La lueur du jour s'évanouit peu à peu, s'assombrit sur des tons d'orange enflammé et de rouge flamboyant : c'est le moment pour Cyril de mettre le pied dehors. L'on pourrait croire avoir affaire à un vampire, l'on ne le voit que très rarement la journée toujours terré dans ses quartiers pour travailler d'arrache-pied sur ses projets scientifiques. Seulement voilà, depuis quelques temps, le jeune apprenti se heurte à un cruel obstacle, le manque de ressources. Bien sûr, la ville regorge de cobayes (in)volontaires et cette période sinistre dans laquelle sont plongés les Etats-Unis favorise le développement de ses activités noires, mais il y a encore quelques paramètres qui l'incommodent encore. D'abord, il commence à manquer de matière à travailler. L'alter de Jenner lui permet de réduire drastiquement les coûts de ceux-ci, il n'a qu'à étudier un échantillon donné pour être capable de le répliquer avec son sang mais encore faut-il avoir de quoi ! Se prétendant à un avenir dans la médecine, il a le privilège de pouvoir se servir dans une certaine mesure à la pharmacie d'à côté - il en connaît bien l'employé de comptoir même si celui-ci craint toujours de se faire renvoyer à cause de ces petites exceptions, mais son collègue n'est pas aussi enthousiasmé par la découverte que Cyril, lui, il préfère la jouer safe et ne pas trop fournir le jeune homme.

Un étroit d'esprit sans grandes ambitions, vous dira Jenner. Pour sa part, il ne rechignera pas devant quelques lois dont la limite est particulièrement fine pour quelqu'un qui ne connaît pas de bornes quand il s'agit de sa science bien-aimée. Alors, il quitte son laboratoire de fortune et se risque dans l'immensité du dehors avec la ferme intention de débloquer sa situation. Son regard sérieux se fixe dans le miroir, un sourire déterminé éclaire son visage, il a une mauvaise idée derrière la tête.

*Je vais apporter ma.. tenue de travail, sait-on jamais.*

Il fourre alors le sweat à capuche et le bandana qui constituent son costume de super-vilain dans un sac à dos qu'il enfile sans trop attendre. D'ordinaire, il sait bien faire la distinction entre son identité civile et sa personnalité criminelle - il délimite la journée pour que chacun ait sa période, jouant aux bons samaritains en public et laissant place à ses démons intérieurs quand vient la nuit, mais ses deux visages peuvent aller côte à côte, il est assez malin pour servir une comédie qui justifierait ses méfaits. Trêve de formalités, vient le temps de l'aventure.

L'atmosphère extérieure lui fait quand même du bien. Isolé dans son trou, il ne voit personne et étouffe son cerveau surdimensionné alors mettre le nez dehors c'est une façon de se réapprovisionner en oxygène. Quoi ? Vous avez pensé qu'il allait se faire des copains ? Il arbore un faux sourire en arpentant le pavé, des têtes familières lui sourient et lui font des signes auxquels il répond chaleureusement même si sa seule pensée tourne autour de ce qu'il peut faire pour s'aider lui-même. Ces gens, il les a soigné eux ou leurs enfants, leurs proches et peut-être même leurs rivaux ainsi, ils apprécient Cyril sans se douter de ses horribles activités sous couvert d'une vie de jeune médecin. Il connaît assez bien l'endroit, il s'y promène pour trouver des âmes en détresse et de ce fait, ce nouvel établissement ne peut pas lui passer sous le nez !

"Chez la voisine, décoctions en tout genre." - en lisant l'enseigne, Cyril croit halluciner. Il regarde ironiquement vers le ciel et grommelle, si le barbu au dessus des nuages espère qu'il lui adressera une prière, il n'aura même pas un amen.. ! Il est tout de même forcé à se gratter la tête (doucement, il ne faudrait pas se piquer avec ses aiguilles !) : quand est-ce qu'un apothicaire a ouvert ici ? Cela fait aussi longtemps qu'il n'a pas mis le pied dehors ? Une paire de vieux en sort avec un sachet mystérieux qui enfonce le clou dans la planche de l'appétit intellectuel du scientifique. Dans tous les cas, sa curiosité est plus forte que sa raison, il franchit le seuil de ce bâtiment inconnu avec l'excitation d'un garnement qui visite un magasin de jouets. Il essaie tant bien que mal de se contenir, mais à peine entré, le voilà en train d'examiner avec attention les quelques produits entreposés en rayon. Des remèdes naturels, cures de mamies et .. décoctions en tout genre, quoi ! En faisant son petit tour du proprio, il est sorti de sa réflexion profonde quand il ressent la présence d'une autre personne dans le magasin.

