de temps. Le père de Kathleen, à l’autre bout du fil, cessa de raconter son anecdote à propos de son stand de tir, observant le silence pour que le duo puisse entendre ce qu’allait dire le bâtisseur. Si le père de la tireuse avait à maintes et maintes reprises soutenu qu’il allait au moins mentionner son nom et sa participation exceptionnelle, elle en revanche s’attendait plus à des remerciements généralisés, ce genre de choses … Mais presque tout de suite, quelque chose la mit mal à l’aise. Ils avaient sauvé New York, libéré des civils et combattu un vilain … Alors pourquoi une mine si sombre ? La mauvaise nouvelle tomba « lentement », mais pourtant, la tireuse eut l’impression que cela était aussi brusque qu’une pierre qui lui tombait dans le ventre. Le contexte fourni était nécessaire à ceux qui n’avaient pas révisé leur histoire politique récente, et certains détails majeurs demandaient ce contexte pour être compris par le plus grand nombre. Mais penser que le système héroïque, dans son intégralité, était depuis 30 ans destiné à faciliter la vie aux vilains …

CETTE ESPECE DE SALE LARVE BAVEUSE ET PUANTE !

La voix grave qui avait tonné dans le téléphone que la tireuse tenait en main la fit sursauter. Elle avait rarement entendu son père aussi furieux. Presque jamais, à vrai dire … clignant des yeux à plusieurs reprises, elle chercha quelque chose à répondre, mais son paternel ne semblait pas vouloir s’arrêter là dans son flot d’insultes, qui ne faisait que débuter.

Chad putain de Preston, espèce d’enfoiré ! Je savais que ton système était corrompu et pourri dès la base, mais à ce point ? Nom de dieu, toutes ces victimes … C’est de TA FAUTE si tous les héros sont morts, espèce de-
P-papa … Calme-toi …
On ne t’as pas mis le grappin dessus en prime ? Sale pourriture, tu as bien fait de te mettre hors d’atteinte ! J’ai des amis qui sont morts à cause de tes magouilles de
PAPA.

Un silence relatif se fit, à l’autre bout du combiné. Seul le maire, à des kilomètres de là et par l’intermédiaire de l’écran plat, continuait à parler, détaillant comment ceux qu’on considérait hier comme des terroristes s’étaient, pour la plupart d’entres eux, en réalité comporté comme de véritables héros. Mais Kathleen n’écoutait pas. Elle n’écoutait plus. Tremblant légèrement, elle avait replié ses jambes contre son torse et les entourait de 3 de ses bras, le quatrième tenant toujours le téléphone non loin de son oreille.

S-s’il te plaît … Arrêtes …
Désolé ma chérie. Je … C’est juste si … pardon. Je n’aurais pas dû crier.

Une autre pause se fit à l’autre bout du fil. Sans même vraiment y penser, incapable de digérer, la tireuse tendit le bras pour saisir la télécommande et éteindre l’écran. Elle essayait d’absorber le choc, mais n’y parvenait pas. Nombre de ses idoles n’étaient pas simplement mort à cause d’un horrible accident … Ou d’un attentat. Savoir qu’un tel génocide avait, trois mois plus tôt, eu lieu à cause des actions injustifiables d’un groupe d’outsiders était dur à encaisser. Apprendre qu’en réalité, la bombe qu’on avait implanté dans chaque héros servait, depuis déjà 30 ans, des intérêts criminels … A ce stade, la capacité à détonner des puces était même sûrement une « sécurité » mise en place par le président, elle aussi … L’horreur de ces décisions, et des conséquences qu’elles avaient eu, faisait blêmir la tireuse, qui se sentait horriblement mal. Son père aurait pu mourir à cause de tout cela. Elle-même, si elle avait réussi son parcours héroïque …

Sarah ? Tu es toujours là ?
Je … O-oui. P’pa. Je suis là.
… Tu as coupé le discours ?
je … Je pouvais pas … en supporter plus. Je …
T’en fais pas ma belle … ça … ça va aller. Et tu ne manques pas grand-chose, il parle juste de la reprise de New York … tu avais raison, il ne t’a pas mentionné. Il a eu tords, si tu veux mon avis, mais hem …
On a tous les deux failli mourir …
Sarah … On est vivants. Ne t’en fais pas pour ça.
On a juste eu de la chance …

