Un des avantages significatifs à être une petite terreur de plus de deux quintaux qui cherche à prendre soin de sa forme physique est que n’importe quel exercice faisant jouer le poids devient exponentiellement plus efficace. Besoin de muscler les bras ? Des pompes à la verticale. Les jambes ? Des squats, même sans haltère sur les épaules. Vergetelheid était par ailleurs en plein milieux d’une série d’abdominaux lorsqu’un bruit trop fort et très désagréable retentit dans son appartement. Soupirant, elle se baissa et se redressa encore trois fois afin d’atteindre un compte rond, puis se releva, et passa du salon à la cuisine pour saisir le téléphone en mode vibreur qui était en train de se déplacer tout seul sur le plan de travail métallique. Décrochant, elle le colla à son oreille sans prendre le temps de chercher à lire le numéro : s’il n’était pas enregistré, c’était probablement un contact professionnel … C’était toujours un contact professionnel, à ce numéro-là.

Mouais.
- On a potentiellement un boulot pour toi. Un contact local, à Paradice, « la grosse Bertha ». Tenancière d’un troquet en face du casino « Golden grin ».
« Potentiellement un boulot » ? Quel genre ? Qui est le client ?
- Le client est un gringalet anonyme. Et pour les informations sur le boulot, non spécifiées. Visiblement, il a été plutôt avare de détails. Il pourrait aussi embaucher une ou deux autres personnes, visiblement, il a réservé une table pour cinq ce soir et tu es invitée.
Merveilleux. Le ton cassant de la petite ne laissait aucun doute sur l’expression à mi-chemin entre l’ennui et la colère qu’elle abordait actuellement. Un client anonyme me donne rendez-vous à un endroit semi-public pour une mission pour l’instant inconnue. Ça pourrait être un flic sous couverture, un idiot voulant ma prime, ou juste quelqu’un qui ne sait pas combien je facture …
- Visiblement, c’est la grosse Bertha qui lui a proposé tes services, en disant bien que tu étais une grosse pointure.
Ah, c’est donc la tenancière qui me prend pour une bénévole, une miséreuse qui prendra le premier taff ou juste une idiote … Me voilà rassurée. La démone lâcha un soupire parfaitement audible dans le combiné qui ne laissa pas son interlocuteur répondre, avant de lever les yeux au ciel. J’y serai. Si le plan est foireux ou médiocre je me tire. Et si la grosse Bertha me dérange à nouveau pour ce genre de combines, je l’envoie faire un régime « bouffe d’hôpital » pendant quelques mois, ça devrait l’aider à affiner sa silhouette. Si on veut m’embaucher, on me donne au moins une idée de pourquoi je me déplace … L’heure et l’adresse exacte, s’il-te-plaît.

La mercenaire se saisit d’un crayon et nota sur un bloc-notes les informations dont elle avait besoin, avant de remercier la personne au bout du fil et de raccrocher. Sérieusement, qu’est-ce qui passait par la tête de certains membres du monde criminel … Enfin. Même si elle était loin d’être « miséreuse », la destructrice d’élite n’était pas contre un petit boulot, en ce moment … Le fait que starfish soit aussi bien protégée par les aqua-forces et la police rendait les affaires plus complexes que ce qu’elle avait cru, et même si elle était loin d’avoir besoin de fonds, elle s’ennuyait, en ce moment. Laissant le téléphone derrière elle, elle retourna au salon, changea la musique d’ambiance, et se rallongea sur son tapis de sol. Elle avait fait une pause à 85 abdos … Elle avait largement le temps de finir son entraînement avant d’y aller.


Durant les trois heures qui séparaient la petite tueuse de son rendez-vous, cette dernière eut le temps de finir son entraînement, prendre une douche, regarder un film en peignoir sur son pouf, et finalement enfiler une tenue correcte pour sortir. Dans la mesure où elle vivait au dernier étage d’un immeuble actuellement condamné et désert à cause d’un incendie qui avait partiellement ravagé la façade, elle n’eut aucun mal à accéder au toit, duquel elle bondit pour atteindre l’immeuble voisin. Passer par le sommet des bâtiments était à la fois plus rapide et attirait moins l’attention. Ceci dit, lorsqu’elle passa au-dessus de Paradice, alors qu’elle marchait du rebord d’un toit à un autre, elle entendit une voix s’adresser à elle d’un simple « La vue est plutôt belle, n’est-ce pas ? ».

S’arrêtant progressivement, elle se tourna vers l’origine de la voix. Un homme, d’âge indéterminé, en train de fumer tranquillement sa cigarette. Il souffla deux jets distincts de fumée par les narines, et se mit à sourire face à l’absence de réponse. Il ne ressemblait en tout cas pas à un policier, et la petite tueuse avait même envie de parier sur un mafieux quelconque. L’intuition.

La plupart des gens se contentent du trottoir lorsqu’ils se rendent d’un point A à un point B. La plupart des gens honnêtes, en tout cas … Non pas que j’ai quoi que ce soit contre l’autre option, mais je ne peux m’empêcher de demander : puis-je savoir pourquoi vous préférez la voie des airs, mademoiselle … ?
Vergetelheid. Elle marqua une pause, et répéta plus lentement. Ver. Gue. Tèl. Haid. Si le nom ne dit rien, soit vous devriez demander au patron de votre patron, soit faire une recherche dans les archives de journaux.
Je n’y manquerai pas. Le jeune homme tira une nouvelle bouffée de sa cigarette, qu’il souffla sur le côté, avant de la prendre en main pour faire tomber de la cendre derrière lui, là où le vent les porterait ailleurs que sur ses mocassins noirs. Cependant, le « qui » m’intéresse bien moins que le « pourquoi », si je puis me permettre de me montrer insistant.
La petite émit un grognement. Elle n’aimait pas ce genre de perte de temps. J’ai un rendez-vous important sous peu, dans un bar. Et les toits sont à la fois plus rapides, et moins peuplés. Enfin, en général.
Le mafieux eut un sourire, et hocha la tête. Je vois, rien de bien répréhensible donc. Dans ce cas, moi-même et les repentis vous souhaitons une bonne soirée et un rendez-vous fructueux, mademoiselle ver-ge-tel-heid.

Elle lui retourna la salutation d’un mouvement de tête, avant de se détourner, faire quatre pas rapides, et sauter par-dessus un boulevard. Repentis … Une des mafias connues de starfish, ayant particulièrement aidé la ville durant l’effondrement. Depuis, ils veillaient plus ou moins « officiellement » sur Paradice … Son intuition avait donc été bonne. Et cette surveillance était étrange … Mais trois bâtiments plus loin, elle comprit, en croisant exactement la même personne, accoudée à un rebord et regardant la rue en contrebas, un verre à côté de lui. Des doubles … Clones, hologrammes ou un autre alter de réplication du même style. Le genre de pouvoir parfait pour avoir l’œil sur l’intégralité d’un quartier sans prendre de risques. Un rictus amusé sur les lèvres, la tueuse continua ses bonds et rebonds jusqu’à arriver à l’adresse qu’on lui avait donné. Elle descendit en se « laissant » tomber de fenêtre en fenêtre, s’accrochant aux rebords assez solides pour freiner sa descente sans se fissurer. Si elle pouvait éviter de laisser un cratère de la taille d’une gamine dans les pavés … Observant les différentes portes face à elle, elle poussa finalement celle qui devait être celle du bar, fut satisfait de constater qu’elle débouchait dans une réserve à bière, et entra.

La table à laquelle elle avait rendez-vous ne fut pas bien compliquée à trouver : il y avait assez peu de clients ce soir, et la bande de loubards qui entourait un jeune homme plutôt frêle et à la coupe de cheveux atypique n’était pas bien compliquée à remarquer. La petite démone vérifia sa montre : elle n’avait que quelques minutes de retard … Blâmer le repenti qui l’avait retardé n’aurait pas été très sport de sa part : il ne lui avait pas tenu la jambe plus de trente secondes, au plus. Jetant un œil à la tenancière, qui méritait bien son surnom, elle pointa la table qu’elle avait vue avec un air interrogateur. La barmaid acheva de nettoyer le verre qu’elle avait dans les mains avec un torchon, jeta un œil, et hocha positivement la tête. La mercenaire se mit donc à marcher sans se presser, tira la chaise – métallique, c’était une bonne chose – libre, et prit place dessus.

Ah, bah c’est pas trop tôt … Hey, mais t’es qui toi, petite ? Et qu’est-ce que tu viens faire ici, avec ton sweat Rainbow Slash de my little brony et une allure pareille ? T’es sûre que tu t’es pas perdue en rentrant de l’école gamine ?
Assez certaine. Vous vous y connaissez en « my little brony » ? Je ne savais même pas que cette fille s’appelait comme ça.
Oh, heum … Je … Oui. Mon neveu regarde énormément et … Et c’est un show pour les mômes. Le grand type eut un rire gras supposé masquer son léger malaise. C’est jour de lessive, yavait plus rien d’autre à mettre ?
Hm … vous avez une pièce d’un dollar ?

La demande prit une fois de plus le loubard au dépourvu. Grattant sa barbe de trois jours d’une main, il marmonna un « p’têt bien. » en fouillant une poche de sa veste en jean. Il finit par en extirper une pièce, qu’il glissa devant la petite mercenaire impassible. Cette dernière sortit enfin ses mains griffues de sa poche ventrale, et saisit le rond métallique entre les os tranchants et durs qui terminaient son index et son pouce.

Merci. J’ai oublié ma petite monnaie chez moi. Et pour répondre à la question, non, ce n’est pas « jour de lessive » … Mais je suis une femme petite, environ un mètre quarante, aux formes assez peu prononcées. Je suis également une des rares super-criminelles à être dans le circuit depuis plus d’un siècle et demi et à me balader librement, même si je suis recherchée par plusieurs gouvernements et organisations mafieuses majeures. Alors qu’elle débitait ces informations sur un ton calme et sans le moins du monde élever la voix, la petite mercenaire regardait la pièce, qu’elle était en train de plier en deux comme si elle avait été faite de papier. La déposant finalement sur la table lorsqu’elle fit se toucher les deux bords opposés, elle poursuivit. Dans ma situation, passer inaperçue n’est pas seulement commode : c’est nécessaire. Et me faire passer pour une gamine est un moyen très pratique que j’ai trouvé de ne pas attirer l’attention malgré mes mutations. Donc non, ce n’était pas jour de lessive, je fais exprès de porter des vêtements pour enfant.

Fouillant la poche de son pantalon, elle en extirpa un billet de 1 dollar, qu’elle tendit au mercenaire en guise de dédommagement. Puis, ses yeux noirs et rouge parcoururent l’assemblée avec un regard glacial, s’arrêtant sur leur supposé commanditaire. Elle espérait sincèrement que ce n’était pas juste un jeune imbécile à qui on avait donné ses coordonnées sans le prévenir d’avec quel type de feu il jouait.

On m’appelle Vergetelheid. Est-ce qu’on pourrait faire les présentations rapides, expliquer à quoi rime cette petite réunion, puis commander à manger ? Je commence à mourir de faim et je préfèrerai savoir si ça vaut la peine de manger ici ou non.

La petite tueuse soupira « d’amusement » (même si le terme était fort et l’amusement en question, ironique) au rappel de son retard, et haussa les épaules, croisant simplement les bras sur son torse.

J’ai juste besoin de 8000 calories par jour pour fonctionner. A bas régime. Et j’ai faim, là.

Le côté « droit au but » était en revanche d’une exactitude parfaite : la mercenaire détestait perdre son temps … Surtout dans le contexte professionnel. Heureusement pour son potentiel client, ce dernier ne s’étendit pas pendant 20 minutes sur un discours long et pompeux sur ses motivations et l’impossibilité que son plan échoue si chacun respectait ses directives à la lettre, et préféra plutôt attaquer dans le vif du sujet : se présenter lui-même,  et décrire leur cible pour ce boulot. Une banque liée à la mafia locale et qui possédait un trésor inestimable … ça réveillait quelques souvenirs à la mercenaire. Les braquages n’étaient pas son type de contrat préféré ni le plus fréquent, mais elle saurait se débrouiller. Et elle avait déjà eu à trouver des articles « uniques » au fin-fond de coffres forts particulièrement solides et bien protégés. D’habitude, elle œuvrait en solitaire, mais pour une fois la compagnie de quelques autres paires de bras n’était pas de trop. Le plan semblait, de ce qu’elle en voyait, simple sans pour autant sous-estimer la situation … Contrairement à un des autres hommes de main à table, qui lui était simple –et- ne prenait pas ce job avec la gravité nécessaire.

Heureusement, la cornue n’eut pas besoin d’intervenir : le potentiel client su remettre l’impertinent à sa place sans trop de difficultés. Il prouva non seulement qu’il ne comptait pas les embaucher pour un travail de gagne-petit, mais aussi qu’il avait regroupé des renseignements au préalable et qu’il savait ce dans quoi il s’engageant … Il remontait dans l’estime de la petite tueuse, en somme. Bon, ça le faisait revenir vers une position « neutre », vu qu’elle n’avait malgré tout pas apprécié d’être dérangée sans savoir pourquoi, et qu’elle n’était également pas fan des rendez-vous de type « élaboration de casse » dans un lieu semi public … Mais pour l’instant, il n’avait cité aucun nom, aucune adresse précise, et il ne semblait pas vouloir le faire tant que chacun n’aurait pas confirmé sa participation à l’opération. Les trois gusses prirent quelques instants pour réfléchir, deux d’entre eux se regardant comme pour chercher à connaître non verbalement l’avis du voisin, tandis que le troisième observait les verres avec concentration et perplexité. La petite mercenaire, quant à elle, prit une longue inspiration en laissant son regard dans le vague … Puis leva la main.