C'est une jeune demoiselle à l'allure quasiment démoniaque qui se tient accoudée au comptoir, malgré sa moue ennuyée, on devine que la présence d'un client lui remet du baume au coeur. Avant même qu'elle puisse sortir un quelconque speech recyclé de vendeur du style "je peux vous aider?", Cyril s'empare d'une petite fiole qu'il tient avec beaucoup d'habileté entre les aiguilles de son index et de son pouce. Il l'agite en faisant tourner doucement son contenu, un liquide rouge rosé et questionne :

« Celui-là aussi, c'est un remède ? il plisse les yeux comme s'il cherchait à percer les secrets de la fiole avant de la poser sur le comptoir entre lui et la jeune femme. Je présume que vous êtes le maître des lieux, docteur Cyril Jenner, enchanté. Je suis ravi de voir qu'un ... autre collègue s'installe près de chez nous, dans la branche bio, hein ? Respectable. il ramène ses mains dans le dos, se tient bien droit et prend des airs de grand homme malgré sa petite taille. Veuillez excuser ma curiosité, mais pourquoi venir placer ce commerce ici ? Avec l'émergence des alters la médecine a fait de sérieux progrès, j'en sais quelque chose, pensez-vous qu'il y a encore des adeptes de la médecine douce ? En plein centre-ville ? »

Il se laisse un peu aller sur ses questions, n'hésitant jamais à fouiner ici et là pour découvrir, parce que c'est ce qu'il fait de mieux, découvrir ! Il a peut-être l'air d'un rival jaloux venu enquêter sur le commerce d'en face, mais il n'en est rien. Au contraire, Cyril est réellement ravi de pouvoir échanger avec une autre spécialiste surtout que celle-ci traite d'un sujet qu'on ne rencontre pas souvent ici. Les apothicaires et autres druides-guérisseurs préfèrent généralement s'installer loin de la ville, là où les toubibs font leurs nids ; Cyril se demande surtout comment la nouvelle comptait officialiser sa place sur le marché, il lui faudrait au moins des produits de qualité exceptionnelles ou alors des services plus avancés qu'une simple vente de tisanes ! A vrai dire, Jenner a même de la peine pour la vendeuse, il craint que son échoppe ne fasse pas long feu bien que son idée soit formidable ! Mais même dans cette société de supers, il ne faut pas oublier le maître-mot du pays, vous savez, celui qui commence par un CA et se termine en -PITALISME. Où est l'innovation ? S'est-elle assurée que la demande ici est suffisante pour se risquer à proposer l'offre ? Tellement d'interrogations font oublier à l'apprenti médecin son but premier, il ressent le besoin de s'informer auprès de celle qui pourrait facilement devenir ou une associée de choix ou une concurrente sur le plan purement business de la chose... Dans le pire des cas, son alter ego est juste dans son sac.

Quel étrange personnage, de qui fait-il la rencontre au bout d'un jour si banal ? Il est secrètement perturbé et ne vous y méprenez pas, ce ne sont pas les gloussements de la donzelle mais bien l'enchaînement hasardeux d'événements qui ont mené Cyril en ces lieux. En bon athée, il préfère encore s'inventer milles et une raisons plutôt que d'admettre qu'il y a, peut-être, quelque part, des individus qui écrivent leurs vies et aventures, telles des marionnettes d'un cruel destin, ça non !

