Des remèdes de grand-mère, des médicaments de base ou tout autre mixture servant à faire du bien aux gens d’une façon ou d’une autre…de quoi faire vomir Helena. L’apothicaire voulait voir de la souffrance dans les yeux des gens, pas du bonheur. Le commun des mortels est près de ses sous quant il s’agit de se soigner, mais il dépense sans compter lorsqu’il désire répandre la mort à son profit. C’est cette version du monde que l’Ecossaise désirait, un monde où elle pourrait se doucher dans une piscine remplie de billets verts tandis que celle de ses clients serait de poison.

En cette froide soirée de décembre, ce serait le début du rêve américain pour l’apothicaire, du moins c’est ce qu’elle espérait. Elle avait en effet été contactée par son docteur préféré pour parler affaire. Visiblement, l’échantillon du serment des morts que lui avait fournie l’apothicaire avait fait le bonheur du méchant médecin. Vu a quel point c’était un client précieux, Helena était plutôt contente que celui-ci ait potentiellement trouvé son bonheur dans ses produits. C’est la base du commerce, il faut savoir fidéliser le client pour le pousser à consommer.

Helena jubilait, elle espérait beaucoup de cette première grosse transaction qu’elle allait effectuée sur le sol américain. Pour cette occasion, elle s’était faite un minimum belle. Pour ce genre d’occasion, il faut se mettre sur son trente-et-un. Jolie petit pull, jupe et collant, rien d’excessif ou de tape à l’œil, juste un besoin pour l’apothicaire de fêter le futur renouveau de son activité commerciale.

Alors que l’heure pour les enfants d’aller dormir était déjà passée, le docteur entra dans la boutique de l’apothicaire.

« Mon cher docteur, il n’y a pas d’heure pour accueillir un si bon client. C’est mon premier rencard nocturne, il aurait été déplacé que j’ai les mains vides. » Plaisanta Helena en désignant une caisse posée à coté de son comptoir et qui contenait plusieurs doses du serment des morts. C’était sûrement la plus commande qu’avait eu l’apothicaire en dix ans de carrière.

« Et vous, qu’avez-vous à m’offrir pour notre petit rencard docteur ? » S’enquit Helena d’un ton enjôleur, faisant implicitement référence à la contrepartie financière de la caisse de poison.

Son client favori était là en cette heure tardive. Pourquoi était-il son client favori ? La réponse était simple, il avait soiffe de curiosité et aimait les mixtures étranges, de quoi en faire un bon ami de l’apothicaire. Après, il serait mentir que de dire que c’était la seule chose qui intéressait la demoiselle chez le scientifique fou. En effet, avant d’être une femme peu recommandable qui avait surement l’armoire à pharmacie la plus dangereuse au pays de l’oncle Sam, Helena Stuart était avant tout une commerçante. Cette femme qui avait embrassée le capitalisme et totalement adoptée son mode de fonctionnement faisait passer l’argent avant toute chose. L’honneur, la morale, la bonté, tout ça n’est rien devant le pouvoir de l’argent qui peut si aisément corrompre le cœur humain et l’empoisonné avec l’avidité…probablement le seul poison auquel Helena ai jamais succombée d’ailleurs.

Pour en revenir aux deux vilains qui faisaient de sinistres affaires nocturnes dans une boutique tout aussi sinistre, les choses étaient sur le point de devenir intéressante. Après des salutations élémentaires, le docteur posa une grosse mallette sur le comptoir de la boutique. Helena avait vu suffisamment de films de mafieux pour savoir ce que cette mallette contenait. Si nous étions dans un cartoon, nul doute que des dollars vers auraient remplacés les iris de la demoiselle à cornes. Mais ce qui suivi fit bondir le cœur d’Helena comme jamais auparavant. Vingt-cinq milles dollar ! Pour une seule vente, Helena n’avait jamais eu autant d’argent en retour. Elle avait déjà eu des clients riches bien sûr, mais pas au point d’aligner autant d’argent devant une écossaise aussi louche.

Alors qu’elle regardait Cyril avec les yeux d’une petite fille qui venait de recevoir ses premiers bijoux, presque prête à lui bondir dessus, la suite acheva de placer le docteur sur un piédestal.

« Trente mille dollars pour mes meilleurs produits et un petit job nocturne, quelle folle je serais si je refusais une proposition si alléchante. Laissez-moi aller chercher ma meilleure substance dopante dans ma réserve. »  Conclut l’apothicaire en filant dans son arrière-boutique. Elle revint cinq minutes plus tard avec une petite caisse qu’elle posa sur son comptoir.