Le père de la tireuse resta muet quelques instants supplémentaires. Il n’était visiblement pas aussi choqué que sa fille par cette idée … Même si à côté de ça, il avait visiblement besoin d’un peu de temps pour trouver comment la réconforter. Les deux yeux, perles noires, de la tireuse s’humidifiaient de plus en plus, et elle ne savait pas quoi faire, dire, ni même penser … L’idée qu’elle et son paternel aient esquivé cette épée de damocles qui avait fini par s’abattre sur les héros du pays … Par pur hasard. Ça avait un côté terrifiant.

Non.
hun ?
Pas par « chance ». Tu te souviens de quand tu étais petit, et que je te disais que je faisais mon possible pour être ton plus grand héros ?
… Je … suppose ? Qu’est-ce que-
Et bien ma chérie … Tu as réussi à devenir ma plus grande héroïne. En nous sauvant, moi, et ma fille.
Qu’est-ce que tu racontes ?
Oh, c’est simple. Tu te souviens, ce jour où tu as tiré sur une fourgonnette de braqueurs, et permit de les arrêter ? Ce jour-là, tu as fait un acte héroïque. Tu as arrêté des vilains, et en prime, tu t’es sauvé la vie. Et puis, vu ce qu’on vient d’apprendre sur le système dont tu as été exclue, moi je dis, ça ne t’en rends qu’encore plus légitimement héroïque.
He, Papa, arrêtes …
Et puis moi, hey. Certes, c’était dur de maintenir une carrière avec le nouveau système, et je peinais un peu … Mais c’est ton arrivée à toi qui m’a donné envie de raccrocher mes collants. Donc au final, la première vie que tu as sauvé, c’est la mienne. Moi je dis, sauver ses parents comme ça, c’est tout ce qu’il y a de plus héroïque.

La jeune femme, même si elle n’en avait que moyennement envie, rigola franchement à cette façon de présenter les choses un peu parodique. Puis, d’un geste un peu las, elle ralluma la télévision … Trop tard, elle avait raté la fin du discours. Elle regarderait une autre fois … Se levant du canapé en dépliant ses grandes jambes, elle se dirigea vers la cuisine avec un soupire.

écoutes ma puce, ne te mines pas l’esprit avec des idées noires comme ça, okay ?
Hmm, j’vais essayer … Merci p’pa.
Quand tu veux championne. Encore désolé d’avoir crié tout à l’heure.
Non, c’est normal … Je veux dire. Je pense que j’aurais réagi pareil, à ta place.
Hm. Je vais te laisser ceci dit, j’ai … deux ou trois coups de fils à passer.
ça marche … à plush, bisous.
Toi-même.

Les tonalités qui suivirent les deux derniers mots de son père firent sourire la tireuse. Raccrochant en regardant sa bouilloire chauffer, elle se perdit un peu dans ses pensées, même si ces dernières étaient bien moins noires et oppressantes qu’avant.

Le système était corrompu depuis le début, et ce qu’on avait prit pour un attentat contre les héros était en réalité une tentative de les libérer qui avait mal tourné … Et maintenant, le président était dans la nature. La situation ne cessait de gagner en horreur et en étrangeté, cette année …

« -A NEW YORK ! »

Les voix autant que les verres s’élèvent. Toutes les personnes rassemblées dans le QG des Repentis célèbrent avec fierté la nouvelle. Si la capture de Big Bang a échoué, la ville, elle, est libérée. Et avec, toutes les personnes prisonnières en son sein depuis l’Effondrement. Il y a en effet de quoi se réjouir…

Mais mon expression, elle, ne trahit pas l’once d’un sourire. Assise sur un coin de canapé, je me suis mise le plus possible à l’écart. Devant moi se trouve mon verre d’eau, que je fixe depuis tout à l’heure. Des petites vibrations se font à sa surface quand quelqu’un heurte maladroitement le pied de la table basse. La plupart de mes collègues cherchent à s’agglutiner autour du bar afin de récupérer leurs dus, mais certains finissent par s’en éloigner pour se regrouper en petits comités, ça et là. Il y a beaucoup d’animations, plein de gens qui discutent. Toutes les conversations tournent autour des récents événements, mais aussi de l’agitation de Paradice, et l’arrivée de nouveaux rescapés. D’une façon générale, l’humeur est au beau fixe : les affaires promettent d’être bonnes pour l’organisation.

