Je le triture du bout des doigts. Le manche froid et lourd ne me paraît plus aussi dur à porter que la toute première fois. Des années ont passé depuis le jour où je m’en suis saisie… Depuis, j’ai eu le temps de m’habituer à son port. Et à son utilisation.

Un bruit fantomatique résonne à mes oreilles, et une scène défile devant mes yeux. Je me revois, plongée dans le chaos de New York, avec pour seul arme ce pistolet. Cette fois aussi, il m’a été utile. Peut-être… Plus que jamais auparavant.

J’ai beau travailler pour les Repentis, et en être constamment équipée, il ne reste qu’un moyen de dissuasion. Rares sont les fois où j’ai à m’en servir. Autant parce que Starfish est miraculeusement passé entre les mailles du filets des supers-vilains, que grâce à la présence des derniers éléments héroïques compétents.

Et avant ça… Évidemment, fricoter avec les gangs locaux m’a obligé à me défendre. Mais dans ces moments là, je n’ai eu d’autres choix que de réagir sur le tas. J’ai appris de la même manière, d’ailleurs. Le bruit des balles, ça résonne fort. Non seulement je ne tenais pas à me briser les tympans, mais en plus, je préférais autant que possible éviter d’attirer l’attention. Donc, je ne me suis pas vraiment consacrée à un apprentissage méthodique et optimal de l’utilisation de mon arme.

Pourtant, c’est avec elle que je me suis aventurée dans les rues délabrées de New York. Et avec elle que j’ai combattu.

Lors de mon affrontement contre les furries, une balle logée grossièrement dans la cuisse a suffi à stopper mon assaillant. Mais lorsque je me suis retrouvée dans la prison…

On pourrait croire que l’absence de son a aussi troqué mon chargeur contre des balles à blanc. Sur combien de trucs j’ai cherché à tirer ?… Combien en ai-je touché ? Entre le chaos ambiant et mon propre égarement, j’ai bien eu du mal à faire la part des choses. Et à me montrer utile.

Seule, je serai probablement morte.

Alors que je soupèse mon colt, je repense à mes lacunes. Apprendre à lire et écrire, c’est une chose. Mais en plus d’être laborieux, ça ne me servira à rien si une telle situation de combat venait à se reproduire. Et si le contexte m’était encore plus défavorable ? Là, ce serait la fin assurée.

Je ne sais même pas comment je dois réagir face à un alter immunisé à mon arme. Peut-être il y a-t-il des méthodes de combat précises ? Ou un équipement approprié ? Il doit certainement y avoir des possibilités de les contrer. Et si j’avais su à l’avance ces choses-là, je n’aurai pas laissé cette ombre s’échapper de sa cellule.

Mon but aujourd’hui est de combler au maximum mes faiblesses. J’évolue momentanément dans un environnement suffisamment favorable pour. Il serait idiot de ne pas en profiter.

Mais où ? Comment ?

La question ne se pose pas vraiment. J’ai déjà ma petite idée en tête, depuis notre retour de New York…


Les portes du tramway se referment derrière moi. Après avoir répété une dernière fois le nom de la ligne, la petite voix off se tait et part avec son véhicule.

Je ne me suis jamais vraiment aventurée jusqu’aux abords de Big Tree, jusqu’à présent. Du coup, le quartier ne m’est pas spécialement familier… Tranquillement, j’observe les alentours, pour m’en faire une première idée.

Et surtout… Je tends l’oreille.

Le centre-ville constitue un brouhaha monstre, et me fier à mon ouïe pour trouver une cible peut s’avérer particulièrement compliqué. Mais ce n’est pas n’importe quelle cible, que je recherche… C’est un stand de tir. Et il n’y a que peu de choses qui sont moins identifiables et audibles que le bruit d’une balle…

Marcher quelques minutes suffit donc pour trouver ma destination. Quand je saurai enfin lire, je pourrai sans doute utiliser tous ces panneaux pour m’orienter… Mais pour l’heure, ma méthode à l’ancienne suffira.

Je finis donc par m’immobiliser devant un bâtiment, et l’observe de haut en bas. Il y a le dessin d’une cible criblée de balles et de plusieurs munitions, au dessus de la porte. Et surtout, une forte résonance émane d’en contre-bas.

