Starfish est un terrain de jeux si prolifique qu'aucun véritable scientifique digne de ce nom ne résisterai à ses appels, pas même Cyril. Pourtant, on le connaissait comme un asocial ne pouvant se résoudre à se mêler à la plèbe mais depuis le jour fatidique de l'Effondrement, cet événement "tragique" qui fit basculer les vies de tout un chacun, il s'est lui-même étonné à se redécouvrir. Des alliés, des ennemis, de grands accomplissements et surtout beaucoup de machinations, tel un bourgeon empoisonné il recueillait encore les forces et les nutriments nécessaires pour devenir une belle et grande belladone promettant de faire souffrir ceux qui tenteraient de la consommer.

Il ne se passait plus un jour sans que le jeune savant fou, autrefois trop casanier pour pointer le bout de son nez à l'extérieur, ne se mette à observer les habitants. Insoucieux, ils se baladent en ayant presque oublié les attentats mortels. Le groupe de terroristes avait pourtant refait parler de lui récemment, à New-York, la ville bloquée et isolée depuis le début des hostilités, mais les citoyens font mine de rien. Et c'est tant mieux, personne ne lève même les yeux pour percevoir cette silhouette quoique pas très menaçante d'un gringalet perché sur un balcon, le carnet et le stylo à la main, jetant un oeil attentif à ce qui se trame en bas. Jenner est de nouveau en phase d'observation. Ses expériences jusque-là ont été lentement concluantes ; il peaufinait encore sa dernière merveille mais avec la récente participation d'un confrère chimiste de l'ombre répondant au nom de Ghoul, il pouvait se permettre de lâcher un peu de leste quant aux sérums dopants et asservissants. Il oeuvrait donc sur une nouvelle page - qui n'est plus blanche déjà parce qu'il prend note de tout ce qu'il voit surtout pour relever les cobayes les plus intéressants et les pistes de recherches. Depuis ce matin, il avait été témoin d'un excès de vitesse impressionnant de la part d'un type à l'alter lui permettant de manifester des roues motrices au bout de ses pieds, d'un chaton sauvé par une paire de très longs bras et d'autres choses aussi banales que cela dans un monde où la normalité n'existe plus.

Depuis son perchoir, il pouvait observer cette rue en longueur et même se déplacer un peu pour scruter les ruelles adjacentes. Un frisson parcourait son corps quand une bise d'hiver vint lui rappeler que le temps passe à une vitesse ahurissante et que bientôt, sans que l'on s'en rende compte, il serait venu l'heure d'entamer une nouvelle année en laissant derrière les agissements des criminels les plus recherchés du moment. Mais pour Cyril, c'était surtout un rappel que ses expériences devraient aboutir, et vite. Il avait prévu de développer et de peaufiner ses produits pour une entrée fracassante, en fin d'année pour marquer le coup ou en début de l'année à venir, pour annoncer la couleur. En contrebas, une nouvelle agitation.

Il y jette naturellement un oeil et arque le sourcil quand il voit cette adolescente poursuivre quelque chose jusque dans les ruelles, furetant entre deux murs ne laissant qu'un passage étroit où sa proie semble s'être dissimulée. Rien de bien inhabituel si ce n'est la physiologie de ladite adolescente, claquant la queue reptilienne qu'elle traîne derrière elle tout en se focalisant sur ses préoccupations, ignorant même les passants qui lui lancent des regards empreints de jugement. Abaissant sa paire de jumelles avec un sourire que l'on ne connaît que trop bien maintenant, il s'était décidé.

Pourquoi cibler cette jeune inconnue parmi tous ces sujets ? Parce que les alters opérant une mutation sur le corps humain sont les plus simples et les plus amusants à étudier pour l'expert en biologie et en chimie.  Alors pourquoi avoir laissé filer le speedster de tout à l'heure ? Eh bien parce qu'il n'aurait pas été en mesure de le rattraper, de toute façon ! Parfois, une proie trop compliquée peut équivaloir à une inutile perte de temps, alors qu'il est sûr de pouvoir tirer quelque chose de celle-là. Presque une heure à fouiner et elle extirpait finalement l'objet de ses désirs de ce passage exigu. C'est... un serpent ? Et là sur son bras, des écailles ? Il en prend bonne note. "Transformation, pas mutation." Il lui faut voir ça de plus près ! Pas le temps de prendre les escaliers, le scientifique sans peurs se laisse tomber dans le vide avant de se rattraper habilement, sectionnant une guirlande d'enseigne qu'il saisit comme une corde de rappel pour stopper net sa chute à quelques centimètres du sol, démontrant que ses calculs rapides peuvent en effet servir ailleurs que sur le papier.

En se rapprochant, il perçut ce qui semble être une conversation.. entre la demoiselle et l'animal. Elle ne pistait pas un gibier, elle tentait d'aider un de ses cousins. Il y avait quelque chose d'assez sifflant dans son accent, et compte tenu des réactions épatantes du reptile comme s'ils pouvaient vraiment communiquer, Cyril en déduit rationnellement que la jeunette était elle-même à moitié reptile. Ca, c'était la donnée la plus évidente maintenant ce qu'il faut déterminer : comment et pourquoi. Le dos appuyé contre le mur qui faisait l'angle, hors du champ de vision de l'adolescente, les bras croisés et les jumelles accrochées autour de son cou par une cordelette, Cyril attendit la fin de leur "conversation" avant de se montrer.

« Je ne crois pas que ce soit une bonne raison. Admettons que tu réussisse à la rattraper, tu la dévores. Tu es bien plus gros qu'avant, non ? Et tu restes coincé. 'Vaut mieux abandonner et trouver une autre proie dans ce cas. expliquait-elle à son minuscule protégé que Cyril pouvait enfin voir clairement, tenant dans le creux de sa main, un serpent à qui la jungle de béton ne fait apparemment de bien.
– Et elle a raison, tu devrais en prendre des notes ... fit-il sur un ton cynique, agitant son petit carnet en s'adressant à l'animal. En le voyant débarquer, le petit reptile semblait réagir avec méfiance ou peur, comme s'il flairait l'embrouille derrière le grand sourire. Docteur Jenner, spécialiste en alterologie, enchanté. Vous auriez cinq minutes à accorder à la Science ? Mon petit doigt me dit qu'on a la le sujet de notre prochaine grande rubrique scientifique, miss .... ? » il demandait, pour savoir le nom de son interlocutrice.

Sa plus grande progression ne résidait pas que dans son alter, dans ses ressources, dans son réseau ou dans ses plans, non, la plus impressionnante avancée reste dans son aptitude à communiquer, ce qui lui faisait défaut auparavant. Droit au but, il a modifié son approche quelque peu pour paraître plus extravagant que louche, on penserait avoir à faire à un chercheur travaillant pour un magazine - car soyons honnête, qui ne rêve pas de ces quinze minutes de gloire ? Surtout pas un jeune adolescent, à cet âge, l'on veut devenir quelqu'un.. !