Pourtant tout semble parfaitement concorder. A entendre les réponses à ses maintes questions, Cyril a en face de lui une sorte d'alchimiste tirée d'un récit fantastique. L'allure démoniaque, ces cornes, ce regard malicieux, ils cachent peut-être beaucoup plus qu'une gentille druidesse. On ne peut pas la lui faire à l'envers, Cyril est du genre pointilleux, les détails lui échappent rarement et il s'y connaît suffisamment en mathématiques pour additionner deux et deux. Dès son explication sommaire de cette potion rosacée, la suspicion était présente dans le regard du médecin. Il essayait bien de ne pas le laisser paraître, ce serait fichtrement malpoli de sa part et puis pourrait lui barrer la route à plus d'explications, personne ne voudrait renseigner un rustre ! Toujours est-il que son remède peut être létal si mal utilisé ou au contraire, utilisé justement pour ça ... Il jetait un oeil autour de lui et se demandait si tous ceux-là comportaient ce genre de risques. Après tout, le scientifique qu'il représente aimerait beaucoup se pencher sur chacun d'eux, les comprendre, les développer, mais il se concentre pour le moment de faire connaissance avec son interlocutrice.

Celle-ci lui avait admis que la foule ne se bousculait pas à son édifice - il l'avait remarqué.
Elle lui a aussi avoué que ses clients étaient parfois louches - ça aussi, il l'avait remarqué. Il est là.

Il se grattait le menton, une performance des plus agréables avec son aiguille d'index, essayait de ne pas paraître trop méditatif avant de sourire tout en fermant les yeux aka l'expression des petits malins.

« Je vois ... Je vous remercie pour votre franchise, il fit avec un sourire franc. Permettez-moi de vous ôter d'un doute, je ne suis pas l'un de ces "drôles de personnages" ... Enfin, si peut-être cela dépend de l'utilisation du mot "drôle" dans ce contexte... Mais je m'égare, voyez je vous ai dit exercer la profession de médecin mais le mot est vague. En réalité, je ne devrais être considéré qu'en tant qu'apprenti aux yeux du gouvernement mais qui sont-ils pour étiqueter les gens à leur guise, n'ai-je pas raison ? il rigolait en haussant les épaules, laissant un subtil indice quant à son alignement général. Je me sers de mes vastes connaissances et de mon alter pour soigner mon prochain, je me plais tout particulièrement à aider ceux qui n'ont pas les moyens d'être traités par les services de ce bon vieux gouvernement. »

Cyril espérait éclaircir son image avec ce discours. D'une certaine façon, il ne fait qu'imiter la demoiselle. Celle-ci s'était présentée par sa profession, il en jugeait normal de faire pareil. Seulement, là où il n'est pas aussi honnête que son sourire laisse penser, c'est qu'il ne dit qu'une moitié de ses occupations. Il retournait arpenter les rayons les plus proches de la caisse pour pouvoir dissimuler l'expression de son visage tout en poursuivant la conversation.

Il passe doucement ses seringues contre le verre froid renfermant toutes sortes de potions fantasmagoriques et parle sur un ton distrait, comme plus occupé à parcourir les produits.

« De ce fait, je pourrais bien être un client potentiel. Pour tout vous dire, j'essaie d'instaurer une toute nouvelle médecine qui s'écarterait des produits médicamenteux et autres thérapies radioactives, sous la même optique que votre... médecine alternative ! il poursuivait sa présentation et tourne son attention vers l'apothicaire. La "médecine moderne" même si c'est la médecine de demain ! Dans une société de supers, ce n'est que logique et rationalisme que de passer à la super-médecine dans la foulée, n'est-ce pas ? avec un grand rictus il parle de ses théories pour étayer sa bonne foi mais n'oublie pas de revenir au sujet de départ. Ainsi donc, l'on pourrait se servir de certaines de ces fioles pour tuer, c'est ça ? »

Bipolaire, le médecin s'est rapproché promptement du comptoir pour poser cette question à voix basse. Il parlait de soigner des gens il n'y a pas deux minutes et le voilà qui semble intéresser sur les autres utilisations possibles de ces produits. Il suffirait d'une overdose pour provoquer un arrêt cardiaque, qui sait, peut-être qu'elle a autre chose de plus créatif ? Dr.Serum déborde des traits innocents de Cyril Jenner, l'on est en droit de se demander si c'est l'influence que la nuit a sur son mental ? Se serait-il conditionné lui-même en ne laissant le criminel sortir qu'à la nuit tombée ? Quoi qu'il en soit, il espérait de grandes choses de cette apothicaire. Son arrivée récente en ville ne fait pas l'ombre d'un doute : il est l'heure pour la science de se dégourdir un peu les jambes...