Allez, on roule dans ton affaire, « docteur serum ». J’espère qu’après le repas tu vas nous emmener dans ton labo secret, un entrepôt désaffecté ou une chambre d’hôtel que tu as réservé pour pouvoir y faire une réunion. M’enfin en attendant on mange. Se surélevant un peu sur sa chaise avec sa queue, la tueuse se retourna, haussant le ton pour se faire entendre. BERTHA ? Menu, please.

La femme susmentionnée se rapprocha en grommelant que ce n’était pas la peine de crier si fort, apportant plusieurs menus plastifiés qu’elle tendit à la petite assemblée, attendant qu’ils s’en saisissent. La mercenaire prit le sien mais le posa directement sur la table, et pointa du doigt un autre client.

Deux assiettes du plat du jour, deux assiettes avec uniquement l’accompagnement du plat du jour, toutes les viandes bleues. Et aussi un plat de … Thon ? Saumon ? Bref, la même chose que le monsieur là-bas. Et trois bières. Brunes, si possible.
- Ah … Je peux vous reprendre les cartes, alors ?
Hein ? Non, laissez ces braves messieurs décider de ce qu’ils veulent choisir tout de même. Enfin vous pouvez remporter la mienne.

La tenancière exprima à la fois du doute et de la perplexité … Mais elle se contenta, après avoir fini de noter les commandes de la petite évoluée, de reprendre sa carte et d’aviser les autres pour savoir si quelqu’un d’autre avait déjà choisi. Lorsqu’elle repartit, la naine se rassit correctement sur sa chaise, l’air renfrogné. La raison de son mécontentement se fit entendre, au moyen d’un gargouillement de ventre sonore. Bien sûr, elle pouvait se passer de manger pendant un certain temps … Mais en l’occurrence, ce n’était pas dans ses plans, et elle avait faim.

Et donc tu … vas … Manger 5 assiettes.
Hmm hm.
Et boire trois bières.
Tu es en train de tourner autour du pot ou tu aimes juste les questions inutiles ?
Nan, je … enfin … C’est à se demander où tu trouves la place, quoi.
Une fois je me suis forcé à avaler une clef USB pour un contrat, pour éviter qu’elle ne tombe entre de mauvaises mains et qu’elle soit en sécurité durant le combat. C’était pas une bonne idée. Quand je me suis fait vomir 3h plus tard il n’en restait que quelques filaments qui avaient peut-être été un circuit imprimé, et la prise, qui était complètement rongée par les sucs gastriques. Mon estomac est efficace à ce point. Ne t’en fais pas, je la fais au fur et à mesure, la place.
Oh. Okay. Très bien. Le mercenaire décolla ses mains de la table (mais pas ses avant-bras) pour les mettre à la verticale comme si ces informations étaient tout ce dont il avait besoin, et qu’il ne cherchait surtout pas de conflit. Il détourna d’ailleurs la discussion en se tournant vers le client, indiquant qu’il s’adressait à lui d’un bref mouvement de menton. Et heu … « Docteur sérum », du coup. Le nom à l’essai … ça veut dire que t’es un peu nouveau dans la partie, non ? Tu as déjà une planque à toi, comme a mentionné la d’moiselle ? Un labo secret pour … heu … Tes « expériences » ou quelque chose du genre ?

La tueuse se détourna de la table, gardant une oreille dans la discussion, mais étudiant aussi bien les autres clients que la porte de la cuisine. Ils avaient intérêt à apporter ce qu’elle avait commandé vite.

HRP:

Voir deux personnes se faire clouer les mains sur la table ne diminua pas d’un iota l’appétit de la mercenaire, qui au contraire chercha à éviter de respirer par les narines pour éviter de trop sentir le parfum du sang. Provoquer son dégoût était relativement difficile, et elle n’était pas particulièrement rebutée par l’idée de manger de la chair humaine, sur le papier … Dans les faits, bien sûr, elle ne le faisait pas ne serait-ce que parce qu’on était en train de lui cuisiner autre chose, autrement plus gouteux et comestible. Et aussi parce que ce n’était pas vraiment acceptable en société. Tout comme … Les interventions du style de celle du docteur, par exemple. Poignarder deux personnes dans un lieu public … Le groupe était chanceux que les deux victimes n’aient pas crié, sans quoi ils auraient tous attiré une attention néfaste. Et maintenant, il fallait juste espérer que personne ne remarque leurs plaies … Et ce n’était que la première moitié du problème que la naine avait avec cet évènement.

L’autre était plus portée sur le court, voir moyen terme. Un client qui traitait les sous-fifres qui l’irritaient – surtout de façon aussi évidement involontaire – de façon aussi mauvaise et impulsive était toujours une mauvaise nouvelle pour un mercenaire. Être vilain ne donnait pas tous les droits à un individu, au contraire … Et si ce docteur tenait à avoir une longue carrière devant lui, il fallait espérer qu’il allait apprendre à contrôler son tempérament le plus vite possible. Ceci étant, la vieille russe n’était, malgré son expérience, pas vraiment disposée à lui faire savoir. Ce n’était pas ses affaires, et il n’avait pas demandé de conseils ou de critiques, ni d’aide, comme il venait d’en faire la démonstration. Il était, cependant, vraisemblablement assez intelligent pour ne pas la traiter de la même façon et c’était tout ce qui importait à Vergetelheid. Dans le cas contraire, elle lui ferait connaître de façon très désagréable son erreur.

L’arrivée de plats fumants et des boissons qui allaient avec détourna l’attention de la naine de ce sujet déplaisant, aussi se mit elle à manger avec une ardeur accrue, plus élevée encore que si elle avait été motivée par sa seule faim. Ses mâchoires broyaient la nourriture avec une efficacité particulièrement terrible, en raison de sa super-force et de la solidité de tout son squelette – dents comprises – et là où certains auraient pu s’inquiéter de la voir se rassasier pendant une bonne heure étant donné la quantité de plats devant elle, elle ne mit en réalité que deux ou trois centaines de secondes à terminer sa première assiette, et attaqua la seconde avec le même entrain, pendant que deux des hommes de main se commandaient simplement une salade, et le troisième une bière. Des discussions un peu maladroites et artificielles s’articulèrent entre les trois compères, qui tendirent par moment des perches à la vieille russe ou au jeune docteur pour les inclure, sans pour autant réellement les laisser parler de quoi que ce soit d’important, lorsqu’ils répondaient. Très clairement, ils avaient envie que la petite tueuse finisse de manger le plus vite possible, et n’avaient plus la même nonchalance vis-à-vis de leur employeur. C’était à la fois une mauvaise et une bonne chose … Mais une fois encore ? Pas les affaires de la cornue. Mister Sérum apprendrait de ses erreurs de lui-même en temps et en heure.

Lorsque la tueuse miniature vida sa dernière choppe d’une longue traite, puis s’essuya la bouche avec sa serviette, son estomac avait légèrement gonflé dans sa tenue … Mais ce genre d’incommodités se résorberait de lui-même en une petite heure, grand maximum. Soupirant, elle fronça un sourcil et leva l’autre en remarquant qu’elle était observée par au moins deux paires d’yeux, et grogna en fouillant de nouveau sa poche.

Vous faites pas de bille … Je gère ma partie de l’addition. Après tout, on est tous là pour se faire une petite fortune avec la combine du doc’, pas vrai ?
Heum. Pour sûr, ouais.
Où on va, du coup ? La gueule de travers ?
C’quoi ça ?
Un p’tit bar vers le centre-ville où on a vraiment nos habitudes, le patron nous connaît bien et ça le dérange pas si on arrange nos coups là-bas.
Ah. Refusé. La mercenaire posa un billet de cent froissé sur l’addition que la grosse Bertha leur avait fourni un instant plus tôt, et regarda un de ses collègues étudier l’addition, puis soupirer en payant pour ses confrères. Elle revint vers celui auquel elle répondait. Le casino en face a un hôtel attaché, on ira là-bas. Deux paires d’yeux perplexes s’ajoutèrent à celle qui la dévisageait déjà, lui tirant un soupir ennuyé. ça ira sur ma note de frais aussi, tsss … réglez vos bières et on s’arrache.

Le golden grin, le casino que ciblait la petite tueuse, avait deux avantages pratiques. D’une part, c’était un casino avec un minimum de standing, mais pas assez pour filtrer la clientèle à l’entrée, ce qui n’était pas un luxe vu les dégaines des trois Dolphs et de la tueuse habillée en gamine. Secondo ? Il était littéralement séparé du bar de la grosse Bertha par une rue peu fréquentée à cette heure-ci. Rentrant dans l’établissement, la démone observa les panneaux qui indiquaient où se trouvait quoi, et partit rapidement vers la gauche, la partie « hôtel » du bâtiment dont elle avait parlé. La jeune femme qui se trouvait à l’accueil baissa son magasine en entendant un groupe arriver, mais haussa les sourcils en voyant la dégaine dudit groupe. Derrière elle sur un large panneau se trouvaient des illustrations de divers décors, à côté desquels de petits crochets tenaient – parfois – des clefs. Les vignettes des crochets auxquels les clefs étaient effectivement suspendues brillaient légèrement, sans doute pour attirer l’œil des clients.

Heum … Bienvenue au … à l’hôtel du Golden Grin … Heum, petite, ce-
Je suis adulte. Si je comprends bien, vous avez des chambres « classiques » et d’autres « à thème » ?
C’est … Oui … N-nos prix sont là … Elle pointa du doigt un mur, sur lequel était affiché un tableau informant du prix en fonction du type de pièce louée et du temps du séjour. La naine y jeta à peine un œil, le temps de trouver l’info qu’il lui fallait. Je suppose que vous n’avez … Pas besoin des services d’une … Ou plusieurs de nos filles ?
Hey, pourquoi ça coûte plus cher à l’heure que pour la nuit ? C’est-
Un regard noir donné par deux prunelles rouges interrompit l’homme de main dans sa réflexion, et Vergetelheid reprit en se grattant la nuque. Pas besoin en effet. La salle … tss … « étudiants d’université », elle a du matos genre tableau noir et tout ça, dedans ?
De quoi satisfaire toutes les envies de jeux de rôles de nos clients, oui … Nous mettons aussi à disposition des costumes et accessoires, si nécessaire …
ça le sera pas. La clef de la pièce, et un forfait pour 2 heures.

Glissant – une nouvelle fois – du liquide un peu froissé sur le comptoir, la naine aux cheveux flamboyants attendit qu’on lui rende sa monnaie, puis prit la clef et la direction indiquée par la réceptionniste. Vu que la chambre se trouvait au 3ème étage, la tueuse soupira, et laissa aux autres le loisir de prendre l’ascenseur sans elle : ce dernier avait une limite de poids de 400 kilos, qu’elle ferait clairement surpasser au groupe. Arrivant devant la chambre avant que les portes de l’ascenseur ne s’ouvrent, elle rentra la clef dans la serrure, et ouvrit la porte. C’était … Convenable, il fallait supposer. La moitié de la chambre était bel et bien aménagée comme une salle de classe, avec tableau noir, le bureau du prof, et trois tables / chaises en face, tandis que le fond disposait d’un lit façon dortoir, même s’il était double, et de quelques ameublements supplémentaires pour le côté commode. Une petite salle d’eau se trouvait sur le côté (reconnaissable au logo peint sur la porte), mais la tueuse l’ignora, allant plutôt saisir le fauteuil qui se trouvait à côté du lit pour le soulever, le déplacer au niveau des autres tables, et s’installer dedans. Une petite étagère sur le côté de la salle disposait effectivement de fournitures scolaires : cahiers aux pages prédécoupées pour être arrachées et quelques stylos un peu usée mais fonctionnels. D’un geste, elle invita leur client à faire tous les schémas dont il avait besoin sur le tableau noir devant eux.

Allez-y, docteur Sérum … J’vous écoute nous donner toute les informations dont on a besoin. Oh, et si quelqu’un pouvait me passer un de ces cahiers … J’aimerais noter le plus d’informations possibles histoire de rien oublier et de pouvoir faire mes propres recherches et vérif’ en rentrant chez moi.

Un des ‘dolf envoya un cahier tout ce qu’il y avait de plus classique à la mercenaire, qui le réceptionna sans vraiment faire attention au manque d’entrain dont il avait fait preuve. Manipulant l’objet avec un minimum de précautions, vu les « griffes » qui remplaçaient l’intégralité de ses dernières phalanges, elle fit défiler les pages devant ses yeux, s’assurant que l’objet était bien neuf et qu’aucune paire de pages n’était ... « collée » de façon artisanale et désobligeante. Lorsqu’elle termina son inspection avec satisfaction, elle plia ensuite le cahier de façon à ce qu’une couverture aille s’écraser contre l’autre, et garda le tout dans une main tandis qu’avec l’autre, elle prenait un stylo et attendait que le doc ne commence son « cours ». Tsss ... Maintenant qu’elle pouvait un peu plus en détail étudier la chambre, elle remarquait des détails dérangeants du côté du tableau. Comme un message « in god we trust » avec une croix juste en dessous. Le manque de partialité de l’Amérique vis-à-vis des religions était insupportable. Surtout dans un lieu dédié à la connaissance ... La naine était loin d’être une lumière, et pourtant même elle pouvait saisir à quel point ce genre de choses pouvait être problématique. Il y avait aussi des tâches sur le bureau et parfois sur les murs dont l’origine était douteuse ... Réalisant, la russe se demanda si il n’y en avait pas aussi sur le fauteuil dans lequel elle était assise. La salle était suffisamment propre pour ne pas littéralement puer les odeurs de copulation, au moins, mais tout de même ... Enfin. Lâchant un soupire, elle se concentra sur le docteur, qui semblait sortir de sa légère léthargie pour prendre la parole et commencer son exposé.