« Voici un stock complet du « Don de l’Olympe », des pilules qui accélèrent le métabolisme de manière non négligeable pendant quelques minutes. Par contre, pas plus d’une dose par jour…sinon gare aux effets secondaires. » Expliqua l’apothicaire, concluant avec un petit clin d’œil malsain.

Elle s’accouda à son comptoir, son visage faisant désormais face à celui de Cyril.

« Si je n’étais pas professionnelle, je vous embrasserais volontiers mon cher docteur. J’ai cru que mon cœur allait sortir de ma poitrine avec cette mallette. » Jubila l’apothicaire, vérifiant rapidement le contenu de la mallette, plein de vert comme prévu.

« Maintenant dites m’en plus sur ce petit job. Pour un tel prix, j’avoue que ma curiosité est piquée au vif. » S’enquit l’empoisonneuse, désireuse de savoir pour quel genre de travail le médecin avait besoin de ses services.

Un grand sourire éclaire le visage du Docteur Serum quand il vit arriver un colis divin. Le Don de l'Olympe, hein ? L'Apothicaire a surtout le don de nommer ses produits de façon à attirer le client ! Ce sont ce genre de techniques marketing, d'attitude opportuniste qui font un bon marchand, n'est-ce pas ? C'est également pour ces raisons que Jenner est content de la compter parmi ces alliés, une personne avec de solides convictions. Il n'y avait même pas à négocier, à surenchérir, la commerçante satisfait sa clientèle, d'autant plus quand ce sont de bons payeurs ! Les bons comptes font les bons amis !

Son affaire proprement menée, il était temps de passer au vrai gros morceau que cache cette transaction nocturne. Il était déjà tout sourire mais quand il entendit les réactions de Helena au sujet de son offre, il ne pouvait s'empêcher de jubiler. Un petit job nocturne ! Le projet de Cyril devrait dépasser les attentes de l'Alchimiste - en tout cas si elle imaginait une histoire d'un soir.

"Ravi que nous puissions chacun trouver notre bonheur, Miss Stuart ! il lui adressait une petite révérence et se redressait pour caresser le stock de produits dopants. Mon affaire ne sera surtout pas un jeu d'enfant, sinon je ne demanderais pas l'aide d'une spécialiste, disons ... que je souhaiterais étudier tes produits. Ceux pour lesquels j'aurais payé, bien entendu. Vois-tu, je suis moi-même expert en la matière et pourtant... ce Serment des Morts... il parvient encore à échapper à ma compréhension, ce qui est, ma foi, l'une de mes sources de motivation dans ce bien bas monde. Je veux étudier, rechercher, comprendre ! pendant son discours il marche lentement en regardant les produits que présentent la face légale de la boutique de décoctions. Et surtout, je souhaite découvrir ! C'est pourquoi j'ai besoin de ton savoir et de ton savoir-faire pour m'aider à développer notre bien-aimée Science. Une semaine, tout au plus, pendant laquelle nous devrons dresser un laboratoire temporaire dans un endroit adéquat, expérimenter pour atteindre des résultats que j'expliciterais en temps voulu, désinstaller, nettoyer et déguerpir. Zéro trace. en résumant leur tâche, Cyril prouvait le sérieux de sa requête, pensée jusque dans les moindres détails. Il ne manquait qu'une pièce maîtresse et elle est ici, au comptoir. Si nous sommes définitivement d'accord, j'aimerais poursuivre la discussion en dessous de la surface, si cela est possible... je pourrais alors en parler librement ! fit-il en indiquant le sous-sol secret.

Le Projet Servitude. Il vise à l'élaboration de pantins manipulés par lavage de cerveau, des Servants, en raffinant le Serment des Morts pour qu'il ne lobotomise pas complètement le sujet et qu'il puisse recueillir des ordres et le Don de l'Olympe pour en faire des chiens prêts au combat. Des vilains comme eux qui ne sont pas forcément entraînés se doivent d'anticiper le coup et ne pas se laisser dépasser par leurs éventuels ennemis. Mais surtout, c'était le premier acte d'un encore plus grand dessein du savant fou.

Il ne manquait qu'un coup de tonnerre dramatique pour ponctuer les maléfices qui se trament dans la boutique qui, en y réfléchissant, pourrait bien vite grandir et prendre sa place sur le marché....