Les deux prétendus guérisseurs semblaient s'être mieux trouvés que ne le pensait déjà Cyril. Tant la curiosité que l'intérêt s'attisaient pour cette fille là. Jenner avait vu juste, "un apothicaire" en ville, pfeuh ! Une façade ! Il n'en perd pas son sourire malin, écoutant attentivement alors que la jeune femme continuait à confirmer ses soupçons. Il a flairé le bon filon, de multiples plans se détaillaient tous à la fois dans son esprit provoquant un moment d'inattention pendant que la démone marquait un temps de pause dans ses paroles. Le médecin revint à lui juste à temps pour ne pas paraître totalement à l'ouest ; des mains innocentes ? Les épines qui se hérissent du bout des siennes clament d'elles-même que les mains de ce garçon sont vouées à côtoyer le sang. Amusé par la remarque, Monsieur le Docteur décide d'abandonner sa méfiance qu'il nomme prudence et saisit l'opportunité qui se présente, à pleines mains.

« Je me disais bien que cela cachait quelque chose ... Depuis l'Effondrement, les criminels sont déchaînés et la question que tout le monde se pose, eh bien, "à qui profite le crime ?" Cyril prend un ton sarcastique, indiquant là qu'il comprend parfaitement les ficelles de son petit business. Vous vendez donc la vie et la mort à la fois, n'est-ce pas une façon fascinante d'être un membre actif de la société ? Je vais vous dire, si vos produits sont capables de m'impressionner - et attention je suis un difficile, alors je vous promets être capable de propulser votre chiffre d'affaires. »

Il s'en léchait déjà les babines. Serum demandait à voir la marchandise dont il était question. Effectivement, puisque les potions entreposées à la vue du public sont des leurres pour attirer l'attention loin du vrai trésor, c'est qu'elle cache le reste pas loin, à la portée des bons clients. Un sous-sol ? Un placard sous scellé ? Où qu'elles soient chaque cellule qui compose son être lui quémande d'aller examiner tout ça. Pour un fanatique de sciences en tout genre tel que lui, l'alchimie est comme un ancêtre, un prédécesseur de sa médecine moderne alors il voue un profond respect à cet art presque occulte. Elle a mentionné confectionner ses produits elle-même, elle devrait être en mesure de lui donner un tuyau ou deux pouvant s'avérer utile à l'élaboration de nouveaux sérums.

Dans l'espace spirituel qu'il visualise dans sa tête, il travaille déjà sur diverses façons de tirer profit de cette fructueuse découverte. Une collaboration avec une apothicaire qui n'a pas froid aux yeux pourrait répondre grassement à son terrible manque de ressources. Qui sait, peut-être pourra t-il la convaincre de s'engager plus durablement dans sa folle course à la découvertes ! Même si son but est strictement monétaire, Cyril ne doute pas une seconde que leur association pourrait payer, très bien. Il pense déjà solliciter les services de l'alchimiste pour élaborer une mixture miracle qu'elle pourra vendre à prix d'or, tandis que lui aura le grand plaisir d'expérimenter ça et là. Mieux, puisque comme il le disait, elle fait le commerce de la vie & de la mort, pourquoi ne pas monopoliser les deux en commercialisant un fléau et son antidote ? Les idées émergent naturellement chez le chercheur, son cerveau en ébullition stimule tout le reste de son corps. Discuter meurtre ne fait que démanger ses aiguilles.

