Akira, c'est un enchaînement de mélodies dissonantes. Tantôt mélancoliques, tantôt haineuses. Mourantes. Méfiantes. La confiance n'a plus réellement de place dans son cœur, trop encombré par la peur. La rancœur. Envers le monde. Vers eux. Vers lui-même.
Tout lui semble faux. Ses yeux lui font défaut. L'affection la plus pure, est remplie d'intentions malsaines. Leurs sourires sont raturés de mensonges. Il ne voit plus l'autre côté de la pièce. Il ne veut plus.

Il les hait. Eux. Une haine si grande. Si imposante. Dont la racine vient du fin fond de son esprit. De lui. Il se hait. Se dégoûte. C'est sa faute. Mais c'est leur faute à eux aussi. Il n'est pas assez bien. Mais ils savent se servir de lui.

C'est sa faute.
Mais c'est la leur.
Il les déteste.
Mais il se déteste aussi.

Des notes constantes bourdonnent dans sa tête. Anxiété. Angoisse. Rejet. Des mélodies qui résonnent si fort, qu'il n'en entend même plus la sienne, ou même les battements de son cœur. Elles prennent tellement de place, dans sa tête. Elles se bousculent. Tour à tour. Et puis d'un coup.

Le vide.

Une douleur fantôme. Si forte. Et si silencieuse. Ses émotions en sont engourdies. Mais pas suffisamment. Ce n'est jamais suffisant. Son estomac continue de se nouer. Son cœur, de se serrer. Ses dents, de grincer. Son souffle, de se couper. Mais ça ne sort pas. C'est là, au creux de sa poitrine. Mais ça ne sort pas. Il serre son cou. Mais ça ne sort pas. Plus fort. Mais ça ne sort pas. Il veut crier. Mais ça ne sort pas.

Ca ne sort

jamais.

Alors il veut que tout s'arrête. Il a envie de silence. D'un silence complet. Que tous les bourdonnements de sa tête s'arrêtent. Que toutes les mélodies qui l'entourent se taisent. Ça l'obsède. Il en a tellement besoin, que ça en devient presque ridicule. Presque drôle.

Mais un jour, ça sortira. Comme une bombe à retardement. Un jour, ce sera fini. Il explosera. Et il en finira. Il retrouvera ce silence. Parce qu'il est si fatigué. Si fatigué.

Akira, c'est probablement le gars un peu lambda qui a fini avec trop de choses sur les épaules, et a préféré s'enterrer que de marcher avec.

C'était un p'tit gosse comme les autres. Il aimait bien faire plaisir à ses parents. Les rendre fier. Sa sœur, c'était son rayon de soleil, la plus belle mélodie qu'il ait jamais entendu. Elle était moins en forme que lui, alors 'il avait pour devoir de la protéger, elle et sa jolie musique !', qu'il disait. C'était un bon garçon dans le fond. Il aimait sa maman. Il aimait son papa.

Alors il était confus, quand c'est arrivé.
Un matin, il est entré doucement dans la cuisine, pour s'accrocher aux vêtements de sa mère. Le soleil venait à peine éclairer ses bras marqués. Marqués par la peur. La honte. Salis à jamais. Comme le reste de son corps. A cause de lui.
Tout s'enchaîna alors très vite. Beaucoup d'appels téléphoniques. De cris, de mélodies grinçantes qui arrivaient à se glisser jusqu'à ses oreilles. Et les deux enfants, terrorisés, se dépêchant comme ils pouvaient. Maman leur avait dit de faire les valises. Qu'ils allaient partir loin, loin d'ici. Loin de lui. Qu'il n'allait plus jamais revoir papa.

Et c'était tant mieux.

Après un long voyage en avion, c'est une femme à la longue chevelure flamboyante et à la langue incompréhensible qui les recueillit. Une amie que leur mère s'était faite grâce aux contacts de son travail, apparemment. Elles se comprenaient, mais les deux petits les fixaient, perdus. Cependant, elle avait l'air gentille. Mais elle lui faisait peur. Un regard dur, une posture droite. Il avait l'impression de faire face à un soldat. (et il n'avait pas tort.) Combien de fois elle leur avait raconté ses histoires, canettes de bière à la main et sourire aux lèvres, en parlant de ses collègues policiers, des énergumènes qu'ils voyaient. Sa mère riait, sa sœur scintillait et lui les regardait.
Elle était gentille, Jessica.
Mais elle faisait toujours un peu peur.  


S'adapter à une nouvelle vie n'était jamais facile, mais Akira faisait des efforts. Il comprenait, maintenant. Mais il s'était habitué à ce qu'on écorche son nom, à ce qu'on n'ose pas lui parler pensant qu'il était incapable de répondre, de manger seul le midi. Il n'aimait pas tellement les gens, de toute façon. Ça allait. Ça allait.
Il s'était habitué, mais ça faisait toujours un peu mal. Parce qu'il avait enfin le temps de faire face à ses problèmes. À ce qu'il n'osait pas voir. Pas entendre. Ses démons le rattrapèrent alors bien vite.

Cette sensation d'être sale.
Son cœur qui se serre.
Sa gorge qui se noue.
Cette envie de vomir.
De courir.
De fuir.
De mourir.

