- Sérieusement ? Sérieusement ?! C'est de comme ça qu'on va me traiter ?

Station de police de Starfish, approximativement 9 heures et demi.
Cela faisait des siècles que je n'avais pas goûté à un café. Ce n'était surement pas un macchiato moulu, mais même le plus infect jus de chaussette du distributeur automatique me donnait l'impression de m'être octroyée l’élixir de jouvence servie dans le Saint Graal en personne. Et qui plu est, celui que je tenais pouvait réveiller un mort.

Je connais certaines personnes qui sont du genre à dire "ne me parlez pas tant que je n'ai pas eu mon café du matin." Personnellement, je retire la fin. Ne me parlez pas. En particulier si tout ce que vous n'êtes venu que pour me cracher un juron dans votre barbe. De là où j'étais, j'avais déjà entendu une discussion entre deux grattes papiers indiscrets :

"D'abord, les justiciers du dimanche, et maintenant on laisse des criminels de bas étage nous aider ?"

Ouais, je suppose que c'est bien ce que vous faites, et il va falloir vous y faire. Chacun d'entre vous est tout autant dans la merde que j'étais, attendant patiemment la prochaine attaque qui va leur tomber sur le bout du nez comme un petit chiot apeuré, attendant que son maître ne rentre du travail pour le punir d'avoir pissé sur le tapis.

- Madame Kelley.

La voix me prit de court avant que je ne fasse quelque chose que je pourrais regretter, et me fit reprendre pleinement conscience que j'avais légèrement écrasé le gobelet en plastique où était retenu mon café, m'en répandant une partie sur la main en passant. La personne qui venait de m'appeler me regardait droit dans les yeux. C'était mon rencard, je suppose.

- Je vous prie de me suivre.

Sans en attendre davantage, je l'accompagnais jusqu'à ce que je devinai être son bureau, où classeurs et range dossiers se mélangeaient dans un ordre particulièrement méticuleux. Tout semblait être à sa place et paraissait utile. Je remarquai bien vite qu'il n'y avait d'ailleurs aucun effet personnel. Pas de photos de famille, de portrait de quelqu'un ou ne serait-ce qu'un dessin d'enfant.
Parmi les choses que j'avais appris en prison, toujours se méfier des gens qui n'exposent aucune photos personnelles dans leurs cellules. Ce sont ceux qui n'ont rien à attendre en dehors.
L'inspecteur prit place, en face de lui trônait un dossier arborant mes initiales.

- Je suis l'inspecteur Heath. Sachez que nous avons déjà vu les formalités avec votre avocat. A partir d'aujourd'hui, 8 heures, un contrat vous lie avec ce precinct mais n'exclue pas la potentialité d'une mutation dans un autre département. Vous connaissez les conditions du contrat, mais en guise de rappel il est de votre devoir de nous...

- Je vous aide contre les criminels, Je le coupai nonchalamment, posant une de mes bottes contre le rebord du bureau, et je vous libre en passant mes autres camarades. Je sais. Contre quoi vous effacez toutes les charges contre moi, je sors de bagne scott-free et je bénéficie de deux hectares dans l'Utah pour élever des chevaux et planter du maïs.

L'inspecteur releva les yeux de mon dossier d'un air grave. Si je devais deviner l'atout de celui là, ca serait sans doute immunisé à l'humour.

- Je vois que tous les détails des conditions ne semblent pas assez claires pour vous. Je vous photocopierais un nouvel exemplaire du contrat que j'enverrais à votre avocat, qui se chargera de vous l'expliquer plus promptement. Madame Kelley, ni vous ni moi ne sommes là parce que nous l'avons décidé, alors je vous demanderais de faire preuve d'un peu plus de... savoir-vivre. Nous ne sommes pas en centre de détention, je vous conseille de laisser tomber cette comédie de criminelle de bas étage.

C'était le signal pour moi de me redresser correctement sur mon siège. Les mains dans les poches, je dévisageai cet inconnu qui semblait déjà vouloir me lire comme s'il jouait aux apprentis psychologues. Son regard, remplis d'une émotion que je ne saurais trop décrire, ne me lâchait plus.

- Je sais très bien ce qui m'attend une fois que j'aurais fini cette basse besogne. Lorsque vous n'aurez plus besoin de moi. Il vous suffira d'enclencher le petit bouton rouge sur cette bestiole que vous m'avez implanté, et boum...
- "Cette petite bestiole", comme vous l'appelez n'est pas le même système que nous avons implanté. Du moins, pas complètement. Il n'y a aucun risque d'explosion possible. Par contre, cela nous permet de garder une trace en permanence sur vos déplacements.

Un implant Russe dans la main, trois cicatrices dans le dos, quarante-cinq points de sutures sur le bras. Et pourtant, c'était cette foutue puce qui me démangeait.

- N'oubliez pas, Madame Kelley, que jusque là nous vous considérons encore comme une criminelle. Vous avez déjà bien assez de chance qu'on vous laisse une deuxième chance, veuillez mesurer vos propos à l'avenir.

- Ecoutez, si vous voulez des résultats, il va falloir me traiter un peu plus qu'une criminelle. Il était hors de question de me laisser faire sur ce point. Je n'étais peut être pas là par gaieté de cœur, mais si cela me donnait l'opportunité d’attraper les enflures qui m'avaient laissés croupir en prison, autant m'y donner à 100%. Les messes basses dans les couloirs, ça je peux l'endurer. Mais si j'étais bonne dans ce que je faisais, c'est qu'on me donnait les capacités pour l'être. Sur le terrain, je vais avoir besoin d'équipement, je vais avoir besoin de main d'oeuvre et je vais avoir besoin de temps pour m'organiser.

L'inspecteur Heath avait fini de me fixer, comme s'il avait finalement obtenu ce qu'il voulait de moi, et le voilà en train de gratter le papier. Puis, sans relever la tête, m'envoya du même ton neutre habituel :

- On vous administrera un tuteur pour tout déplacement d'urgence sur le terrain, et vous répondrez d'un supérieur hiérarchique pour vos demandes spécifiques. Je vous enverrais les formulaires d'emprunt d'équipement, d'engagement et d'ouverture de dossier d'ici demain 8h et demi. Maintenant, avez vous des questions ?

- Mmh.. Ouais, vous me permettez de sortir passer de l'eau froide sur ma main ? Le café était vraiment chaud en fait.