« A l'instar de votre business, Madame l'Apothicaire, j'ai dû retiré autant de vies que j'en ai sauvées, avec ces mains pas si innocentes. Il regardait ses deux mains, se repassant des flashs de ce vieil homme ayant péri dans ses bras alors qu'il essayait de le sauver, ou ces innocents qu'il a tué à forces d'expériences intenses. Je ne suis pas un médecin comme les autres, ça vous l'aurez compris. A vrai dire je serais mieux qualifié de scientifique ! J'aime expérimenter, théoriser, découvrir ! Et mes dernières découvertes... eh bien c'est qu'avec les bonnes connaissances, mon alter peut servir à empoisonner aussi bien qu'il sert à soigner. Bon, maintenant que je vous ai révélé mon petit secret je devrais vous éliminer par précaution... mais il me semble que nous pourrions tirer profit d'une bonne entente, n'est-ce pas ? »

Il lui adressait un clin d'oeil explicite, il était vraiment attaché au secret professionnel - mais s'il voulait tirer les vers du nez de la demoiselle il allait lui falloir être au moins aussi clair qu'elle. Maintenant qu'elle connaît toute l'étendue de ses activités, ils seraient en mesure de parlementer plus en détails, est-ce qu'elle va lui révéler une perle en matière de poisons ? Si les augures sont aussi mauvais qu'ils laissent prédire, Dr.Serum est à deux doigts de terrifier Starfish City comme il ne l'avait jamais fait auparavant.

Propulser son chiffre d'affaires. Voilà une offre des plus généreuses venant d'un individu n'ayant pas de réel attrait ni talent particulier pour le commerce. Ce que Cyril prévoyait restait cependant dans la limite du possible : user de son alter et de sa science, deux sujets qu'il maîtrise rudement bien. En effet, dès qu'il eut l'intuition que la jeune femme cachait un jeu plus fourni il avait déjà commencé à comploter. Ainsi, il ne put s'empêcher de marquer un franc sourire quand ses prévisions se confirmaient une à une, alors que miss Décoctions en tout genre quittait enfin son comptoir avec un air jovial et perfide pour atteindre une porte on ne peut plus banale - ce qu'il trouva malin car il n'y a pas meilleure cachette que sous les yeux du public. Un paradoxe qu'elle utilisait avec brio ici, ce sera donc un sous-sol sinistre ! Le duo d'empoisonneurs s'engouffre dans les tréfonds de l'établissement vers ce qui s'avère être une vraie cave au trésor.

Enjoué, Cyril ne cachait pas son enthousiasme en suivant avec entrain l'apothicaire. Il était conscient avoir déjà hameçonné la rascasse, car celle-ci n'hésitait pas à faire étalage de ses articles - un bon point si ils comptent collaborer, il faut bien commencer sur une base de confiance. Il avait également noté que son interlocutrice ne manque pas de fierté, elle non plus ! Lui avait promis ce qui semble être la Lune, elle, s'est avancée pour garantir la qualité de son produit. Face à un client lambda pourquoi pas, quoique, les clients privilégiés ayant accès à cette partie du magasin ont très peu de chance d'être des individus ordinaires... quoi qu'il en soit, face à un professionnel de la sphère médicale, il vaut mieux bien connaître son affaire avant d'en vanter les mérites. Cyril s'est déjà longuement intéressé aux substances nocives pour l'Homme, les poisons simplets comme le cyanure, la ciguë ou les amanite ne le font plus frissonner. Il s'écarte naturellement de ceux-là qu'il voit exposés parmi d'autres fioles bien plus attrayantes. Il est tombé sur une mine d'or, pourquoi ne pas la piller vous demandez vous ? Ce n'est pas l'envie qui fait défaut mais il est nettement plus gagnant à la travailler correctement. Son regard s'assombrit au beau milieu des étagères bariolées, le Sérum qui traverse ses veines ne fait qu'un tour. D'un mouvement brusque quasiment agressif, il tend son bras vers la jeune femme alors que l'aiguille de son index se hérisse prenant quelques centimètres menaçants.