J’espérais rester détachée de tout ceci, mais une masse vient s’abattre à côté de moi, et envahit sciemment mon espace vital. C’est un Repenti assez imposant et brut de décoffrage.

« -Et alors ? Pourquoi tu tires la tronche, Velvet ? Viens, fais la fête avec nous ! »

Je n’esquisse pas le moindre mouvement, et me contente de le fixer du coin de l’œil. Mais mon attention revient assez rapidement sur mon verre d’eau.

« -Non… Merci. »

Étrangement, ma réaction le fait rire. Il me donne alors de vives tapes dans le dos, qui me poussent à me redresser. Je grimace en conséquence.

« -Allez ! Tu as fait partie de ceux envoyés sur place, pas vrai ? T’es une héroïne, en quelques sortes ! Tu as aidé à libérer la ville ! Tu devrais te faire mousser ! »

Mes sourcils se froncent, et ma voix se fait plus sèche.

« -Non… Je n’ai rien fait de tel. »

Il pousse une profonde expiration, et s’affale un peu plus dans le canapé. Il semble tout sauf décidé à repartir.

« -Ce que tu es coincée… C’est bon, sors ce balai de ton cul ! C’est fini, maintenant, t’es plus en mission. Tu peux simplement te détendre… »

A nouveau, je le regarde de biais. J’ignore ce qu’il me veut, mais il commence à sérieusement me taper sur le système. Je veux juste qu’on me foute la paix. Je ne sais même pas pourquoi je suis obligée de venir ici…

Ma présence a New York n’a rien apporté. J’ai été une véritable calamité. Entre mon illettrisme, ma faible efficience en combat et ce passage désastreux en prison, j’ai tout juste été bonne à ne pas crever. Ce qui, honnêtement, me semblait aussi mal barré de base.

J’ai tout sauf envie de célébrer ça. Il n’y a rien de victorieux dans ce que j’ai fait. Probablement que les autres ont de quoi être fiers : moi, ce n’est pas mon cas. Je ne suis même pas motivée par le bien général ou une quelconque forme d’altruisme… Tout ce que je voulais, c’était du pognon. Et si j’avais su ce que ça allait me coûter, j’aurai probablement fait machine arrière.

Mais voila. C’est fait, j’ai servi à rien, j’ai failli crever, et j’ai été rémunérée. C’est tout ce que cette mission signifie pour moi.

Maintenant, je veux simplement qu’on me laisse tranquille.

Ce que mon collègue ne semble pas décidé à faire.

« -Déjà, qu’est-ce que tu fous avec ce verre d’eau ?… Tiens, bois ça. Ça te fera du bien ! »

Je n’ai même pas le temps de capter ce qu’il me dit que je me retrouve avec son verre d’alcool entre les mains. Aussitôt, mon expression se fait plus troublée, et mon regard se fige sur le liquide ambré.

« -Qu’est-ce que tu attends ? Vas-y ! Cul sec ! »

Mes doigts se crispent un peu plus autour du verre glacé. Je ferme un instant les yeux et secoue la tête de droite à gauche.

« -Je… Je n’ai pas envie. »

A peine j’entreprends de déposer le verre sur la table qu’il m’en empêche.

« -Velvet ! Allez ! Tu n’es même pas en service, tu peux bien te le permettre !…  »

Il troque alors son attitude brusque contre un comportement plus avenant, et passe un bras amical autour de mes épaules. Sa voix se fait aussi plus réconfortante.