Remarquant qu’il avait des difficultés similaires aux siennes – dans un cas, à cause de seringues, dans l’autre, de griffes osseuses – la petite tueuse eut un instant de compassion pour ce jeune homme qui, semblait-il, avait été beaucoup plus porté sur les études et donc l’écriture qu’elle. Il semblait pouvoir faire avec, mais ça ne lui rendait pas la chose moins pénible au quotidien. Elle chassa cette pensée pour écouter les infos à propos de la banque cible, de ses alliés potentiels, de qui la contrôlait et de ses activités plus ou moins légales et lucratives. Les autres mercenaires posaient quelques questions, mais dans l’ensemble, rien de peu pertinent, ce qui montrait qu’ils pouvaient se montrer pro lorsque la situation le demandait. Tapotant le bout de son stylo contre ses cornes lorsque le jeune commanditaire leur demanda s’ils avaient des questions, la petite tueuse se laissa aller à regarder les bouts de papiers sur lesquels les mercenaires marquaient leurs alters. L’un d’eux pouvait projeter une sorte de gel à évaporation rapide qui rendait le sol glissant et avait tendance à accélérer dans une direction tout ce qui passait dessus : bien maîtrisé, c’était un excellent moyen de fuir à toute vitesse, en laissant les éventuels poursuivants se casser la figure. Un autre pouvait émettre une impulsion électro magnétique de puissance assez faible, ce qui restait tout de même des plus utiles : de quoi griller une salle des serveurs, forcer des appareils à faire un redémarrage forcé, voir désactiver un verrou magnétique ou des choses de ce genre. Il ne pouvait pas provoquer beaucoup d’impulsions par jour, mais c’était mieux que rien. Elle n’eut pas le temps de lire ce que notait le troisième dolf’, dont la position n’était en prime pas avantageuse pour voir ce qu’il notait, mais ce n’était pas bien grave. Continuant de prendre des notes, la mercenaire prit la parole.

Ce serait sûrement mieux si tout le monde faisait un bilan de ses capacités au reste des gens présents, à mon avis, histoire de parfaire le travail d’équipe. Moi, je résiste aux balles et aux chutes à vélocité terminale, je peux soulever une voiture et la balancer à quelques mètres devant moi, mettre un coup de poing à travers une plaque de métal ou un gilet balistique conventionnel, et je suis assez lourde pour tuer quelqu’un en m’asseyant sur son torse. Ah, et j’ai des cornes, des griffes et une queue, pour ceux qui n’ont pas remarqué. Pas besoin de vous donner plus de détails sur mon alter. De façon générale, j’essaie de concentrer sur moi l’attention et la puissance de feu ennemie, donc ne vous étonnez pas de ne pas me voir me mettre à couvert ou me jeter sur les adversaires. D’un geste sec, elle trancha le morceau de page sur lequel elle avait noté ce qu’elle venait de dire, et le fit passer au médecin criminel. Pour les questions, une ou deux, mais d’abord, quelques retours sur expérience. Si la banque est vraiment proche du casino et que c’est une banque de truands, vous pouvez vous attendre à plusieurs choses. D’une, que les caissiers sortent un calibre 12 et se joignent aux festivités s’ils voient que ça dégénère. C’est gérable, mais soyez à l’affut histoire d’éviter une dose de chevrotine surprise. De deux, des gardes armés peuvent venir du casino et corser la partie même sans l’alarme générale. Je doute que ça se produise, et visiblement notre cher doc’ a un atout dans sa manche vis-à-vis de ça, mais gardez juste ça à l’esprit et soyez vigilants.

Fermant un poing, la tueuse le posa contre le côté de sa propre mâchoire, et poussa sa tête sur le côté pour la faire pivoter ... Jusqu’à ce que sa nuque n’émette un craquement sec. Soupirant de soulagement, elle reprit son stylo et se remit à noter sur la page en parlant.

Autre chose : le boitier d’alarme est centralisé, mais il est possible qu’il appelle un numéro privé, plutôt que la police. En clair, la majorité des renforts potentiels seront sûrement des gangsters qui tireront pour tuer et sans sommation. Même chose que pour de potentiels gardes venus du casino : ça devrait pas être un problème, mais gardez-le en tête.
Si tu nous dit tout ça, c’est pour qu’on soit préparés au pire ?
Tout à fait. J’ai fait des casses similaires, et c’est bon de connaître ce genre de possibilités à l’avance. Pour les questions donc : qu’est-ce qu’on utilise pour évacuer le fric une fois qu’on l’a ? Un van, une bagnole ? J’vois pas de chauffeur ici ou sur le schémas, donc je suppose qu’un d’entre nous conduira le véhicule ... Sauf si on s’échappe par d’autres moyens. Autre question : « si » ça tourne mal et qu’on est séparés ou autres. Où on se retrouve et quand, pour les survivants ? Et dernier point : comment on divise le butin ? Parce que sans vouloir être désagréable, je prends clairement pas le même tarif que les trois autres.
Et pourquoi ça ?

La petite russe tourna lentement la tête pour le regarder dans les yeux. L’animosité qui se lisait dans les yeux du mercenaire rencontra l’expression froide et calme de la petite brute, dont les iris rouges cerclés de noir ni tressaillaient pas le moins du monde. Rudolf – c’était bien lui, non ? Enfin c’était en tout cas le plus moche du trio. – finit par détourner le regard, ce qui aurait presque pu faire sourire la mercenaire. Presque. Mais plutôt que de l’enfoncer, elle se contenta de hausser les épaules.

D’une part, parce que je sais rien qu’à votre dégaine et à vos manières que vous facturez moins que moi d’habitude. Et ensuite, parce que je ne sais pas si vous avez déjà dû régler un médecin illégal pour vous extraire des balles de calibre 50, sachant qu’ils n’acceptent pas vraiment les assurances, mais ça facture bien cher, et je préfère prendre un boulot qui me rapporte, plutôt que qui me coûte. Donc en imaginant que la récompense se fait en pourcentage du butin obtenu, j’en prendrais une bonne partie. Pas plus que le cerveau de l’opération, bien sûr, mais tout de même.

Le troisième argument, qu’elle ne sortait pas pour rester décente, était qu’elle pouvait avec une facilité déconcertante tuer absolument tout le monde dans cette salle : elle en était intimement persuadée. Ils le savaient sûrement aussi. Et dans ce genre de rapports de forces, mieux valait prendre les requêtes du plus fort comme un ordre ... Du moins. Si on voulait éviter de se retrouver envoyé à l’hôpital. Ou à la morgue.

Oh ! Oh. J’ai une idée.
Hmmm ?
On achète tous des chemises hawaïennes, des bobs, des shorts et des lunettes de soleil. On les garde sous nos vêtements. Et au moment de fuir, on fait exit les tenues de braqueurs : BOUM ! On est une famille recomposée avec trois frangins et deux gamins en excursion à Starfish, et on monte tous dans un ou deux taxis pour s’éloigner du lieu du braquage.

L’idée fit cligner des yeux une ou deux fois à la petite tueuse ... Mais elle finit par se masser le milieu de l’arcade sourcilière, et lâcher un soupire profond ... Mais légèrement amusé.

Bon, ha ha, bien sûr pour un gros coup sérieux comme celui-là, aucune chance que ça marche ... Mais p’têt qu’on pourrait garder ça pour une prochaine affaire, hein ? Z’en pensez quoi les mecs ?
Qu’on aurait l’air de trois cons.
L’idée de tenues « de travail » reste bonne, ceci dit. Vous nous fournissez des blouses de laborantins pour que l’affaire porte votre marque de fabrique, « docteur serum » ?

La question, posée sur un ton à demi sérieux, fit naître un grand sourire sur le visage du dolph qui avait proposé l’idée, peu importe lequel cela était. Non pas qu’il se ressemble particulièrement, entre un grand roux, un petit gros et un très laid, mais ils étaient à un niveau d’intelligence similaire, et même pour la naine, ce dernier ne semblait pas très élevé : leur accorder assez de considération pour retenir précisément qui était qui s’avérait ... compliqué. Associer un visage à un alter, en revanche, avait étrangement pris moins d’efforts, et ce malgré l’absence totale de démonstration.

Eh, ça m’étonne que même pour se moquer de mon idée, tu en reparle comme ça, Verge ... te ... el ...
Ver-gué-tel-heid. Vergetelheid.
Heum, ouais, Vergetelheid. Mais qui irait cambrioler une banque dans une tenue comme ça ?
Qui sait ? La petite terreur haussa les épaules avec un air quelque peu suffisant, semblant se moquer de la pratique sans pour autant remettre en question son existence. Certains clients veulent commettre des crimes presque plus pour le côté show que pour le gain en lui-même. Notre client du jour semble manquer un peu d’expériences et de contacts : faire comme s’il avait quelques hommes de main à sa solde lorsqu’il passera à l’acte pour la première fois le fera être considéré différemment par ses pairs, ses potentiels alliés ou ennemis ... ça n’aurait rien de surprenant, en substance. Et en prime, on peut planquer plein de trucs, sous une blouse. Quelques crans d’arrêt, un poignard ou deux ... des grenades.
Moi, j’pensais à quelque chose. C’est marqué sur mon papier et les deux autres le savent, mais j’peux faire griller les appareils électroniques, grosso-modo. Vous pensez que je pourrais m’occuper des appareils de télécom’ des différents gardes ?
Sûrement, leurs oreillettes sont ni plus ni moins des radios miniatures, après tout. Tant que tu gardes assez de jus pour les autres systèmes de sécurité plus avancés.
Ouais, j’peux faire de plus petites impulsions qui me coûtent moins en énergie et en temps de recharge. ‘Faut que je me rapproche plus pour qu’elles soient efficaces, mais ça devrait pouvoir se faire.
Tu nous en avais pas parlé, hey !
Bah, ouais. Le mercenaire haussa les épaules avec un petit sourire. ’Faut dire que c’est récent. J’ai appris à faire ça avec de l’entraînement ... ‘jamais totalement se reposer sur ses acquis, tout ça.
Hm, à part quand ils vous ont foutu tout en haut de la chaîne alimentaire.
Mhh ... Sauf vot’ respect, Ver’, j’crois que le pouvoir vous a un peu rendue ... Vaniteuse.
Bien sûr que oui. Essayez de devenir vaniteux sans pouvoir : c’est chiant, dès que la situation se corse vous vous faites buter.

La réponse, malgré sa franchise brute, fit plus éclater de rire deux des trois mercenaires, et tira une esquisse de sourire sur le visage jusque-là impassible de la naine. Cette dernière se tapotait les lèvres du bout de son crayon, réfléchissant à ce qui se disait sans avoir grand-chose de réellement pertinent à ajouter. C’était une femme d’action : elle accordait le maximum de son attention au briefing et à la préparation, mais ça ne faisait pas d’elle quelqu’un d’extrêmement compétent pour cette étape précise de cet art qu’était le crime. Heureusement, les trois dolphs semblaient s’entre-alimenter, et toute réflexion de l’un était quasi automatiquement suivie par des réponses d’un autre. Nombre de points furent passés en revue : quel type de marque de sac de sport il vaudrait mieux choisir pour fourrer les billets, qui conduirait le véhicule au moment de la fuite, si on se contentait de faire se coucher les otages, qu’on grillait leurs appareils de communication, qu’on les attachait ou qu’on leur mettait une grenade dégoupillée dans les mains en leur demandant de retenir la pine (juste les faire se coucher et attacher leurs mains dans le dos semblait un bon compromis), qui avait besoin de gilet pare-balle ou pas ...

Je résiste aux petits calibres. Et aux seringues, doc’ ... Si il se présente un besoin d’utiliser votre alter sur moi, passez par une plaie préexistante, ça vous épargnera vos jolis ongles. Oh, au passage. J’apporterais mon flingue.
Flingue ? Tu utilises un pistolet ?
C’est plus un ... Fusil de sniper reconditionné pour être utilisé à très courte portée. Mais oui, j’ai une arme à feu.
à quoi ça sert des munitions aussi puissantes ?
à faire de très gros trous dans les gens même avec des gilets pare-balle, à défoncer le moteur d’un véhicule, à faire peur ... Plein de trucs.
Cool ... Bah. J’pense qu’on a plus ou moins tout évoqué, du coup. ‘Manque plus qu’à piquer un taxi, planquer le conducteur quelque part pour 24 heures, et à se retrouver demain pour le casse. C’est bien prévu pour demain, c’est ça ?
C’était pas pour mardi ?
T’aurais juste pu attendre la réponse.

La petite mercenaire soupira d’amusement par son nez désormais inexistant. Elle avait noté la date, mais le docteur allait devoir la rappeler à ses employés, elle n’avait aucune envie de s’improviser antisèche pour permettre aux trois loustics de rattraper leur manque de matière grise non imbibée d’alcool. Rudolph, qui s’était allumé une cigarette au début de la séance, l’écrasa finalement dans son cendrier et se gratta la barbe avec ses ongles crasseux.

En tout cas, ça fait plaisir de voir un coup se fignoler autant ... Z’avez l’habitude de tous les faire comme ça, Verget’ ... heu ...
Juste « ver’ » ira très bien. Et c’est plus ou moins fréquent, oui.
C’est amusant ... J’serais pas contre de faire ça plus souvent, moi, en tout cas. Bon ... On a tout couvert, là, je pense ?

La petite tueuse avait retrouvé le dolf responsable de l’armement de la plupart du groupe à environs 9 heures ce matin-là … Et lui avait pris quasiment toutes ses armes. Seul le pistolet destiné à leur client avait échappé à la rafle de la petite tueuse, qui avait convenu d’un plan avec ses associés pendant le briefing. Ce n’était rien d’aussi grandiose et élaboré que ce que le docteur avait planifié pour l’opération générale … Juste de quoi rentrer tranquillement dans la banque.