Ça doit être ici.

Je réajuste ma veste, sobrement portée par-dessus mon t-shirt, puis tâte ma sacoche du doigt. L’essentiel de mes possessions s’y trouve toujours. Comme à mon habitude, je ne porte pas de bas, ma fourrure remplissant ce rôle, mais j’ai tout de même pris une paire de bottines pour rendre ma marche plus agréable. Je ne devrai pas avoir à courir, aujourd’hui, donc ça ne devrait pas me poser soucis ; j’ai même évité de prendre mon costard de Repentie, comme pour me dédouaner de tout éventuel problème.

Une fois mes affaires en place, je m’avance et rentre à l’intérieur du bâtiment.

Celui-ci débouche directement sur l’accueil. Mais je ne vois personne. Je progresse un peu, observant les alentours, et finis par m’approcher du comptoir. Il y a un joli bouton juste en face de moi.

"…. t.. t..l.."

Les lettres L et T sont les seules que j’arrive à décrypter. Heureusement que je connais ce genre de système… J’appuie dessus, et lorsqu’un fin grésillement se fait entendre, m’exprime simplement.

« -Je viens pour m’entraîner avec la libératrice de New York. »

Une semaine. Cela faisait environs une semaine que New York avait été « libérée ». La ville, qui n’était désormais plus coupée du reste du monde, était en piteux état et avait encore besoin de bien plus d’aide pour être convenablement « secourue », mais au moins, elle était devenue accessible. En grande partie grâce à une certaine jeune mutante à 4 bras et au sourire particulier.
 
Vermillion n’avait pourtant pas réellement imprimé ce fait. Ou en tout cas, pas de cette façon-là. Certes, elle avait joué un rôle. Certes, ledit rôle était important. Essentiel, même. Mais pourtant, elle refusait de se jeter des fleurs. Ce n’était pas elle qui avait libéré New York, mais le groupe. Les trois groupes. Dans lesquels tous et toutes avaient joué un rôle, plus ou moins important, sûrement essentiel. Elle ignorait à quel point son ressenti n’était pas partagé par tous et toutes dans les groupes en question … Mais en même temps, elle n’avait réellement de contact qu’avec Samuel, qui travaillait avec elle, et Irina, qu’elle n’avait pas revue depuis. Et même avec le blond, elle n’avait pas vraiment cherché à faire de débriefing particulier sur comment la mission s’était passée, pour chacun d’entre eux. Elle n’avait pas l’impression qu’il voulait en parler non plus, à vrai dire. Quant aux autres …
 
Enfin. Le monde ne s’était pas arrêté de tourner pour autant, et si il y avait bien une chose qui n’avait pas bougé, c’était le stand : le friendly fire avait toujours autant - voir même un peu plus - de clients qu’avant, et il fallait du monde pour le tenir. La popularité de l’endroit avait légèrement augmenté suite à l’opération de la semaine précédente, certains curieux venant simplement pour voir Kathleen après avoir entendu parler d’elle aux infos, en profitant parfois pour s’inscrire en espérant qu’elle leurs donneraient une astuce ou deux. C’était une bonne chose, bien sûr, mais ça rimait aussi avec plus de boulot. Aussi, lorsque le week-end était enfin arrivé et que la tireuse avait pu passer son dimanche à glander chez elle, elle n’avait clairement pas dit non. Le lundi, en revanche … Et bien, contrairement à l’immense majorité de la populace qui haïssait ce jour à cause de ce qu’il apportait avec lui, Kathleen ne travaillait pas en tout début de semaine. Du coup, le lundi avait rimé avec répit, lui aussi. Bien entendu, fermer le stand le premier jour de la semaine servait à compenser ses samedis, qui eux étaient parmi les jours où la fréquentation était la plus élevée. Ceci dit, le fait de ne pas avoir le stand ouvert ne voulait pas dire qu’elle ne pouvait pas y passer, et en début d’après-midi, la tireuse s’était dit qu’elle pouvait bien passer une ou deux heures à gérer un peu le surplus de paperasse que sa semaine avait généré et qu’elle avait laissé dans sa pile « à faire » vendredi soir. Elle avait pris une douche après son déjeuner, puis avait quitté son appartement pour ouvrir le stand, sur la porte duquel elle avait laissé le panneau « fermé » bien visible.
 