« -Vas-y. Tu l’as bien mérité. »

Je le fixe un instant, puis observe mon verre. Mérité ? Je ne sais pas. Mais ce qui est sûr, c’est que ça me ferait du bien. Je ne cesse d’accumuler la pression depuis ces derniers jours et je ne trouve aucun moyen de la relâcher. Un remontrant m’aiderait certainement à me détendre…

« -Les gars, fermez vos gueules ! Le discours du maire commence ! »

Plus loin, j’entends le grésillement d’une radio. L’attention de toutes les personnes réunies se tourne vers celle-ci, mais pas la mienne. Je continue de fixer le verre, me demandant si je ferai bien de le boire ou non. D’une oreille distraite, j’entends malgré moi le discours du Bâtisseur. Celui-là même qui m’a réhabilitée en tant qu’individu. Sa voix au travers de l’engin est légèrement modifiée, mais malgré tout reconnaissable. Il parle de New York, ce qu’on a appris et les conséquences qui en découlent.

La vision du verre d’alcool se fait moins nette à mesure que je suis absorbée par ses paroles. Je le fixe sans le voir, tandis que j’écoute sans entendre. Il est question d’étudiants pris dans un complot, de mensonges du président, d’une Amérique plus chaotique encore que ce qu’elle laisse transparaître. Et ma gorge est sèche. J’ai soif et je veux boire, mais je ne peux pas. Mon verre d’eau est posé sur la table juste devant. Je pourrai m’en saisir et le troquer contre le whisky que je tiens. Mais je ne le fais pas. Mes doigts sont paralysés autour de la paroi transparente, j’ai presque l’impression que leur position est immuable. Ce verre est dans ma main et doit le rester. Et pendant ce temps, ça parle de Bing Bang, du danger qu’il représente, de son instabilité. La voix s’arrête et un silence interloqué prend place dans le QG. Puis des murmures troublés se propagent et rendent le tout plus cacophoniques.

Quelqu’un me parle, mais je ne l’écoute pas. Je reste concentrée sur mon verre. Il est flou. Je pourrai le boire. Je devrai le boire. J’ai envie de le boire. Mais je ne sais pas si je peux vraiment, je ne suis pas sûre de devoir faire ça, ni de le vouloir. Ce verre qu’on m’a tendu, ce verre qui m’apporterait le réconfort qui me manque tant. Il est juste là, à un mouvement de bras de ma gorge, je pourrai tout aussi bien l’avaler d’une traite tout comme je pourrai simplement le reposer. Le monde continuera de tourner. Ou peut-être pas. Mon cœur bat la chamade, et je sens en moi une profonde anxiété. Par quoi est-elle provoquée ? Par les nouvelles ? Par ma soif ? Mon incompétence ? L’entièreté de mon corps est tendu et-

« -VELVET. »

La montée en ton de mon collègue me tire de ma léthargie. Mes doigts s’écartent aussitôt, et le verre tombe au sol. Le choc n’est pas suffisant pour le briser, mais on l’entend percuter le sol, puis déverser son contenu.

Lentement, je tourne vers lui un regard catatonique. Il a du élever la voix pour capter mon attention. Maintenant qu’il l’a, je perçois l’inquiétude dans son regard.

« -Eh, tout va bien ? Qu’est-ce qu’il se passe ? Pourquoi es-tu toute tremblante ? »

Tremblante ? Ce n’est que lorsqu’il le dit que je m’en rends compte. En effet, mon corps tremble. Mes jambes, mes bras, mes mains. Saisir ce verre m’a mis dans une transe fébrile. Ou alors est-ce les informations qui viennent de tomber qui m’emplissent de terreur ; ou alors est-ce le traumatisme de ma mission qui s’avère plus important qu’escompté. Ou alors, est-ce le mélange de tout ça à la fois.

Je me lève, sans prendre la peine de répondre ou de ramasser mon verre. J’enjambe mon collègue, il m’interpelle, mais je l’ignore. Je fends la foule jusqu’à la porte, où je saisis ma veste à la volée. Et je quitte le QG en trombe.

La pression… Est juste trop grande pour moi. Si je me laisse aller… Je rechuterai dans les tréfonds de mon âme. Ce n’est pas d’alcool, dont j’ai besoin, dans l’immédiat. Ni même de la présence d’autres individus. Tout ce que je demande…

C’est un peu de calme.

Je veux juste... Qu'on me laisse souffler.