A l’heure du rendez-vous, elle s’était présentée à ses associés en portant non pas une blouse de chimie, mais un bleu de travail. De couleur orange, mais c’était un détail. Une casquette –dans laquelle deux trous avaient été percés pour ses cornes- ornait son crâne, et ses cheveux défaits plongeaient dans sa combinaison, donnant l’illusion qu’elle avait une coupe de cheveux dans la moyenne … Ce qui était loin d’être le cas. Elle poussait également un diable, sur lequel se trouvait une caisse en bois massive cloutée et estampillée d’une large étiquette signalant la marque, le numéro de livraison et le produit. Ne prenant même pas part à la discussion sur ce qu’ils mangeraient après, elle prit de l’avance et poussa son encombrant chargement pour se diriger vers la banque, et y rentrer le plus naturellement du monde.

Elle ne fit pas deux mètres qu’elle fut interceptée par la sécurité. Parfait.

Hmm … madame, je peux savoir ce que vous faites avec ce chargement ?
Avec un naturel total, la démone décrocha de la caisse une plaquette de bois sur laquelle était attachée une facture, tout en sortant un stylo d’une de ses poches. Vous pouvez même me dire quoi en faire. A ce qu’il paraît votre chauffe-eau a connu de sérieux disfonctionnements lors des dernières semaines et … Pardon messieurs.

Reprenant la poignée du diable, et mettant un petit coup de pied dans sa base, la tueuse le remit sur ses roues pour le faire avancer de quelques mètres, s’éloignant de l’entrée … Et laissant rentrer « mister boum-boum » et « AxLR ». Elle ne savait pas si c’était une bonne idée de les avoir laissé choisir leurs pseudos … enfin. Elle était toujours connue en tant que « Ver’ » par ses associés, ce qui lui convenait amplement. Elle les regarda avancer une seconde ou deux … Et grimaça en son for intérieur. Ils étaient supposés se faire passer pour des scientifiques ayant besoin des fonds de la banque pour un nouveau projet … Mais elle faisait moyennement confiance à leurs performances d’acteurs, et leur dégaine ne collait pas très bien. Enfin. AxLR (était-ce Rudolph ou Adolph d’ailleurs ?) avait l’air suffisamment … Dans la lune pour passer pour un scientifique un peu perdu en dehors de son labo et de ses formules. Mais son camarade … Le garde qui assurait la sécurité grogna un peu, et la petite se tourna à nouveau vers lui.

… Oui, chauffe-eau. Et quelqu’un ici a commandé la livraison et l’installation d’un nouveau, du coup. Du très bon matos, d’ailleurs, une marque allemande … Vous pouvez me montrer où je suis supposée monter ça ? Emplacement qui normalement coïncide avec celui du chauffe-eau défectueux.
Je … Ne pense pas.
.. Pardon ?
D’une part, parce que personne ne nous a prévenu, moi et mes collègues, d’une quelconque livraison de ce genre de matin.
Ah, ça c’est p’têt parce que je suis en avance, j’ai eu créneau qui s’est libéré dans mon agenda ce matin. Je devais probablement passer demain ou ap-
Et aussi parce que je n’ai pas vu le moindre disfonctionnement dans nos chauffe-eau. Et personne n’a mentionné d’installation comme celle que vous voulez opérer.

La petite tueuse soupira … Et tendit sa facture. Cette dernière était bien entendu fausse, et fabriquée par un des contacts de la mercenaire, qui s’était au passage beaucoup amusé à la remplir. Mais elle était basée sur un vrai template, et à moins d’en comparer les chiffres inscrits –comme le numéro de série du chauffe-eau- avec ceux de la base de donnée de l’entreprise à laquelle la cornue prétendait appartenir … Il était quasiment impossible de déceler la supercherie.

Nous sommes bien à la banque « Paradice Capital’s », 17 rue dos angelos ?
Et bien, oui, mais
mais j’ai une facture déjà payée, une adresse, et le matériel à installer. Le prenez pas mal hein, mais je crois juste que votre boss a oublié de vous tenir dans la boucle.
… Vous savez quoi ? J’vais l’appeler.

Le garde de sécurité semblait de plus en plus irrité par la discussion, à tel point qu’il fouilla plusieurs de ses poches pour trouver son téléphone, sur lequel il pianota rageusement devant une plombière qui soupira d’ennui et s’accouda à ce qu’elle devait livrer. Cette dernière trouvait l’exercice … Amusant. Les témoignages du personnel de la banque et des clients suffiraient sûrement à l’identifier ultérieurement, mais aucun de ses méfaits ne serait enregistré … Et ses compagnons resteraient probablement entièrement anonymes. D’un coup d’œil, elle les vit assis dans des sièges, à patienter qu’un conseiller se libère pour eux, ce qui était une bonne chose. Ils n’avaient besoin d’interagir avec personne pour juste attendre. Au-dela de ça, le fait qu’elle ne soit pas juste bêtement en train de combattre aussi n’était pas déplaisant. Cependant, l’oreillette bluetooth qu’elle portait, qui était liée à un talkie-walkie dans une de ses poches, grésilla, et la voix du docteur indiqua que les hostilités pouvaient débuter. Un regard vers mister boum boum et AxLR suffit à confirmer qu’ils avaient reçu le message et étaient également prêts à passer à l’action, aussi la petite tueuse prit les choses en main, et fit basculer la caisse pour l’allonger sur le sol. Le garde, toujours au téléphone et attendant que son patron ne se libère, fronça les sourcils.

Qu’est-ce que vous faites ?
Hm ? Oh, je me suis dit que j’allais prendre un peu d’avance en ouvrant la caisse ici pendant que votre patron vous explique pourquoi vous n’étiez pas au jus. Même pas besoin de pied de biche pour ça, matez un peu.

Se servant directement de ses griffes osseuses, dont elle posa les pointes entre les planches de bois clouées ensemble, la petite tueuse grimaça légèrement … Et fit pénétrer ses doigts dans les interstices, les écartant de plusieurs centimètres. Puis, tirant d’un grand coup, elle arracha toutes les autres attaches, et souleva le couvercle de bois. Le garde, son portable toujours à l’oreille, se pencha en fronçant les sourcils … Puis avec une expression de perplexité qui s’intensifia rapidement. Il n’y avait pas la moindre trace de ballon chauffe-eau dans cette caisse. Juste des sachets de plastique remplis d’air utilisés pour les livraisons, une blouse, un masque à gaz … Et des armes à feu. Avant qu’il n’ait eu le temps de dire quoi que ce soit ceci-dit, la démone, qui tenait toujours le couvercle de bois dans ses mains, l’abattit sur le crâne de l’homme avec un « bonk » qui retentit dans toute la pièce. Elle déposa ensuite le couvercle sur la tranche à côté d’elle, tandis que le garde s’écroulait, et saisit le contenu de la caisse pour jeter leurs fusils aux deux hommes de main, qui avaient sortis et enfilés leurs masques à gaz.

Trois tirs d’arme de poing percèrent la planche de bois qui tenait debout à côté de la petite tueuse, lui tirant une grimace. Une des balles avait percuté son épaule, rebondissant contre cette dernière. Plongeant un bras dans la caisse, elle y saisit son propre « pistolet », et dégagea la planche sur le côté d’un balayage de sa queue pour viser les comptoirs. L’homme qui venait de lui tirer dessus s’immobilisa, puis recula pour se baisser et se mettre à couvert. La petite tueuse mit en joue … Et tira. Le bruit du coup de feu du barret gun résonna dans tout le hall de la banque. La balle, non contente de traverser le comptoir que visait la petite tueuse, transperça visiblement également l’individu qui se trouvait derrière, lui arrachant un cri. Activant de façon aussi sonore que démonstrative le levier de son arme, la petite tueuse jeta un regard aux alentours pour identifier les autres gardes … Pendant que « mister boum boum » tirait aux pieds d’un groupe de civils, qui quelques instants plus tôt faisaient la queue pour un guichet.

PERSONNE NE BOUGE, ET PERSONNE NE MEURT !
A terre ! Foutez-vous sur le sol et embrassez-moi ce putain de carrelage ! Bougez pas et personne ne sera blessé ! Vo- ACK !

La petite tueuse, qui jetait son bleu de travail derrière elle pour saisir la blouse de chimiste qui se trouvait dans la caisse, grimaça. Un tir au poitrail avait propulsé un des mercenaires à terre, même s’ils avaient eu la bonne idée de venir avec des gilets balistiques. Leurs ventres proéminents les avaient un peu aidé à les dissimuler, d’ailleurs, vu que les gilets ne déformaient pas vraiment leur silhouette … mais ce n’était ni le moment ni l’endroit pour penser à cela. Un autre tir percuta la caisse juste à côté de Vergetelheid, lui envoyant une volée d’échardes et de sciure de bois dessus. Pestant dans sa langue supposément maternelle, la petite tueuse avisa l’origine probable du tir, et pivota sur elle-même, frappant l’objet de bois avec sa queue. Le coup défonça une des parois et envoya le conteneur voler à travers la pièce et se crasher avec violence à environ une douzaine de mètres de là, juste à côté du garde qui venait de tirer. Un des dolfs tira une rafale avec son arme, forçant les gardes –et un ou deux civils à l’origine paralysés par la soudaineté des évènements- à se mettre à couvert. L’autre se traîna comme il put derrière un pupitre pour éviter de se prendre un autre tir, en laissant des traces de sang derrière lui : visiblement, il avait été touché à un endroit qui n’était pas protégé.

Un ou deux tirs sifflèrent à une proximité désagréable de la petite tueuse, la recentrant sur l’individu qu’elle avait visé. Une roulade lui avait permis de se mettre hors de portée de l’attaque, et il en profitait pour répliquer … Mais en distribuant ses balles comme des bonbons, sans prendre le temps de viser. Ce que la petite russe aurait fait sans hésiter si quelqu’un n’avait pas ouvert une porte d’un coup de pied. Un autre garde, plus âgé et ayant clairement l’archétype d’une « sale gueule », qui brandit un pistolet-mitrailleur Thompson et se mit à arroser la cornue avec. Levant un bras devant son visage pour se protéger les yeux, elle se ramassa sur ses appuis, et prit une impulsion pour bondir. Plutôt que de se déplacer en ligne droite, elle fit trois, quatre sauts latéraux pour réduire à néant la distance entre elle et son adversaire qui, s’il la touchait occasionnellement, gaspillait tout de même la majeure partie de son chargeur tambour. Ceci dit, la façon dont ledit chargeur était rempli à ras-bord était faite pour compenser un éventuel manque de précision … Mais dans le cas présent, ce n’était pas suffisant. Pivotant sur elle-même lorsqu’elle arriva à proximité, la tueuse frappa la chicago typewriter de sa queue, et se réceptionna souplement juste devant le mafieux, qui regarda son arme à feu, puis la petite brute. Il recula le poing comme pour frapper, mais fut plus lent que son adversaire, qui raidit ses doigts à l’extrême et en plongea les extrémités pointues dans la cuisse qui lui faisait face. Si la largeur de ses doigts ne rendit pas la pénétration facile, leur forme, un peu similaire à celle d’un harpon, rendit l’extraction d’autant plus sonore, salissante, douloureuse … Et aggravas d’autant plus les blessures déjà causées. L’homme hurla de souffrance et tomba à genoux, pour se recevoir un coup de tête qui acheva de lui faire perdre connaissance. La petite mercenaire n’avait pas encore enfilé son masque à gaz, préférant éviter qu’il encaisse un tir, mais elle s’était légèrement retenue : le crâne du mafieux était encore sûrement intact. Ou en tout cas, pas réduit en mille morceaux.

Un objet métallique particulièrement dur la surprit dans son angle mort, et lui percuta la pommette de la joue. Assez fort pour que ce soit très douloureux, et qu’elle n’en tourne la tête sur le côté. Se tournant vers ce qui l’avait frappé, elle vit le garde de tout à l’heure, qui avait visiblement renoncé aux armes à feu en voyant leur manque d’effet. Il lança son autre poing, sur lequel la tueuse perçut un éclair doré. Des poings américains. Plutôt que d’esquiver l’attaque, qui visait cette fois son front, la petite tueuse se contenta de baisser la tête de façon brusque. Une de ses cornes percuta la main qui s’approchait de son faciès, la déviant de sa trajectoire vers le bas. Loin de se laisser déstabiliser complètement, le mafieux prépara son autre poing, en même temps que la petite mercenaire. Là où lui tenta de lui mettre un crochet, elle visa avec précision son poing à lui, et … Frappa ce dernier. La différence fondamentale était que là où lui portait un objet d’acier qui entourait et protégeait ses doigts, la petite tueuse avait, via son alter, progressivement fait muter ces derniers pour que des protubérances osseuses méchamment résistantes partent de ses premières phalanges. Dans la mesure où ses os étaient assez solides pour défoncer du métal, autant dire qu’elle frappait, du coup, sans vraiment se retenir. Le choc émit un bruit métallique, et quelque chose craqua. La paume du mafieux. Qui se paralysa en sentant l’intérieur de son poignet broyé par le choc qu’il venait d’encaisser.

La tueuse tenait toujours son barret gun dans l’autre main. Elle avait préféré être sure que les tirs de Thompson la visent, et c’était à l’origine pour cela qu’elle avait foncé au corps à corps avec son premier adversaire … Mais la douleur dans sa joue l’irritait, aussi leva-t-elle son arme pour la pointer sur l’homme devant elle. Un instant, elle songea à l’arrêter au milieu de son torse … puis se décala un peu, et pressa la détente. Le choc lui secoua et compressa tout le bras, à un point douloureux. Tirer à une main était toujours une mauvaise idée. Mais le résultat en valait la peine. La balle traversa et disloqua l’épaule du jeune homme, le faisant légèrement décoller du sol avant de chuter à terre.