Contre toute attente cela dit, s’occuper tranquillement de dossiers correctement remplis dans un calme salutaire s’était avéré beaucoup plus efficace que prévu : elle n’avait, en tout et pour tout, eu besoin que d’une vingtaine de minute pour faire disparaître le contenu de son bac « en cours ». Regardant son ordinateur portable, sur lequel elle avait fermé son logiciel de saisie des différents adhérents pour basculer sur une boite mail vide, elle soupira … Puis ferma le pc et quitta le comptoir du stand en y laissant ses lunettes. Pas de fournisseur à relancer, aucune question de compta laissée sans réponse, plus de logistique à traiter, plus de tâche en attente d’être faite … Mais tant qu’à être descendue, autant rentabiliser un peu son temps. Passant un étage en dessous, elle avait passé un petit coup de balais dans la partie « stand de tir », puis avait sorti son matériel : sa cible personnelle métallique, son casque anti-bruit, et juste au cas où, un des pistolets du stand et une boite de munition. Elle comptait s’entraîner avec son alter majoritairement, mais ça lui ferait ça de moins à sortir de son placard sécurisé, si elle avait envie de changer. Ou plutôt, quand elle aurait envie de changer.
 
Il y avait quelque chose de profondément apaisant à pratiquer une activité qu’on avait plus ou moins littéralement dans la peau, et à laquelle on s’adonnait régulièrement depuis presque vingt ans. Le premier stand de tir où Kathleen avait commencé à passer du temps était celui de son paternel, où elle avait littéralement appris à se servir de son alter, alors qu’elle était encore jeune. Un médecin avait spéculé que la façon dont elle avait passé son enfance à proximité d’armes à feu avait quelque peu conditionné l’alter suscité, d’ailleurs … Après tout, sa mère avait un alter de fabrication généralisé, même si elle-même s’en servait surtout pour produire des armes : pourquoi sa fille était-elle « réduite » à un set si limité d’objets ? La seule réponse qu’on avait trouvé, c’est qu’elle voulait faire comme ses parents, qu’elle avait regardé s’exercer à un très jeune âge. L’un, avec ses projectiles semblant faits d’énergie pure, l’autre avec un panel varié de pistolets et de fusils. Résultat ? Elle « fabriquait » des armes à feu, comme sa mère. Et ces dernières tiraient des balles de lumière d’un jaune éclatant … comme son père. Ces dernières puisaient dans ses réserves d’énergie, et la fatiguaient progressivement, de la même façon qu’une session à la salle de muscu ou un long jogging … C’était justement son endurance qu’elle entraînait, lorsqu’elle se laissait aller à tirer pendant des dizaines de minutes consécutive. Elle avait besoin d’assez nombreuses pauses, et ne crachait pas sur un soda au distributeur derrière elle ici et là, mais en soit, elle se sentait progresser … Un peu. Elle marqua aussi une pause ou deux en revoyant les gardes du studio sur lesquels elle avait fait feu, à la place de sa cible en métal. Elle savait qu’elle n’avait pas eu le choix, que l’action avait été justifiée et que c’était une bonne chose qu’elle, Irina et rapace aient remporté ce combat … Mais elle avait un peu de mal à évacuer ce sentiment de culpabilité diffus qui la rongeait. Alors elle se contentait de se remettre à tirer au bout d’un moment, ou de changer d’arme.
 
La première véritable surprise de l’après-midi fut le grésillement du talkie walkie qu’elle avait dans la poche de son short. Premièrement, parce qu’elle avait complètement oublié qu’elle avait son talkie-walkie avec elle, et elle n’était pas sûre de comment la batterie avait supporté que l’appareil soit allumé pendant 3 jours de rang. Ensuite, parce que … Personne n’était supposé lui parler ? C’était lundi, le stand était fermé, pas de clients … Et pourtant, une voix se fit entendre, et lui demanda à s’entraîner. La façon dont c’était formulé aussi perplexifia Kathleen, mais … bah, c’était sûrement quelqu’un qui avait mal lu un truc dans le journal sur elle ou quelque chose … Retenant un soupire, la tireuse fit passer son casque autour de son cou, et sortit l’appareil pour répondre.
 
