La journée s’annonçait pluvieuse. Les nuages gris et menaçant encombraient le ciel de Starfish, mais encore aucune goutte n’était venu s’écraser sur le sol, ce qui laissait une infime possibilité d’y échapper. Difficile, avec cett masse presque noire, d’estimer l’heure d’après le soleil, masqué. Un coup d’oeil à ta montre aurait suffi, mais tu n’en avais pas.

« Hécate, c’est bientôt l’heure. »

Tes yeux se décrochèrent lentement de la fenêtre. Tes yeux glissèrent doucement sur le bureau à côté de toi. Les lettres des jours, des semaines précédents l’instant présents étaient entassées. Ouvertes, lues et relues, elles avaient particulièrement attiré ton attention, à tel point que tu les avaient montrées à ton directeur d’agence. Le harcèlement était nettement présent, et il avait insisté pour que tu ailles porter plainte. Chose que tu n’avais pas fait, bien entendu, toi ô la grande Hécate. Un harceleur n’allait pas t’effrayer.

Hélas, cette pensée aurait pu rester ainsi, si ce fameux harceleur n’avait pas été trop loin. Tes yeux glissèrent vers une enveloppe, dont le cachet était brisé, et de laquelle quelques photos dépassaient. Les souvenirs remontaient doucement.

Ca avait commencé un soir, pluvieux, comme aujourd’hui. Tu avais douté de la présence d’un inconnu aux abords de l’agence, mais ni toi, ni Anake n’aviez cru bon de le signaler. L’individu vous avait suivi jusqu’à votre immeuble, et s’était retrouvé, vraisemblablement, bloqué en bas, alors que vous aviez pu rejoindre votre étage. Loin de s’être arrêté là, les tentatives avaient continuées. Un soir, Anake était partie plus tôt, tu l’avais incitée à retourner chez vous. Elle t’avait raconté, le soir même, son alteraction avec un inconnu, dans une rue avoisinant celle de votre logement. Quelques jours plus tard, c’était à ton tour d’être physiquement harcelée, saisie et presque traînée. Heureusement, grâce à ton Alter, tu avais réussi à le faire fuir. Il fallait dire que peu de personnes résistaient face à l’atrocité de ton Alter une fois activé. Pourtant, il n’avait rien vu, juste entendu. Tu t’en étais assurée.

Et finalement, après des jours, des clichés étaient parvenus jusqu’au bureau, pour soudoyer l’agence. Des clichés communs, des clichés privés, les numéros de téléphone, l’adresse, le digicode… Tout y était. Pour tout le monde, c’en était trop. Si tu étais partisane de la violence cachée et que tu aurais réglé son compte à ce petit voyou dans l’ombre d’une soirée pluvieuse, dans une rue peu fréquentable, ton agence en avait décidé autrement.

Après quelques secondes passées à fixer les éléments de preuves que tu devais emmener avec toi, tu reportas ton regard sur l’un des agents, et tu affichas un léger sourire

« Trop tard pour faire machine arrière, hein …? »

Il n’y eut qu’un hochement de tête. Tu récupéras toutes les preuves, que tu glissas dans ton sac à main, puis tu sortis du bureau. Directement le commissariat de police.

A l’entrée, tu te présentas. Tu avais pris un rendez-vous, enfin… Ton agence plutôt, afin d’être sûre d’être prise rapidement et sans trop d’attente, surtout pour ne pas attirer les regards… Ce qui fut déjà un échec, au vue de ton apparence déjà bien connue. Qu’importe.

Tu n’attendis que quelques cinq minutes, puis on t’appela. Un des employés t’attendait à l’encadrement d’une porte, presque en face de toi. Grand, la peau bleu, et presque entièrement en cette nuance pour le reste, cheveux y compris. Même si tu avais l’habitude de vivre dans ce monde où les Alters les plus fous existaient, c’était la première fois que tu découvrais quelqu’un d’une teinte pareille.

Tu te levas et tu t’avanças. Par politesse, tu tendis une main, tout en te présentant.

« Hécate, de l’agence Shine. »

L’agent de police te rendit ta poignée de main, professionnelle, ferme, et brève. Rien de plus que ce qui était nécessaire. Cet agent, tout de bleu étant, avait un regard froid, qui collait bien à sa carnation. Tu remarquas un chien, non loin. Il avait l’air bien content. Probablement de nature, comme beaucoup de canidés. Le policier te proposa un café. Tu haussas les épaules lentement, alors que tu t’installas sur une chaise.

« Je ne suis pas difficile. Cela me convient parfaitement. »

Ou plutôt, cela te convient horriblement. Tu n’eus pas le temps de te perdre dans la couleur du café, car à peine assise, que le chien vint vers toi pour demander de l’attention. Son regard croise le tien, froid, distant, et pourtant, tu arborais un léger sourire amusé. Ta main vint délicatement effleurer le crâne de l’animal. Que de souvenirs… Ce petit chien que tu aurais voulu sauver, et que tu as anéantis en quelques secondes.