Elle prit enfin un moment pour respirer. Puis avisa le reste de la banque. Un, deux … Elle avait neutralisé trois gardes. Et un caisser … Mais la première personne qu’elle avait assommé n’était plus là, et elle n’avait pas vu ce qu’elle avait fait à l’individu sur lequel elle avait tiré à travers le comptoir. D’ailleurs, elle vit un tir ricocher contre le mur, non loin de là où se trouvait mister boom boom.

Le périmètre est pas encore totalement sécurisé doc, et j’ai besoin de soin ! Si vous pouvez nous venir en aide, ce serait pas mal, histoire qu’on puisse proprement se mettre à inspecter la banque ! On a encore au minimum 3 hostiles ici.

La tueuse grimaça. Le volume de son oreillette était réglé un peu fort. Mais le dolf avait fait un très bon résumé de la situation. Elle avait encore du boulot.

*Ce même matin, avant l'ouverture de la banque*

Les employés les moins recommandables de la banque se concertent comme à chaque ouverture pour recevoir les directives même si la plupart du temps, ils s'en tiennent à leurs postes habituels. Ils sont cinq, ce sont les cinq repentis à la solde de mafieux qui ne sont pas tous enclin à la rédemption, tout ce qui les lie, c'est leur salaire. On le remarque rien qu'à l'ambiance ; quatre sont alignés en un rang plus ou moins discipliné pendant que le cinquième plus vieux avec sa visière verte de croupier passe en revue ses hommes et leurs tâches.

(LINGUINI)"... Lino et Butch, fermez-là un peu ! Vous pourrez vous mettre sur la gueule CE SOIR. Vous avez bien géré jusqu'ici, foirez pas vos payes les gars. Vous restez dans le hall principal et vous me fumez tout ce qui a un comportement hostile de près ou de loin.
(LINO) On surveille cette banque depuis des mois maintenant, y se passe jamais rien ici !
(BUTCH) Pour une fois, chui d'accord avec lui mon Oncle. Mais bon on va pas cracher sur du fric donné, non?
(LINGUINI) Rien à foutre de vos petits sentiments, vous avez un job, vous le faites. Faites comme Cutter plutôt, il discute pas les ordres lui au moins ! Sachez également que si quelque chose devait arriver, il a aussi pour prérogative de vous buter pour pas que l'ennemi vous interroge, prenez ça au sérieux.
(GIOVANNI) Ça a du sens, papi ! En même temps il parle pas des masses, même pas avec nous...
(LINGUINI) Ouais et toi comme tu parles trop, tu pointes ton nez seulement si t'entend du grabuge sinon, tu restes en planque !"

*Au présent*

Le grabuge, c'est justement le thème du jour. Serum et IEM avaient à peine terminé sur le toit qu'ils reçurent les communications graves de leurs équipiers au cœur de la mêlée. Ils semblaient déjà en difficulté si tôt dans la partie, mais Jenner ne s'en fait pas plus, il savait pertinemment à quoi il s'exposait en choisissant une main-d'œuvre peu chère. Mais sa simple présence en tant que leader de ce groupe permet de compenser drastiquement cet inconvénient ; ils peuvent se faire blesser, tant qu'ils ne meurent pas sur le coup ils peuvent encore être ramenés. Ils descendent donc prêter main forte à l'escouade de raid ; tout du long malgré le chaos qui s'est emparé de l'établissement, sous son masque à gaz, il est constamment en train de sourire comme s'il n'était pas conscient du grand danger dans lequel il mettait les pieds.
Bien sûr que la vie de criminel n'était pas de tout repos, bien sûr qu'ils prennent des risques ! Il le sait ! Mais en même temps, ce doux sentiment de force que l'on ressent pendant que les gars que l'on a soi-même recrutés charcutent de pas très honnetes travailleurs lui fait comprendre pourquoi on le fait. Son plan roule, le butin est à portée de main et pourtant l'opération commence à peine. Ils ont un temps imparti qu'il surveille grâce à une montre chronomètre, ainsi il peut garder leur avancée en tête.

Ils arrivent donc sur la grande scène principale là où ils se rendent compte des dégâts déjà provoqués en si peu de temps. Quelques cadavres baignent dans un beau rouge sang, Vergetelheid tient une pêche démoniaque. Cyril balaie l'endroit du regard et est excité en voyant une main littéralement pulvérisée. Un frisson le parcourt et avec entrain, il va vers les blessés en demandant un tir de couverture à IEM. Comme s'il était dans les tranchées, il s'est accroupi à couvert pour planter ses seringues sans tact dans le corps de son allié. Ils ne sont pas bien gravement blessés, cela prendra une minute trente le temps qu'ils soient de nouveau sur pieds. Pendant ce temps là, il est d'humeur à participer à la sauterie même si de base, il pensait éviter les affrontements. Ce doit être l'effet de groupe, ou alors il veut se montrer bon leader en étant sur le terrain avec ses hommes au lieu de se cacher derrière eux. Il calcule avec minutie la situation : un homme recouvert de bandages et à l'allure dangereuse fonce vers la petite Teigne avec ce qui semble être des coupe-cigare, pendant ce temps, derrière un comptoir, on peut observer quelque chose d'inhabituel ! Des sous-fifres en sortent et se montre en nombre, comme un tas de clown sortant d'une petite voiturette ! Le scientifique se dit qu'il devrait aller voir, que ce point de spawn devait être impérativement bouché, mais alors qu'il voulait s'avancer, un énième mafieux fait irruption d'en haut, posté sur une mezzanine où il était caché tout ce temps.

Il sort deux revolvers personnalisés et, comme dans un film d'action, se met à mitrailler. Seulement, ses tirs sont inhumainement précis ! À vrai dire, ils sont comme des missiles à tête chercheuse et chassent le médecin qui menaçait leur défense. Cyril a du mal à s'évader et plonge à nouveau derrière l'abri où il venait de prodiguer des soins, laissant les balles poursuivantes finir leur course dans le bois.

"Ce type là haut, ce n'est pas un tireur d'élite ordinaire. On dirait qu'il altère la trajectoire de ses tirs. il informait les Dolfs en train de régénérer et IEM. On doit l'arrêter si on veut continuer à avancer, toi, tiens toi prêt ! On va leur montrer ce que c'est, une équipe !
- Sortez de vos cachettes, personne ne peut échapper à mes tirs !" il se la pète en tirant encore et encore.

Quand il l'entend recharger, Serum surgit de l'abri et court aussi vite qu'il peut et attire ainsi l'attention de Giovanni le tireur expert.  Celui-ci a l'air de tellement s'amuser ! Il enchaîne les salves et ne se rend même pas compte de l'intention du médecin visiblement plus intelligent que lui ; Cyril servait de distraction et avait couru près de Cutter qui, lui, voulait se concentrer sur Vergetelheid qu'il devait sûrement reconnaître comme la plus grande menace ici. En courant ça et là, il avait vérifié une hypothèse : Giovanni ne contrôle pas activement la trajectoire de ses balles, celles-ci suivent automatiquement une cible, comme une sorte de verrouillage. Dans son jeu dangereux, Serum prit deux balles dans le bras mais en échange en laissait deux autres percuter Cutter en un dommage collatéral important.
Serum pensait se servir du tireur pour se débarrasser du psychopathe mais son plan fut contrecarré par une variable inconnue : Endorphin, l'Alter dudit psychopathe. Blessé mais non affecté, le type continuait de combattre comme si de rien était.

*Désolé Vergetelheid, au moins j'aurais essayé... À toi, IEM !*

Alors qu'il avait déporté l'attention ailleurs, son Dolf préféré avait dégainé une lunette de précision et, profitant du temps gagné par Serum, avait décoché un magnifique tir en pleine tête. Les lunettes de Soleil se sont brisées en plein milieu entre les deux yeux et tombèrent en contrebas au niveau du champ de bataille alors que la cervelle du tireur repeignait le mur derrière lui.

"Vous les amerloques vous avez une façon bien étrange de tirer.. On arrose en priant le ciel de faire mouche ? Pfeuh." lâchait l'IEM ambulante laissant aux entendeurs le loisir de capter une information triviale : il est britannique et s'oppose globalement aux USA.

Bon, il avait pensé faire d'une pierre deux coups mais puisque Cutter est encore debout, on se contentera d'avoir eu Giovanni. Les forces adverses s'amenuisent tandis que le gang de chimiste se relève ; les Dolfs blessés sont eux-mêmes surpris de ne pas voir même une petite cicatrice de leurs précédentes blessures alors que le Sérum finit de faire effet.

En même temps, ses propres blessures commencent à émettre de la fumée pendant que ses cellules se régénéraient également : non immunisé contre les composants de son sang, en remplissant ses veines de sérum guérisseur il pouvait entamer une auto-régénération qui laissait les autres stupéfaits.

"Tombez autant que nécessaires, camarades. Tant que je serais là, vous ne pourrez que vous relever plus fort ! Alors allons-y ! Montrons leur de quoi est remplie la Pharmacie !!" encourageait-il alors que ses alliés en confiance repartent au combat encore plus chauds que quand ils sont entrés la première fois !

Il restait donc Cutter et Linguini, planqué derrière son guichet, il envoyait des clones sans arrêt pour tenir les braqueurs occupés. Le bougre n'osait pas vraiment se montrer mais sa loyauté envers la familia lui oblige, il glisse timidement la tête hors de couverture et rallie à son tour ses troupes faiblissantes :

"Servez la Famille avec vos vies !! Ils ne sont que cinq et nous sommes des centaines, l'échec n'est pas une option !! Réglez son compte à celui aux seringues, on verra s'il sait guérir d'une pluie de balles !"

Et là, confirmant la nature de son Alter, un gros escadron de simples gardes en costume noir apparaissait comme par magie et focalisait son attention sur Cyril. Un alter de clonage efficace pour tenir une position, mais la tactique "tuer le soigneur en premier" c'est le plus vieux tour du livre ! Le vieil homme concentré dans la manipulation de ses répliques est attaqué par des explosifs. Detonator était en colère, fâché d'avoir été berné par des doubles sans aucun poids ; d'abord Vergetelheid puis lui-même avaient pourtant confirmé à tour de rôle un tir sur sa personne mais puisqu'il est encore là, indemne, on en déduit qu'il s'était dupliqué pour tromper les mercenaires. Ce genre de malins se cachent dans la foule pour dissimuler leur inaptitude au combat direct et face à un gaillard agressif tel que le Dolf aux explosions appuyé par son frère d'armes le Dolf glissant, il n'avait aucune chance de survie.

Pendant que ses camarades lui faisaient de la place, Cyril et IEM se sont dirigés dans le couloir qui mène à la salle du trésor. Grâce à ce Dolf là, les sécurités supplémentaires ont été levées, pas de détecteur laser, ni de tourelles automatisées, la voie est littéralement libre. Le seul problème vient faire vibrer l'avant bras de Jenner : son chronomètre. S'occuper de Giovanni et de Linguini leur a fait perdre un temps précieux, les renforts sont sur le point de faire leur entrée fracassante et alors que Ver' et Detonator ont encore des forces à revendre, Serum doute qu'ils puissent tenir longtemps face à plus d'ennemis !

"Boom Boom, on aurait besoin de toi pour ouvrir le coffre !
- Boss, il en arrive de tous les côtés !! Les renforts sont en avance !!
- Tsch.. ce foutu croupier, je me demande s'il n'a pas exfiltré un de ses doubles au début de l'attaque pour aller chercher les autres..! Ça ne fait rien. rapidement, il formule un petit plan d'urgence qui ne sert qu'à gagner encore une minute : AxLR utilise ton alter et accompagne Boom Boom jusqu'au coffre !
- Et Ver'?! Elle est balèze mais elle s'en sortira pas seule !
- Je viens vous remplacer auprès d'elle, ne vous en faites pas ! Tous les trois, videz le coffre, Ver' et moi nous allons les retenir !

Ils acquiescèrent et mirent à exécution les nouveaux ordres ; Cyril a pu voir une longue traînée visqueuse se former dans le couloir et les deux Dolfs restés dans le hall glissaient dessus à toute vitesse pour rejoindre le troisième membre de leur groupe. Sur le chemin, quand il les a croisé, Serum leur adressait un regard plein de confiance qui signifiait "Vous pouvez le faire" et ils le lui retournaient, leurs yeux criant "OUI!!" dans les cœurs de tous ces joyeux malfrats.

En arrivant dans le hall où il avait laissé Ver' se charger de Cutter, il remarquait les nouvelles têtes. Un type énorme ravageait déjà l'endroit avec une force surhumaine tandis qu'une diva blonde sautait de partout en mitraillant, révélant des flingues dans ses chaussures à talons ! Il y avait deux autres hommes, l'un avec un turban et l'air fortement oriental et un autre, plutôt pâle qui tenait une lame de rasoir aiguisée. Les renforts n'ont pas l'air de plaisanter. Mais ils arrivent à point nommé ! Toujours avec un œil sur son timing il criait à la petite tueuse :

"Besoin de soins, Ver' ? On doit les contenir ici, encore trente petites secondes et après ça, je te prierai de le mettre !"

Et il parlait évidemment du masque à gaz, car sa bombe chimique était sur le point de répandre son parfum mortel dans les conduits. En les contenant dans ce hall, il s'assurait que tous en prenne une bonne bouffée. S'il avait fait demi-tour d'ailleurs, c'était davantage pour être en première loge au moment du déclenchement que pour soutenir la teigne. Bon, aussi forte soit-elle, elle aurait eu du mal à tenir tête à ce beau monde mais le gentil Docteur se souciait de ses bons alliés, proposant ses soins au cas où elle commençait à fatiguer. En effet, les sérums de Jenner peuvent servir à guérir de blessures externes mais peuvent aussi revitaliser un corps, reconstituant l'endurance de la cible en cas de coup de mou.