Jeeee monte tout de suite, deux minutes.
 
Avant de poser le pistolet qu’elle avait en main sur la table, elle en éjecta le chargeur, qu’elle récupéra et posa, puis tira sur la culasse pour éjecter une balle, qu’elle rattrapa au vol. Et on disait qu’elle avait des mains « à ne plus savoir qu’en faire » … Ricanant en y repensant, elle remit la balle dans le chargeur, et le posa à côté de l’arme, à plat sur le petit comptoir qui séparait là où les clients tiraient de là où on installait les cibles. Remontant l’escalier en colimaçon qui menait à l’accueil du stand, elle se blâma intérieurement de ne pas avoir fermé la porte d’entrée à clef … D’une part, le léger qui-pro-quo de quelqu’un pensant le stand ouvert aurait eu moins de chances de se produire, et en plus, ce n’était clairement pas sécurisé … Qu’est-ce qu’elle allait faire le jour où quelqu’un allait juste lui faucher son PC de boulot ? Bon, certes, c’était plus une calculatrice un peu puissante et avec une carte wifi qu’un véritable ordinateur, mais quand même. Cependant, lorsqu’au sommet des escaliers elle ouvrit la porte et regarda la personne qui se tenait au comptoir … Son expression changea du tout au tout. A comprendre par là que ses sourcils vinrent disparaître sous sa frange, laissant bien voir ses deux grands yeux noirs ronds comme des billes. Quant à sa bouche … Et bien, ses crocs beaucoup trop nombreux étaient toujours visibles, mais ils semblaient se serrer les uns contre les autres. Il fallut quelques instants à la tireuse pour remettre un nom sur le visage délicat de la jeune femme, délai au terme duquel elle claqua des doigts et pointa la lapine du doigt.
 
Velvet ! Passé cette première exclamation, la tireuse se tourna vers sa porte d’entrée. Non, de son côté, on voyait bien marqué « ouvert », donc la partie « fermée » du panneau était visible de l’extérieur … Pointant un doigt vers la porte, et tournant de nouveau la tête vers la lapine, la tireuse fronça les sourcils. Tuuuuu as manqué la pancarte ? Je sais que la porte était pas fermée à clef, m’enfin … Boarf, c’est pas grave. Haussant les épaules, la rouge sortit (enfin) de l’encadrement de porte dans lequel elle se tenait pour se rapprocher du comptoir. Maintenant que t’es là, et puisque j’y suis aussi, autant que je te donne un tips ou deux, j’suppose. A vrai dire, c’est p’têt même mieux qu’il n’y ait pas d’autre clients à gérer, en fait … Déjà ça éviterait qu’il y ait des jaloux, et en plus je serais pas obligée de m’interrompre toutes les 30 secondes pour encaisser quelqu’un.
 
S’appuyant un peu sur le comptoir et ouvrant un des petits meubles à tiroirs dans lesquels elle triait et rangeait ses documents vierges, elle sortit une fiche pour un dossier complet, et la posa à côté d’elle sur le comptoir. Tapotant successivement ses cinq doigts sur le papier, elle eut besoin d’un quart de seconde pour réfléchir … Et ferma un œil avec une légère grimace.
 
Mais j’oublie totalement mes manières … Comment ça va depuis la semaine dernière ? Oh, et heum … Vu qu’on est plus vraiment dans un contexte héroïque. Kathleen. Kathleen Sarah Jones. Je suppose qu’on a pas trop eu le temps de faire des introductions correctes, la semaine dernière … Mais je préfère ça à « libératrice de New York ». ça vient d’où ça, d’ailleurs ?

Une réponse me parvient assez rapidement. J’allais devoir patienter quelques secondes. Je m’en satisfais, et d’un pas en arrière, passe en revue la pièce où je me trouve. D’apparence, du moins – en vérité, mes oreilles se sont redressées et cherchent à capter toute sonorité intéressante.

Curieusement… Il ne semble pas y avoir grand monde, là-dessous. J’aurai pourtant parié que le stand de tir d’une héroïne, qui l’est même de façon éphémère, aurait attiré les foules suite au succès de sa mission. Enfin… Ce n’est pas plus mal, pour être honnête. On ne sera pas dérangées pendant la séance.