" Celui-ci. Sa teinte n'est pareille à aucune autre de ces fioles. Son nom... le Baiser des Pharaons..? Il semble d'une noblesse intrigante ! Que sait-il faire ? Oui car me répondre "tuer" ne suffira pas à m'impressionner... Je suis un chercheur, j'aime le pourquoi et surtout le comment ! "

Cyril continue de fureter sans vraiment savoir ce qu'il cherche. Plusieurs fioles piquent sa curiosité mais il sait pertinemment qu'il ne pourra pas toutes les avoir de suite. Il réfléchit brièvement et parvient à un petit compromis, il tentera de parlementer avec sa nouvelle associée mais ne manquera pas de revenir plus tard pour négocier ce qu'il n'a pas pu emporter. Il se trouve qu'il a également une requête bien précise à émettre, une requête qui vient de ses idées farfelues qu'il appelle expériences mais qui devrait être en mesure de profiter à la jeune femme équitablement.

"Dites-moi, Apothicaire, je conçois que vous vous concentriez sur les soins et les afflictions mais je suis présentement à la recherche de quelque chose de ... moins radical. Les neurotoxines psychotropes, ces substances qui se marchandent dans les rues pour que des individus douteux puissent avoir un semblant de bonheur. Ce sont tous ou presque des médicaments a l'origine utilisés à des fins récréatives futiles ! Je veux en faire un usage plus sérieux, je pourrais développer tant de bons sérums...! il laisse échapper l'impatience malsaine qui ronge son être en parlant de ses théories fumeuses. Je pourrais bien rechercher de mon coté, mais je risque d'avoir les mains et les seringues pleines pendant que je m'attèle à notre petit... arrangement."

Cyril lance un regard soutenu à la demoiselle avant de lui demander son nom comme un post scriptum. Il est vrai qu'elle ne s'était pas présentée et qu'il lui serait plus utile de pouvoir mettre une appellation à son pâle visage cornu. La paire d'envenimeurs est, à l'image du sous-sol, pleine de fléaux prêts à être relâchés sur le monde entier mais avant il reste quelques menues formalités à régler et elles concluront les négoces. L'on parle de la nature de ses fameux poisons aux pseudos à l'eau de rose mais aussi et évidemment de prix : qu'est-ce que cela coûtera de faire progresser la science et le crime dans le même lot ? Elle pourra garder l'argent de toute façon, tout ce qui intéresse Serum est de mettre la main sur de nouveaux instruments avec lesquels jouer !

Le Baiser des Pharaons. Son nom ravissait déjà le sens inné de l'art du jeune sophiste, mais lorsqu'il en entendit la brève description, il put sentir son sang hautement chimique faire un tour complet dans ses vaisseaux. Une paralysie quasi-instantanée, un critère que tous se vantent de posséder, mais qui fait toujours plaisir à entendre. Mais ce qui éveille Dr.Serum sous le masque de Cyril, c'est bien la nécrose au contact ! Helena Stuart est ... douée. C'est le cas de le dire ; Cyril sourit sournoisement en évaluant les qualités de la marchande. Il note qu'elle sait aller à l'essentiel, comment captiver et intéresser, après une courte entrevue Jenner se voit déjà dépenser son argent de poche ici, comme dans un magasin de confiseries. De plus, la demoiselle semble sincèrement vouloir satisfaire sa clientèle, elle ne perd pas une seconde à vouloir s'enquérir des besoins du médecin concernant son autre requête. En somme, une vraie professionnelle. Avec un requin commercial de sa trempe, il est indéniable qu'ils se lancent dans quelque chose de profitable sur le long terme.

Donc, le premier produit est parfait, nul besoin de plus d'études si ce n'est pour en comprendre la composition biochimique. S'il pouvait mettre la main sur une fiole contenant le venin concentré du cobra égyptien, Cyril serait en mesure de faire une entrée fanfaronante sur les devants de la scène du crime. Il ne cherche pas la célébrité, non, il laissera les bons petits produits de miss Stuart prendre tout le crédit auprès des vilains, criminels, et autres fournisseurs friands d'armes chimiques. Un spectacle grandiose, rien de moins ne satisfera le goût de la perfection du scientifique. Ce serait un affront que de manquer à son engagement envers l'apothicaire.