Il voyait la cavalerie définitivement fâchée voulant étaler les tripes des attaquants de la banque sur une tartine grillée, il se tenait prêt à contribuer aux efforts pour les garder en joue avec le fusil d'assaut récupéré d'un corps ennemi.

Résumé:

Savoir reprendre son souffle et calmer les palpitations de son cœur était un exercice compliqué, en plein combat. Pourtant, au niveau auquel se trouvait la mercenaire cornue, c’était une nécessité. Pas juste parce que son corps, d’une puissance phénoménale et en conséquence extrêmement énergivore, ne lui autorisait pas de rester « à plein régime » pendant très longtemps. Pas sans conséquences, en tout cas. Mais même au-delà de ça … Elle avait besoin de s’empêcher de céder à ses pulsions, à la rage, à la fièvre du cœur de l’action qui aveugle, fausse le jugement et fait perdre de vue le ou les objectifs. C’était une question de professionnalisme. D’instinct de survie. Le fruit de l’expérience, et de certains de ses apprentissages. Expirer profondément pour expulser la violence qui agitait l’esprit, afin de réaffirmer l’emprise sur le corps. L’opération n’avait pris qu’un instant. Au terme duquel la tueuse avait reçu deux tirs dans le dos, et avait lutté comme elle pouvait pour que cela ne réduise pas instantanément à néant le travail qu’elle venait d’effectuer.

Plutôt que de pivoter tout de suite vers l’origine des tirs ou de se mettre à couvert, elle se focalisa sur les blessures. Mineures, voire inexistantes. Du petit calibre, elle n’était donc pas en danger … Tout au plus aurait-elle quelques bleus dans les heures qui allaient suivre. Se retournant donc vers l’origine des tirs, elle regarda droit dans les yeux le mafieux qui lui avait ainsi maltraité les omoplates. Ce dernier, légèrement choqué, raffermit sa prise sur ses deux pistolets. Ce geste, même s’il était difficilement perceptible, déclencha aussitôt les réflexes de la mercenaire, qui leva un avant-bras pour le placer entre ses yeux et l’attaquant : un instant plus tard, une balle lui percutait la paume, l’autre, le torse. Baissant la main une fois de plus, elle plongea à nouveau son regard dans celui de son adversaire. Ce dernier comprenait clairement qu’il n’était pas équipé pour l’arrêter elle, et que les tirs dont il avait cru qu’ils l’avaient raté, un peu plus tôt, avaient en réalité été encaissés sans difficulté par la tueuse. La prochaine étape de sa réflexion aurait pu être qu’il était, du coup, à son tour en danger, mais avant que la cornue ne lui bondisse dessus, elle perçu un mouvement sur son flanc, et se recula brusquement pour éviter un coup de pied qui, sinon, lui aurait percuté le visage. Elle ferait sa fête au pistolero un peu plus tard. Lui aussi sembla se désintéresser de la tueuse, alors que le docteur sérum et l’homme qui opérait avec lui (IEM ? Quelque chose de ce genre ?) venaient d’arriver pour fournir des renforts.

L’analyse du terrain et des forces en présences n’était cependant plus la priorité de la mercenaire, qui esquiva de justesse une autre attaque en détaillant son adversaire. Visage couvert de bandages. Ses armes semblaient être des … coupes cigare ? Étrange. L’œil complètement fou. Un autre chien de combat qui avait perdu toute trace d’identité, et qui ne savait plus faire que deux choses : suivre les directives et mordre. La mercenaire pouvait difficilement juger le type pour ça. D’une part parce qu’elle savait très bien que ce genre de choses n’arrivait pas de façon intentionnelle … Et d’autre part parce qu’elle avait été dans une situation très similaire. Ça ne voulait pas dire qu’elle avait la moindre envie de le laisser la blesser d’une façon ou d’une autre. Levant son « pistolet » fusil en profitant d’un temps de battement dans les attaques du mafieux, elle pressa la détente, et sentit le recul de l’arme lui comprimer douloureusement le biceps. Elle allait finir par vraiment se blesser, à tirer à une main ainsi. Sans effet cependant : Cutter s’était penché vers l’arrière avec une promptitude surprenante avant même que le tir ne parte, et dès que la petite avait été légèrement déstabilisée par le recul de son arme, il avait immédiatement contre-attaqué. Elle avait presque senti le coupe-cigare passer sur son oreille pointue, mais avait pivoté et frappé son torse avec sa queue avant de le laisser agir. Visiblement sans effet : il vola un, peut-être deux mètres en arrière, et se réceptionna en grognant avant de lui foncer dessus aussi sec en sortant un poignard de sa veste.

Le problème du barret gun, outre son impossibilité à être utilisé par un humain normal, était son mécanisme de fusil à levier. Certes, toute l’énergie de chaque munition était utilisée, les rendant encore plus brutalement puissantes que sur le fusil d’origine … Mais l’arme ne pouvait par conséquent pas tirer en semi-automatique. Dans un combat quasi au corps-à-corps comme celui-là, cela voulait dire qu’elle n’allait probablement pas avoir l’opportunité d’enclencher une autre balle pour un second tir. Alors la tueuse laissa son arme pendre en bandoulière contre son torse, se libérant du même coup les deux mains pour commencer à sérieusement riposter. Sauf qu’à défaut d’utiliser des armes conventionnelles, son adversaire avait une fâcheuse tendance à esquiver les coups, sa vitesse de réaction semblant surclasser celle de la mercenaire. Il avait également plus de portée, mais ça à la limite c’était classique. La seule attaque qui atteignit sa cible fut un large coup de griffes qui provoqua trois entailles légères mais longues sur l’une des cuisses du mafieux, qui pour répliquer mit un coup de paume directement dans le visage de la petite brute. Cette dernière encaissa le coup avec une grimace : ce n’était pas très douloureux, mais même si elle n’avait plus de nez à proprement parler, c’était désagréable. C’est à peu près à ce moment-là que le docteur Serum passa juste à côté d’elle, et sembla leurrer la trajectoire de deux balles qui percutèrent le mafieux. Ce dernier jeta un œil au pistolero sur la mezzanine, grognant de mécontentement … Mais se remit l’instant d’après à combattre comme si de rien n’était. Plissant les yeux, la tueuse se mit à esquiver frappes et balayages sans riposter, perplexe.

Il avait encaissé une frappe directe, les déchirures à la cuisse, et les deux tirs … Mais son jeu de jambes n’avait pratiquement pas changé. D’une série de bonds vers l’arrière, la petite tueuse se mit hors de portée et se percha sur un ATM, plissant les yeux. Non loin, l’espèce d’as de la gâchette du dimanche se prenait une balle en pleine tête, agrémentée d’un commentaire (particulièrement superflu de l’avis de la tueuse). Et l’autre momie qui se jetait à nouveau sur elle en sprintant … Il pouvait régénérer les blessures ? Probablement pas, vu la quantité de sang qui tâchait son pantalon et gouttait sur le sol derrière lui. Donc, il courait avec au moins deux hémorragies et des côtes fêlées … Un autre point qu’elle remarqua dans la brève fenêtre que lui laissait son adversaire était la présence d’un nombre important de papis qui sortaient de derrière les comptoirs, armes à la main, avec la ferme intention de mettre du plomb dans le crâne des dolphs. Pas de la bonne façon.

Bondissant de l’ATM en broyant légèrement le dessus de ce dernier lorsque le malfrat tenta de la faucher à coup de couteau, la petite tueuse pivota en l’air en reprenant son fusil, activa à moitié le levier pour éjecter la douille refroidie de son précédent tir, s’en saisit en plein vol et retomba en fracturant le carrelage. Rangeant le petit tube de métal dans une poche, elle acheva d’activer le levier, épaula à peine, et tira. La balle traversa au moins quatre des vieillards, les faisant partir en fumée. Lâchant l’avant de l’arme pour actionner le levier et éjecter la cartouche à nouveau, la petite tueuse la saisit également au vol d’un geste vif et adroit. Elle était brûlante. Pivotant sans s’en soucier, elle la balança sur Cutter, dont l’envie de la trucider n’avait pas baissé d’un iota et qui lui fonçait dessus à nouveau. N’ayant pas mis beaucoup de force dans son jet, elle ne s’attendait pas à beaucoup de résultat, mais le fait qu’il ignore parfaitement l’impact, sans même un recul par réflexe, confirme la théorie de la tueuse. Le mafieux n’a aucun instinct de préservation : il n’esquive les coups que de façon calculée, parce qu’il sait qu’ils le handicapent et l’empêcheraient de mener sa mission à bien. Mais s’il pouvait quand même être blessé … Cela voulait dire qu’il ignorait juste la douleur. Ce qui n’était en général pas une bonne idée.

Le mafieux tenta de la poignarder au visage, mais plutôt que d’esquiver, elle inclina la tête vers l’avant, faisant en sorte que la lame percute une de ses cornes. Le choc déstabilisa l’homme de main, qui aurait aussi bien pu tenter de planter son couteau dans un mur, et dévia totalement son bras de sa trajectoire initiale : la tueuse miniature en profita pour se propulser vers l’avant, cornes en premier. Si ces dernières ne parvinrent pas, comme elle le désirait, à empaler sa cible, elle sentit très clairement une des pointes affûtées déchirer chemise, chaire, et veste. Préférant continuer sur au moins trois ou quatre pas avant de s’immobiliser histoire de ne pas prendre un coup dans le dos, la tueuse se retourna pour constater avec satisfaction qu’elle avait causé une large entaille de plus sur le torse de son adversaire, qui se tournait vers elle avec un énervement qui semblait décuplé. Mais plutôt que de revenir le confronter directement, elle laissa échapper un ricanement, serra la bande qui tenait son fusil autour de son torse pour mieux le maintenir en place, et … Se mit à 4 pattes.

ça te dit quelque chose, le « beast style » ?

Aucune réponse. Sans surprise. Mais elle ne s’en offusqua pas, et se contenta de se repousser des quatre membres vers l’arrière lorsqu’il tenta à nouveau de lui planter son couteau dans le faciès. Mais plutôt que de contre-attaquer, elle se mit à engager une étrange danse avec son adversaire, consistant à se déplacer de façon erratique et imprévisible, et quasiment toujours à 4 pattes. La petite tueuse, qui ne rendait plus les coups que Cutter essayait de lui donner avec un mal croissant, passait plutôt son temps à sauter sur des clones, qu’elle poignardait de trois ou quatre sets de griffes à la fois avant de passer à la cible suivante. Son adversaire, qui la poursuivait avec difficulté, reçu d’ailleurs une copie ou deux en pleine figure avant que ces dernières ne disparaissent : la tueuse glissait entre les jambes, courrait sur les meubles et murs et bondissait sur les gens comme un félin … de plus de 200 kilos. Sa queue, à plus d’une reprise, percuta d’ailleurs des adversaires qui ne s’y attendaient pas, et une des attaques de Cutter fut récompensée par un coup de griffe d’estoc en plein milieu du mollet, en plus d’être un nouvel échec. Pendant que deux des mercenaires faisaient la peau au vieux haut gradé qui envoyait son armée de doubles au combat, la tueuse s’assurait que le nombre de doubles en question reste plutôt bas, tout en occupant le chien fou de la mafia, qui perdait progressivement en efficacité. Du moins, jusqu’à ce qu’elle ne décide de cesser de jouer avec lui, et ne lui frappe la main qui tenait son poignard du bout de la queue. L’instant suivant, elle lui donnait un coup de boule dans le torse qui, à défaut de faire des dégâts conséquents, fut tout de même assez puissant pour lui couper le souffle et l’envoyer à terre. Il tenta de se relever … sans succès.

Tu sais, tu devrais vraiment penser à te retirer, si tu vois qu’un combat s’éternise et que tu n’as pas réussi à prendre l’avantage. C’est même pas une question de compétences ou autres … mais si tu n’avais pas remarqué, là tu as dû répandre un litre et demi de sang partout sur le sol de la banque, et je ne suis pas certaine que tu garderas tes jambes. M’enfin. Assise comme un chat non loin du criminel, la petite tueuse se tourna vers la porte d’entrée, qu’un quartet haut en couleurs défonça presque pour entrer en scène. Relevant les fesses, elle souffla par le nez en se préparant à recommencer à courir. Si tu survis, quoi.

Lorsque le docteur Sérum revint dans le hall principal de la banque, il y régnait un joyeux bordel. Profitant de ne pas avoir attiré l’attention tout de suite, la petite tueuse avait tiré sur un des nouveaux mafieux – le plus couard du groupe – qui se tordait de douleur par terre, et ses collègues essayaient de le lui faire payer … Sans succès. Elle galopait entre les jambes, sautait et rebondissait contre les parois, s’accrochait dans des endroits improbables en ancrant ses griffes dans la pierre, et de manière générale, elle se montrait insupportable et très difficile à toucher. Le tout, bien sûr, en les invectivant afin d’attirer au maximum l’attention sur sa personne. Elle-même n’avait cela-dit pas une marge de manœuvre énorme pour contre-attaquer : le costaud (qu’elle aurait volontiers affronté en combat singulier) était en permanence couvert par des sortes de vagues d’air tranchantes, et la folle furieuse aux multiples armes à feu était pratiquement aussi mobile que la petite terreur.

Aucun d’entre eux ne semblait capable d’atteindre la russe avec leurs attaques de façon régulière, les dégâts qu’ils infligeaient étaient au pire légers, et au final ce combat à 3v1 ressemblait plus à un genre de danse étrange et mortelle qu’autre chose. Les paroles du docteur parvinrent aux oreilles de la tueuse au moment où cette dernière sautait par-dessus un coup de poing qui pulvérisa le mur derrière elle : sans attendre, elle se réceptionna sur le bras de son adversaire (qui pencha lourdement vers l’avant), se servit de ses griffes pour se projeter vers l’avant par-dessus son épaule, et lui frappa le dos des deux pieds pour se propulser en l’air en faisant un petit saut périlleux. Activant son com’ d’une main, elle se mit à parler en continuant d’esquiver les attaques que lui balançaient les deux mafieux à distance.