Les années passèrent sans que ses tourments ne cessent, mais il avait appris à faire avec. Vivre avec cette corde autour du cou qui menaçait de se resserrer d'un seul coup. Un léger pas sur le côté et elle le saisissait à la gorge. Une angoisse constante, mais si enivrante. C'est cette sensation qui l'a poussé à composer.
Lui, il passait ses journées à prier pour que ça s'en aille, à se mordre les bras, serrer son cou, laisser des marques sur son corps, en espérant tarir cette haine au fond de lui. Mais au lieu de gratter trois accords sur sa guitare ou pianoter pour penser à autre chose, il décida de rejouer ce qu'il percevait chez les gens. Ces mélodies que personne ne pouvait entendre.

Ce n'était pas ce qu'il ressentait.
Ce n'était pas ce qui le tuait.
Mais ça le libérait.

Il en publia une. Sans trop d'espoirs. Puis deux. Trois. Quelques auditeurs. Des mélodies qu'il retranscrivait. Des choses qui n'étaient pas siennes et pourtant, à qui il donnait forme. Peu à peu, les gens se mirent à faire tourner ses morceaux. C'est fou ce qu'une communauté pouvait faire. En un peu plus d'un an, il s'était créé une fanbase solide qui attendait ses nouvelles chansons. Honnêtement, il aurait pu se noyer là-dedans. Dans la reconnaissance de ces inconnus, dans leurs encouragements ou leur haine, dans leurs sentiments les plus profonds.

Mais Akira n'était rien. Il ne méritait pas ça. Jamais il ne pourrait en vivre. Il devait paraître effronté. Et qu'est-ce que sa mère pensait de lui ? Sa sœur l'encourageait, mais n'était-ce pas de la pitié ? Ce n'était qu'un bon à rien. Se modeler à la société et ne pas faire de bruits, c'était ce qu'il devait faire. Il devait partir.

Fuir.
Encore.

La corde l’empêchait de respirer correctement depuis quelques années, déjà.
Quelques entretiens d'embauche et un job dans une petite boîte informatique plus tard, le voilà parti. Son quotidien de petit employé lui convenait (non). Il avait des heures plus ou moins convenables (non). Ses collègues étaient plutôt gentils (non).
Ça allait.
(non.)

C'est peu après son départ que la tragédie s'abattit sur le pays. Il se souvient être passé devant un magasin d'électro-ménager, le flash info se diffusant sur tous les écrans. Lui était juste devant, à les fixer un à un. Sans trop y croire. Vide. Fatigué.

Quand il y pense, au fond de lui, caché, il aurait aimé tomber, lui aussi. S'effondrer et ne plus à devoir s'inquiéter du lendemain. Des reproches de ses collègues. Du visage de son boss trop près du sien. De sa gorge marquée par les crises d'anxiété. De ses mains qui contiennent de justesse sa rage.

Juste,
tomber.
Et ne plus jamais se réveiller.


Mais il est encore là.


     
   

Pas grand-chose, si ce n'est avoir obtenu un petit poste dans une boîte informatique. Le seul truc pour lequel on pourrait l'applaudir, c'est la communauté qui s'est formé autour des chansons qu'il compose et publie sur internet. Sur internet, il s'est plutôt fait une place, ses morceaux attirent pas mal d'attention. Mais ça reste un vrai loser IRL.Très peu. Il suffit de quelques secondes pour que les mélodies des gens l'entourant résonnent dans sa tête, et il est incapable de les faire taire de lui-même.
La fiche est ici !Ses sauveurs de la vie de tous les jours : des écouteurs. Mais un peu travaillés, pour bloquer les ondes sonores diffusées par l'esprit des gens. Il entend donc plutôt bien ses interlocuteurs quand on s'adresse à lui de vive voix.La révélation de son alter. Ca l'a rendu sensible aux gens qui crient beaucoup.

Ce que son père lui a infligé. (cf l’histoire)

La première composition qu'il a écrite, basée sur la mélodie de quelqu'un qui était près de lui. Ca peut paraître insignifiant mais elle est toujours planquée au fond de son tiroir de bureau.

Son premier succès sur internet grâce à une musique. Il est toujours choqué, honnêtement. Franchement au point où il en est, soit c'est de passer de l'autre côté, soit de pouvoir quitter son job et se dédier à la musique. Mais il a tellement peur de perdre sa situation 'stable', avec un quotidien 'stable', un travail 'stable'. Sauf que lui est tout, sauf 'stable'.

Il trouvait ça plutôt normal, vu que sans les règles mises en place, ce serait probablement parti en live... Non ? Enfin le fait est que ça s’est quand même cassé la gueule.Il ne se cache pas vraiment du fait qu'il aurait aimé avoir cette puce, à ce moment là. Avant de se claquer parce que le respect pour les victimes, please. Du coup c'est tragique. Mais le recul est là.Tant mieux pour ceux qui veulent prouver leur valeur. C'est pas son cas.Se référer à ci-dessus. Non plus sérieusement, le but est noble. Peut-être ? Finalement il en sait trop rien, il est quoi pour juger ? Pas grand-chose.