Concernant ses propres requêtes, Serum songe depuis quelques temps à faire passer ses produits dans de la drogue, il lui faudra donc quelque chose qui agit directement sur le cerveau, les neurones, que ce soit pour provoquer psychoses et hallucinations ou sautes d'humeur et dépression. Un produit qui affaiblira la cible au niveau mental avant tout, car il s'est suffisamment essayé sur les attaques physiques, il exige de nouvelles expériences.

"Eh bien, dame Stuart, j'ai l'intention de répandre le chaos et la confusion sur Starfish ! Pour se faire j'ai besoin de drogues dures, qui fassent effet sur le cortex cérébral, dites-moi tout ce que vous avez comme meilleurs hallucinogènes ! Je suis preneur de tout symptôme, perte de mémoire, paranoïa, excès de violence, troubles du comportement, je veux développer une arme chimique particulièrement efficace contre les esprits faibles. "

Il parlait presque comme un rêveur. Un rêveur cruel et horrible qui aspire à répandre le mal, en commençant par ébranler le moral de la société déjà bien bas depuis le terrible drame de l'Effondrement.

"Ravi de pouvoir travailler avec vous, Helena Stuart." Concluait-il en espérant beaucoup de cette association de malfaiteurs.

Cyril avait senti qu'il avait flairé le bon filon depuis qu'il avait compris le petit jeu de madame l'apothicaire, mais il était loin de se douter que celle-ci serait également celle qui relancerait son propre business, à savoir la science.

Il n'avait pas tant espéré en demandant quelque chose d'un peu plus exotique, mais voilà que la jeune femme lui proposait un composé haïtien qui relevait presque du gothique. La mixture miracle serait en mesure d'asservir un homme, rien que ça. Dès qu'il entendit les explications qu'il écoutait déjà l'eau à la bouche, il énumérait les innombrables possibilités que cela offrait. Il serait en mesure de s'adonner à de nouveaux jeux et découvrir de nouveaux secrets, si les dires d'Helena n'étaient pas des blagues.

"Ne me donnez pas de faux espoirs, Apothicaire je suis un client on ne peut plus sérieux ! il fit mine de s'indigner, en réalité s'apprêtait à négocier. Je tiens à m'assurer que votre.. Serment des Morts tiens parole. En faire une démonstration serait peut-être compliqué, je pourrais peut-être en recevoir un échantillon afin d'en faire l'expérience par moi-même ? Si les choses tournent bien, veuillez bien croire que je reviendrais visiter ... avec mon portefeuille ! "

Il portait un sourire mi-amical mi-démoniaque. Après tout il se trouvait dans l'antre d'un Serpent des plus rares - le reptile a certainement un sens des affaires pointu alors Jenner sait d'office comment lui parler : en liquide si possible. Le médecin n'avait pas quitté la caverne aux trésors qu'il fomentait déjà un plan pour financer son association avec Helena. Il se devait d'explorer ses produits de fond en comble, il reviendrait prendre des fioles par dizaines si par malheur son sort en bouteille était aussi efficace qu'elle le dit.

Il se demandait bien si, comme lui, Helena était parfois prise de soif d'action, de poser le pied sur le terrain et travailler - quelque part en s'amusant aussi avec leurs créations respectives... ou si elle s'en tenait strictement aux commerces.

"Comment vous faites pour attirer la bonne mauvaise clientèle d'habitude, si vous n'avez pas de rabatteurs ? Il vous arrive d'apporter quelques uns de vos produits dans la rue et de les tester spontanément, histoire de constater que ça marche ? " il se sentait plus à l'aise avec elle et ça se voit, ses expressions ressemblent à celles d'un enfant avec sa petite taille

Dans tous les cas, une nouvelle alliée au fort potentiel n'est jamais de refus. En investissant dans les poisons et autres toxines de l'Apothicaire, Cyril est sûr de pouvoir avancer dans ses recherches, à une allure encore plus soutenue que jamais. En effet grâce à ces achats il aura également de quoi travailler son alter - tant qu'il ne laisse pas l'excitation lui faire commettre une erreur fatale.