Noté. Perso, je conseillerais à tout le monde de se boucher les oreilles d’ici 5 secondes.

Aussi bien Sérum que les Dolf avaient pu entendre son message grâce à leurs radios, mais histoire d’éviter de griller leurs oreillettes, la démone coupa la sienne alors qu’elle roulait sous un bureau renversé avant de bondir vers l’entrée de la banque. Comptant dans sa tête, elle rebondit pour esquiver deux tirs, saisit une chaise avec sa queue et la lança sur la « lame » d’air qui fonçait dans sa direction, se remplit les poumons à pleine capacité … Et bondit au milieu du groupe en arrivant à 0.

« Le cri » était une des techniques les plus … « primitives » de la petite tueuse. Contrairement à nombre d’autres mouvements spéciaux, elle ne pouvait pas vraiment crier le nom de sa technique avant chaque utilisation, puisqu’elle avait besoin de tout l’air disponible pour … Crier, justement. A plus d’une reprise dans sa vie, la petite tueuse s’était cassée la voix. A chaque fois, ses cordes vocales n’avaient pas juste guéri : elles s’étaient renforcées, la rendant capable de supporter des efforts plus conséquents. Et dans la mesure où la musculature générale de la petite tueuse s’était renforcée bien au-delà de ses limites normales, elle était devenue capable de crier de plus en plus fort. Jusqu’à atteindre un palier entre 125 et 130 décibels. Assez pour atteindre un seuil de douleur, déstabiliser les oreilles internes de ceux qui se tenaient trop près d’elle, et probablement paralyser tout ce qui bougeait dans la pièce. La réverbération contre les murs de la pièce n’aidait d’ailleurs pas le son à se disperser, rendant les 3 ou 4 secondes que la petite brute mit à se vider les poumons d’autant plus insupportables. La pistolero voltigeuse, qui était en plein milieux d’un bond lorsque le cri avait commencé, s’était mal réceptionnée et avait roulé par terre en se tenant les oreilles, la grosse brute avait de son côté mis ses deux énormes paluches sur son crâne et grognait de douleur – même si c’était quasi-inaudible.

Seul l’autre amateur de découpe –cutter était toujours à terre- semblait garder un tant soit peu de mobilité, bien qu’il soit aussi grimaçant : pendant que la petite brute hurlait, il trancha d’un coup de rasoir l’articulation d’un massicot qui se trouvait sur le bureau d’un employé, affuta ce dernier de son alter, et se jeta sur la petite brute dès qu’elle eut fini d’expirer. Voyant l’attaque venir de loin, la mercenaire se saisit de son fusil, et dévia la lame en la frappant sur le côté avec le dessus de l’arme. La manœuvre fut un succès, même si elle causa une légère encoche dans l’arme à feu, au grand déplaisir de la petite tueuse qui frappa son adversaire au menton avec la « crosse » de son arme. Ce dernier tituba quelque peu, lâchant son arme : aussitôt, la naine cornue se baissa pour lui saisir une jambe, et le balança comme un sac sur la gunslinger en train de se relever. Puis, d’un geste rapide, elle enfila son masque à gaz et s’assura que ce dernier était bien en place pour la suite des opérations. Beaucoup de monde allait probablement avoir les oreilles qui sifflaient, voir une légère perte d’audition pour les quelques heures à venir.

Comme de juste, à peine quelques instants plus tard (et alors que l’énorme masse de muscle avait chargé la tueuse sans succès et percuté une colonne de pierre), une détonation de faible intensité fit légèrement trembler le bâtiment, et subitement, l’air se mit à s’épaissir et à se doter d’une couleur qui n’avait rien de naturel. Dans la mesure où chaque membre du groupe avait reçu une protection respiratoire de plutôt bonne qualité, ce genre d’évènement ne surprit que très moyennement la mercenaire, qui se demanda tout de même si ce n’était pas un peu excessif d’utiliser des produits de ce style sur des civils terrifiés et à terre. Non pas qu’elle se soucie énormément de leur survie, mais un braquage sans dommage collatéraux était un braquage qui donnait moins de hargne aux forces de l’ordre. Cependant, si des quintes de toux commencèrent à se produire dans la pièce et que la petite tueuse nota clairement que le mastodonte (qui, à défaut de bien viser lorsqu’il chargeait, était persévérant) marqua une pause … Et bien, cette dernière fut de bien plus courte durée qu’escompté. Semblant presque ragaillardi, il poussa un hurlement de colère qui imitait, en substance à défaut d’en puissance, celui qu’avait poussé la tueuse naine un peu plus tôt … Et se remit à frapper comme une bête enragée. Gardant ses distances avec perplexité, la tueuse esquiva une, deux, trois droites, puis bondit en arrière avec assez de force pour s’accrocher au mur qu’elle percuta, à trois mètres du sol. Griffes ancrées dans le béton de piètre qualité, elle fronça les sourcils, ralluma son communicateur, et l’activa.

Doc’, je n’ai rien contre un peu de défi de temps à autres, mais vous êtes sûr que ça va aider de faire crever le plafond à l’agressivité de nos adversaires comme ça ? Mais alors qu’elle se préparait à esquiver une nouvelle attaque, mister rasoir se mit à charger son compagnon massif en criant de rage, lame brandie au-dessus de la tête. Le côté rectiligne, prévisible et plus qu’annoncé de son attaque lui apporta le résultat qu’elle méritait : une mandale qui le renvoya bouler au sol. … Okay, je retire ce que j’ai dit. Ça aide. Qu’est-ce qui se passe … ?

Hmmm, comme on dit, la violence est un langage assez universel.

Répondre à la remarque amusée de Sérum de cette façon était une méthode comme une autre de le laisser savoir que la petite tueuse était bien portante … Même si une oreille attentive pouvait déceler un léger côté rauque à son ton. Pas besoin d’un cerveau surdimensionné pour faire le lien entre cette légère difficulté à parler, et sa performance vocale de tout à l’heure. Ceci dit, la cornue était chanceuse, car elle allait avoir l’occasion de se taire désormais, aussi bien littéralement que par rapport à ce qu’elle venait de dire.

C’était une chose de terminer un combat. C’en était une autre de s’en extirper de justesse à cause de l’échec d’un plan ou d’un imprévu. Et c’en était encore une autre, en plein milieu des affrontements, de se reculer, de prendre (de façon figurative) un siège, et de regarder les affrontements continuer sans y participer … en étant indemne. Et cette troisième option était accompagnée d’un étrange sentiment de satisfaction pour la petite mercenaire, qui observait le combat auquel elle participait quelques instants plus tôt se changer en pugilat généralisé, sans camp ni règles. L’explication du docteur – qui débordait d’une fierté qui semblait des plus légitimes – apportait nombre de réponses aux questions que se posait la petite brute, justifiant ce capharnaüm brutal et désorganisé. Certains civils, auparavant terrifiés et planqués là où ils avaient pu se réfugier, se joignaient désormais aux hostilités avec une violence égalant, sinon surpassant celle des repentis qui étaient déjà engagés dans les affrontements. Des gens théoriquement alliés, et probablement même amis, se jetaient les uns sur les autres avec l’intention primaire d’achever leur cible … Et au milieu de tout ça, le groupe du docteur pouvait continuer de piller cette banque pratiquement sans inquiétude.

Enfin. Il restait bien sûr la possibilité qu’un enragé se jette sur eux. Ou que la police rejoigne les lieux. Ou d’autant plus de repentis. Accélérer le pillage du coffre n’était donc pas une mauvaise idée … D’autant plus que, malgré les bons soins du docteur, dire que l’équipe était « totalement indemne » était optimiste. Les Dolfs s’étaient à plus d’une reprise fait tirer dessus, il en allait de même pour Sérum, et ils n’avaient pas ménagé leurs efforts. Certes, ils avaient reçu des soins et stimulants qui leur permettaient de continuer l’opération. On pouvait globalement dire qu’ils allaient « bien », voir « très bien » vu les circonstances. Cependant, la fatigue mentale et physique n’était pas quelque chose qu’ils pourraient repousser éternellement, ou en tout cas, pas sans contrecoup. Si on avait inventé, ou trouvé un moyen de créer le super-soldat parfait, cela aurait fait longtemps que la petite mercenaire en aurait entendu parler …

Quant à elle, d’ailleurs … Elle n’avait pas été soignée, mais ses blessures étaient mineurs : quelques tirs d’arme à feu qui donneraient probablement des hématomes plus ou moins prononcés, beaucoup d’énergie dépensée qu’elle allait devoir compenser par un gros repas, et des cordes vocales endommagées qui allaient la piquer pendant quelques temps. « Plus résistant » ne signifiait pas « indestructible » après tout, et même si l’époque où elle se cassait la voix en criant était loin, la mercenaire subissait toujours un peu techniques qu’elle utilisait. Ce qui n’était pas étonnant : après tout, elle forçait son organisme ultrarésistant à traverser des conditions toujours plus extrêmes. Qu’il s’agisse de crier le plus fort possible, de se jeter de tout son poids sur une cible, ou d’apprendre à encaisser les coups pour que l’ennemi se fasse mal en frappant, elle n’était pas en manque de techniques autodestructrices. Mais comme à son habitude … elle allait juste se forcer à tenir le coup. Et puis bon. Elle avait vu franchement bien pire : selon ses standards, ce qu’elle avait subi pour le moment n’était qu’une balade dans un parc un peu hostile.

Voir le docteur dévier de ses explications pour passer à une phase d’observation accompagnée de prise de note surprit quelque peu la rouquine, qui se laissa tomber pour esquiver un siège projeté sur sa position. Non pas qu’elle n’avait pas confiance en lui pour surveiller ses arrières, mais il aurait été idiot qu’il prenne un mauvais coup par excès de confiance … Ceci dit, il était en communication radio permanente avec le groupe, ne semblait pas totalement déconnecté de son environnement au point d’ignorer les menaces immédiates, et si quelqu’un le blessait, il était dans une des zones les plus accessibles du bâtiment … La petite tueuse prit donc le parti de le laisser tranquillement étudier les effets de son produit, pendant qu’elle-même remplissait un autre objectif qu’elle s’était fixé la veille au soir. Se déplaçant aussi furtivement et promptement que possible, et devant administrer un coup de pied capable de pulvériser une porte de bois à quelqu’un qui se jetait malgré tout sur elle, la petite russe rejoignit une porte blindée qu’elle avait pu voir dans le chaos des minutes précédentes. Le mot « Sécurité : accès interdit » était marqué en lettre bleues sur fond blanc, juste au-dessus de l’encadrement. Pas de serrure externe : un dispositif électronique sur le mur contrôlait les badges, et n’ouvrait les verrous que pour quelques individus … dont les braqueurs étaient bien entendu d’office exclus. Ceci dit, à l’heure actuelle, il se contentait de cligner d’une façon laissant penser qu’il n’allait en théorie laisser passer personne. Soupirant en remuant une épaule pour l’échauffer légèrement, la petite démone se ramassa sur ses appuis, recula un de ses poing … Et frappa. Le « BAM » du montant d’acier, qui avait encaissé le choc sans faillir à sa fonction première mais en accusant un impact profond, ne couvrit pas un cri provenant de l’intérieur de la pièce. Fronçant les sourcils, la tueuse regarda la surface métallique … Puis leva les yeux, repérant la caméra la plus proche.

Ouvrez cette porte … Maintenant. Environs trois secondes d’un silence relatif, si on prenait en compte le hurlement à l’autre bout de la pièce de quelqu’un qui venait de se faire arracher l’oreille. Soit vous l’ouvrez, on pourra la refermer, et vous pourrez continuer à vous pisser dessus sans subir les effets du gaz … Soit je la défonce, et je vous assure qu’ensuite le gaz ne sera pas un problème. Dernier avertissement.

Encore une paire de secondes … mais visiblement, la terreur n’était pas toujours incompatible avec la sagesse, et le lecteur de badge émit un « bip » satisfaisant alors que le battant s’entre-ouvrait. Tirant sur la poignée pour ouvrir la porte en grand en écoutant le reste de sa team réviser un peu le plan d’action, la tueuse rentra dans la salle sécurisée sans se faire prier, claquant la porte derrière elle. Vu le cri qu’elle avait entendu plus tôt, elle ne s’était pas attendu à un autre monsieur muscle … Mais même par rapport à ses attentes, la vision était … décevante. Une gamine. Enfin. Une gamine qui allait probablement au lycée ou à l’université, et à qui on avait fait enfiler un gilet pare-balle trop grand avant de lui donner un talkie-walkie et de la coller à la vidéo-surveillance de la banque. L’un dans l’autre, ce n’était pas une si mauvaise décision : pas besoin de quelqu’un d’extrêmement qualifié pour regarder des moniteurs et donner l’alerte si quoi que ce soit sonnait louche … à côté des multiples écrans se trouvaient d’ailleurs deux ordinateurs portables, dont l’un avait une fenêtre ouverte sur des photos de site archéologique. Soufflant un peu par les narines en ramenant ses yeux rouges sur la jeune femme, la démone mit ses poings sur ses hanches.