Les paroles d’Onyx te ramenèrent à la réalité. Un fan ? Son chien ? Eh bien, voilà qui était inattendu. Lazul. Un joli surnom. Eh bien, ce chien serait le premier fan à se faire caresser, puisque c’était le premier à t’approcher de si près. Avantage animaux, n’est-ce pas ? Tu le caressas tendrement, tu lui fis quelques gratouilles. Bien que tu étais plus chats, la présence des chiens, comme de tout autre animal, avait cette capacité à t’apaiser. L’instant fut bref, mais agréable. Lazul était un compagnon bien éduqué, il retrouva sa place.

Onyx entama un discours sur ta raison ici, et la sienne sur ce dossier. Un discours dont tu avais bien l’habitude, un discours que tu acceptais en silence : tu le savais. Tu n’avais jamais voulu être connue, et pourtant, ton apparence et tes capacités ont démontré le contraire, un peu comme les héros, n’est-ce pas ? Et certains vilains. Il continua sur l’affaire elle-même.

A l’annonce des lettres, tu sortis l’enveloppe de ton sac. Onyx continuait de parler, comme tout bon policier le ferait. Tu attendis qu’il ait terminé, puis tu adressas un regard à Lazul, puis à Onyx. Tu inspiras longuement, avant d’ouvrir l’enveloppe et de la tendre.

« Ce sont des lettres que j’ai reçues. Et dans celles-ci… » Tu sortis une seconde enveloppe un peu plus épaisse. « Il est questions de photographies, d’ordre privées, ainsi que des informations personnelles et confidentielles que vous avons reçues… Pour chantage. »

Tu lâchas un soupir. Tout raconter allait être long, mais puisque tu étais ici, autant faire la part des choses. Tu n’étais pas pour ce genre de solution, ça non. Il n’y avait qu’à écouter, Onyx avait dit que s’il pouvait, une garde t’aurait été octroyée. Tu n’avais vraiment pas besoin de cet encombrement. Pas vu comment tu vivais. Tu inspiras de nouveau, t’adossant sur ton siège, portant le café à tes lèvres. Amer. Le gout te confirmait tes pensées. Sombre et amer, c’est tout ce que cette boisson était, et c’est ainsi que ton âme était aussi. Tu ne pensais qu’à une chose, tu avais déjà faim. Fichu Alter. Tu baissas la tasse, avant de commencer.

« Cela devait être il y a un mois, peut-être un peu moins. C’était un soir, il pleuvait comme aujourd’hui. Si mes souvenirs sont bons, il s’agissait d’une demi-lune. Cela devrait vous aider à estimer la date. Anake et moi étions sortie de l’agence, et nous avons cru voir quelqu’un. Ce jour-là, nous n’en étions pas sûres, alors… On l’a juste ignoré. Il nous a suivi jusqu’à notre immeuble, comme si de rien n’était. »

Tu pris une gorgée de ton café.

« Cela a continué des jours durant, peut-être tous, peut-être pas. Nous n’avons pas vraiment fait attention. Un soir, Anake est partie avant moi, je lui ai dit que je ne tarderai pas… Nous avions pris du retard. Lorsque je suis rentrée, elle m’a expliqué qu’un inconnu l’avait abordé, dans la rue à côté de notre immeuble. Mais rien de bien grave. Anake est de nature un peu peureuse, donc elle a fui avant que quoi que ce soit n’arrive. »

Tu bus, une fois de plus, avant de poser ton café sur la table. Tu dévisageas Lazul, qui était toujours dans son coin, puis ton regard revint sur l’agent de police. Tu te penchas en avant, avant de continuer :

« Quelques jours plus tard, je dirais trois, quelqu’un m’a abordé, et physiquement harcelée. J’ai été saisie, insulté et presque traînée par terre. Heureusement, cela n’a pas été le cas. Sinon, je ne serais probablement pas ici. Et si vous me demandez ce qui l’a fait fuir… »

Tu lâchas un long soupir, en baissant les yeux. Tous les détails, c’était tous les détails. Tu passas une main sur ton visage, avant de soupirer longuement. Ton regard se raccrocha à celui d’Onyx.

« Mon Alter fait du bruit. Et pas des plus glamours. En l’activant, il a eu peur. Il s’est enfui. Quelques jours plus tard, nous avons reçu cette enveloppe, pour faire chanter l’agence. »

Voilà, tu avais tout dit. Rien de plus ne te revenait. Enfin… Tu avais bien oublié un détail : il manquait des photos. L’agence en avait saisi quelques-unes, jugées trop compromettantes pour être vues par d’autres personnes, même s’il s’agissait de la police. Tu savais que tout était prévu en cas d’échec avec la police, mais tu aurais tout de même préféré régler ça en douce.