Ici pour un petit boulot ?
Un hochement de tête frôlant le frénétique du côté de l’adolescente, qui s’était plaquée au mur opposé.
Pas envie de risquer ta vie pour environs 8 dollars de l’heure, je suppose ?
Hochement négatif, cette fois. Bien, au moins elle pouvait communiquer, et n’était pas bavarde.
Très bien, on peut faire les choses tranquillement alors. Vers quel serveur sont transférée les données de vidéo-surveillance ?
… Un instant de pause. Des yeux légèrement écarquillés. Et finalement, un tout petit Quoi ?
D’une griffe, la tueuse désigna les 4 moniteurs, sur lesquels se déroulait le battle royal le plus réaliste et sanglant jamais produit. La vidéo. Je demande où elle est enregistrée.
N-nul part … Je crois ? Enfin on m’a pas dit … Le Pc garde juste en mémoire les trois derniers jours, et le res-
ça suffira. Sauvegarde et débranche-le.

La jeune femme devint muette pendant un instant, ses yeux passant de l’objet désigné à la petite brute … Mais un mouvement de tête vif de cette dernière mit un terme à son indécision, et avec des mains un peu hésitantes, elle entreprit de débrancher les câblages et d’éteindre ce qui devait l’être. Pendant ce temps-là, l’oreillette de la cornue grésilla, son client lui indiquant qu’ils prenaient plus ou moins la poudre d’escampette avec le butin. Elle répondit d’un simple « Reçu » et prit l’ordinateur portable replié sous son bras lorsqu’on lui tendit.

Merci. Le mot de passe ?
Sur le post-it jaune, en haut à gauche du clavier … Hum, vous … allez en faire quoi ?
La petite démone décolla l’écran du clavier en fronçant les sourcils, et remarqua effectivement les informations de session notées à la va-vite … Même pour elle et son expertise médiocre en technologie, c’était une mauvaise idée. Enfin, après, les gens ne s’attendaient probablement juste pas à avoir quelqu’un pénétrant par effraction dans la salle de surveillance de la banque … Refermant le PC, la naine haussa les épaules. Juste m’assurer que les flics n’aient pas de données vidéo sur lesquelles se baser pour nous retrouver. Tu peux retourner te planquer sous le bureau maintenant.

Rouvrant la porte en pressant le bouton qui se trouvait à côté de la poignée, la démone sortit de la pièce, et entreprit de rejoindre le reste du groupe au niveau du coffre, pouvant filer un coup de main non négligeable pour les sacs. Ce qu’elle venait de dire ne justifiait pas entièrement le fait qu’elle « confisque » le PC, plutôt que de simplement le réduire en purée de composants, mais elle n’avait pu s’empêcher de penser que son client allait apprécier d’avoir des données vidéos sur ce qui ressemblait fort à une expérimentation. Bien sûr, ne pas laisser de vidéos de ses exploits du jour était également une justification parfaitement logique … mais malheureusement, si la jeune « garde » n’avait pas menti en disant ignorer ce qui arrivait aux données enregistrées, cela ne voulait pas dire que ces dernières n’étaient enregistrées qu’à un endroit. Le système de sécurité centralisé que le docteur Sérum et Neo avaient désactivé contrôlait l’alarme sonore, les rideaux de fer automatiques, le verrouillage des portes renforcées menant au coffre et les communications vers l’extérieur, y compris la vidéo-surveillance … mais les données traitées par les caméras étaient toujours envoyées au PC de la salle de sécurité via un autre sous-système, et copiée sur un serveur que la démone avait raté lors de son bref passage. Quant aux caméras en elle-même, leur alimentation électrique était tout simplement relié au disjoncteur directement, au même titre que les lumières ou

Ce n’était pas un « gros » problème en soit. Les braqueurs portaient des tenues qu’on pouvait trouver au marchand du coin pour trois sous, des masques à gaz, et la qualité vidéo n’allait probablement pas permettre d’en identifier un clairement … à l’exception de la naine, dont le physique se différenciait bien trop de l’humain lambda pour lui permettre de se « fondre dans la masse ». Surtout vu les démonstrations de force qu’elle avait effectué. Mais au final, cela allait « juste » faire un crime de plus à son casier judiciaire, lequel était déjà bien trop chargé pour que cette opération précise fasse vraiment une différence.
Et puis à l’heure actuelle, ils étaient occupés à charger les sacs de billet dans leur véhicule, et ce sans personne pour les en empêcher. L’alerte qui avait été donnée était bien trop vague, et les individus affectés par frénésie bien trop préoccupants pour que la police s’inquiète d’un taxi de plus qui disparaissait dans la nature … Une augmentation infime des chances d’être appréhendés longtemps après l’acte n’était clairement pas un gros souci, lorsqu’on le remettait en perspective.

Le véhicule eut un peu de mal à démarrer, et le Dolf qui le conduisait grogna à une ou deux reprises qu’ils auraient pu trouver une bagnole qui en avait un peu plus sous le capot, mais globalement, la voiture parvint à se déplacer à des vitesses « normales » le temps que dura leur fuite. La naine s’était installée sur la banquette arrière et au milieu, afin d’éviter de trop modifier le centre-masse de la voiture, aussi fut-elle en position parfaite pour se pencher vers l’avant alors qu’ils rejoignaient le quartier où se trouvait la planque.

Doc’ ? Normalement j’aurais juste changé le disque dur en bouillie, mais vu que vous preniez des notes pendant que le gaz faisait effet … Il devrait y avoir quelques enregistrements qui vous intéressent là-dessus.

Il y avait plus élégant et confortable, comme moyen de transport, que la place du milieu, à l’arrière d’un taxi, entre deux types au physique … Généreux. Surtout quand ils venaient de faire pas mal d’efforts, et qu’en prime l’un d’entre eux s’était fait tirer dessus et avait du sang à peine séché plein le flanc de sa tenue. Mais bon … Après tout, la mercenaire était en partie payée pour subir ces désagréments. Et puis, c’était toujours mieux que d’être en train de se faire tirer dessus, ou de devoir semer une voiture de police en courant. A l’avant, le client de la mission du jour semblait plus que satisfait, et c’était l’essentiel … Sans surprise, l’ordinateur fut d’ailleurs un bonus qui ne fit qu’augmenter le plaisir qu’il ressentait très visiblement. Sa réponse, par contre …

« Si tu n’étais pas aussi effrayante » ? ‘Faudrait apprendre à parler aux filles doc’, c’est pas comme ça qu’vous allez les amadouer, ha ha.
Hm. D’un autre côté, il m’a vu combattre … Je suis sûr que ce n’était pas une question de physique.
T’as l’air bien sûre de toi, tiens.
C’est un docteur, il est sûrement assez intelligent pour éviter de faire ce genre de sous-entendus.

Le commentaire, accompagné d’un regard noir, visait à faire comprendre au Dolf qui venait de parler qu’il ferait mieux d’en rester là. Le genre de Vergetelheid n’avait pas grand-chose à avoir avec le fait qu’elle n’appréciait pas qu’on lui dise qu’elle était moche … Et elle n’était pas assez gentille pour retenir une ou deux mandales pour celui ou celle qui lui disait ça face à face, dans la plupart des cas. Les exceptions étant majoritairement des cas où elle avait tout intérêt à garder la personne en vie, et dans de bonnes dispositions à son égard … à l’exception de Sérum, ce n’était le cas de personne dans ce véhicule. Et encore. Une opération réussie, c’était peu pour le considérer comme un « client fidèle », et encore plus pour lui faire confiance … Mais jusqu’à présent, il s’était montré efficace, assez intelligent pour mériter son titre de « docteur », et il était encore très loin de ces enflures corrompues par le pouvoir et l’argent qui trahissaient systématiquement leurs employés à la première opportunité d’en tirer profit. Restait à voir comment il allait tourner. Dans tous les cas, il poursuivit sans sembler être redescendu de son petit nuage, affirmant qu’il comptait faire du travail qu’ils venaient d’effectuer le premier d’une longue liste … Tant mieux.

Le taxi, roulant à l’allure affreusement lente d’un véhicule civil respectant le code de la route, les feux rouges et évitant d’attirer l’attention de qui que ce soit, atteignit « la planque » en une ou deux dizaines de minutes, et la petite brute ne fut pas mécontente de pouvoir s’extirper de sa position pour se détendre les jambes et déplier un peu sa queue. Sans effort apparent, la petite rousse se saisit de plusieurs des sacs d’argents, en portant un par bras et un autre avec sa queue pour les amener dans le hangar, et les déposer vers le lieu où les bénéfices exactes de leur opération vont être mesurés avec précision. Elle croisa ensuite les bras, laissant les dolfs opérer les machines qui produisaient liasse après liasse : ses griffes n’étaient pas adaptées aux boutons des appareils, et sa taille, aux tables sur lesquelles ils étaient posés. Après quelques instants d’observation, elle décida de se changer, et troqua la blouse taille réduite et le masque à gaz qu’elle portait encore contre des vêtements civils. La veille au soir, elle était passée ici pour déposer un sac prévu à cet effet, dont elle sortit une tenue pour y ranger l’autre. La petite teigne portait donc – par-dessus sa combinaison de combat – un genre de sweat à manche longues et une casquette mise à l’envers et percée par ses cornes lorsque le moment vint de redistribuer le butin. Sans surprise, la distribution des fonds n’était pas égale, et ce qui ressemblait à l’origine à une montagne de pognon avait désormais des aspects de colline, voire de butte, lorsqu’on re-divisait la plus petite part en trois. La déception d’au moins deux des dolfs était perceptible, si on y faisait attention … Mais c’était malheureusement le deal, pour des portes-flingues de base. Et la petite tueuse ne comptait absolument pas prendre ses collègues en pitié à ce niveau-là.

Ce n’était cependant visiblement pas le cas du commanditaire, qui de son côté se saisit de plusieurs liasses de billets, les lançant à ses employés avec un sourire. Comme quoi, la satisfaction du client était toujours un excellent moyen d’assurer plus de bénéfices … Même si la naine ne s’attendait pas à ce qu’ils soient si immédiats. Plutôt que de faire comme les trois autres, et de se confondre en remerciements plus ou moins adroits, la petite tueuse attendit qu’il y ait un peu de silence … Et tendit le bras pour rendre une des liasses.

J’apprécie, doc’, mais tant qu’à faire … Faites parvenir ça à la grosse Bertha, en lui faisant bien comprendre qu’au moins 70% de la somme sont supposés aller à elle-sait-qui.
… Tu … Pourquoi tu fais ça ?

La confusion du Dolf semblait aussi sincère qu’elle était compréhensible : pour quelqu’un qui vivait au jour le jour depuis dix ou vingt ans en enchaînant des boulots douteux et pas toujours très bien payés, 10 000$, c’était quelque chose. Pourtant, la mercenaire se contenta de hausser les épaules.

Parce-que les gens qui me mettent en contact avec des clients ne sont pas des « potes », mais des associés, et que plus ils touchent leur propre « bonus », plus ils sont enclins à me filler du taff … Et surtout du taff qui lui-même rapporte assez gros pour que je puisse me permettre ce genre de largesses. J’ai déjà filé leur « salaire » à mes intermédiaires … Là je leur file leur propre prime de réussite.
Et … Pourquoi demander à Serum de faire ça ?
Parce que ma réputation est bâtie depuis environs un siècle, basée sur des clients contents, toujours en vie, et qui n’avaient ou n’ont pas de souci à me rappeler malgré mes tarifs. Si c’est le doc qui allonge les billets, par contre … On lui donnera plus facilement le numéro de pros du milieu.
Mais on est des pros, voyons !
Hm, moi aussi. Pour frapper, tuer, détruire des bâtiments et saborder des opérations. Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais ça ne serait d’aucune aide à quelqu’un cherchant à voyager clandestinement, à se procurer des items de contrebande, des produits illégaux, des infos difficiles d’accès … Et vous ?
Deux des Dolfs se regardèrent avec une légère grimace assez explicite, et le troisième se frotta le menton … Avant de hocher la tête. Et de rajouter dans l’instant, bien sûr : Mais pour les prochaines opérations où vous avez besoin de muscle en tout cas, vous savez déjà qui contacter, ça c’est sûr !
Hm … Au passage. Fouillant la poche de sa combinaison, en s’assurant de l’autre main que la silhouette son fusil ne ressortait pas trop une fois placé dans son sac, elle en tira un bout de papier sur lesquels étaient maladroitement griffonnés quelques chiffres et un simple mot. Vergetelheid.
C’est ton numéro ?
hm hm.
J’peux l’avoir aussi ?
Non.
Alleeeeez ! J’ai un déménagement la semaine prochaine, tu pourrais grave plier ça en 20 minutes !
Embauches des déménageurs.

Lançant la réplique sur le ton légèrement ennuyé d’une démone n’ayant visiblement pas que ça à faire, la mercenaire laissa les deux autres dolf’ vanner leur partenaire à satiété, s’intéressant plutôt à ses affaires. Les vêtements étaient rangés dans son sac à dos, et sa part du butin confortablement logée dans un sac de sport qui contenait également, vu sa taille, son fusil de combat. S’assurant une dernière fois qu’elle n’oubliait rien, elle passa les bretelles du sac et souleva l’autre, cherchant dans sa mémoire si quoi que ce soit lui avait échappé … Mais il lui semblait que non.

Tu nous laisse ? Et la pizza alors ?
Profitez-en sans moi. Faisant un bref signe de main à l’assemblée en guise d’au-revoir, la tueuse se tourna sans plus de cérémonie pour se diriger vers la sortie du bâtiment.

Pour elle, tout ceci n’avait pas été bien désagréable … Mais c’était un boulot comme un autre. Et en l’occurrence, un boulot terminé. Mais bon … Au moins elle s’en sortait avec quelques connaissances supplémentaires à son répertoire, et une somme plus que coquette d’argent.

Là tout de suite elle allait juste avoir besoin d’une douche. « Frénésie » était un produit efficace … Mais qui pouvait se fixer aux cheveux, et leur coller une odeur plutôt désagréable, même lorsque le principe actif cessait d’agir. Soit ça, soit elle s’était vraiment trop collée aux Dolfs quand ils étaient dans la voiture.