Une pensée me traverse alors l’esprit. Ai-je au moins la garanti qu’elle soit de service aujourd’hui ? La voix émanant du talkie-walkie était trop grésillante pour être clairement identifiable, et je ne garde pas un assez clair souvenir de la sienne pour l’associer assurément. Cela dit, si Vermillion était absente, on m’en aurait fait la remarque, non ? Hmm, pas si sûr. Toutes sortes de raisons pourraient mener à la situation inverse…

De toute façon, la réponse finit par se manifester d’elle-même. Les bruits de pas se font de plus en plus proches, jusqu’à aboutir à une porte, qui s’ouvre.

J’avoue être rassurée en reconnaissant la silhouette de la tireuse. Elle s’immobilise un instant en me voyant, mais claque des doigts la seconde d’après, comme pour se remettre en marche. Elle se souvient de moi, c’est déjà pas mal.

Je n’ai cependant pas vraiment le temps de répondre, qu’elle me désigne la porte d’entrée. La pancarte ? Quelle pancarte ? Je glisse un regard circonspect vers cette dernière, peu certaine de savoir où elle veut en venir.

« -... »

Si elle compte sur moi pour lire ce qui y est écrit, c’est raté.

Elle enchaîne rapidement, tout en rejoignant le comptoir. J’avais oublié qu’elle est du genre à beaucoup parler. Au moins, on ne perd pas de temps. Elle me confirme être la seule personne présente aujourd’hui, et entreprend de me sortir un dossier. Je pourrai bien profiter de ce silence pour en placer une, mais je sens qu’elle n’a pas vraiment terminé. Mon intuition s’avère exacte, et elle décide de transiter sur un échange de nouvelles plus anodin. Elle en profite pour me révéler son véritable prénom – ce qui m’arrache un haussement de sourcil surpris, pour être honnête – et conclut en m’interrogeant sur le titre que je lui ai donné. Ce qui me donne un ressort suffisant pour rebondir.

« -Tu ne m’as jamais donné d’adresse, pour venir ici. Je savais qu’en demandant aux gens "comment aller au stand de tir de la libératrice de New York", j’aurai moins de mal à te retrouver. »

Heureusement qu’elle a entamé le dialogue la première, car j’aurai opté pour un vouvoiement immédiat. Mon ton n’est sans doute pas aussi énergique qu’elle, mais au moins, ma première phrase ne sonne pas comme un reproche.

« -Oh. Et… Velvet est le seul nom que je possède. Donc tu peux continuer à m’appeler comme ça. »

Je n’ai jamais réfléchi à prendre un surnom, pour mes missions. Quoique, mon prénom en est déjà un, techniquement. Enfin… Ce genre de considération me paraît superflu. Devoir réagir à l’appellation Velvet me suffit.

Mon attention descend sur la feuille posée entre nous. Kathleen s’attend probablement à ce que je la remplisse. Bon, ce scénario devait bien arriver, mais… J’aurai espéré pouvoir m’en passer. Mal à l’aise, je détourne légèrement le regard.

« -Hum… Je ne sais pas écrire. Ni lire, d’ailleurs. »

Je laisse un court silence s’installer, pour lui laisser le temps d’assimiler l’information. Je sais que ce n’est pas chose courante, et je suis donc habituée à la stupéfaction de mes interlocuteurs. Hélas, ce n’est jamais trop agréable de devoir s’expliquer… Ça l’est d’autant plus que j’ai pris la résolution de palier à ce problème, et qu’il reste malgré tout très handicapant.

« -J’ai grandi dans la rue. Il n’y a... Pas beaucoup d’écoles, là-bas. Je suis rentrée dans une institution officielle seulement après mon arrivée à Starfish. Donc… Peu après l’Effondrement. »

A mesure que je développe, mon regard maintient de nouveau celui de Kathleen.

« -Jusqu’à présent, je n’en avais pas besoin, de toute façon. Ce n’est que depuis notre mission que j’ai réalisé que ça allait devenir une nécessité. Ce qui me fait penser... »

Je fais passer ma sacoche devant moi, et sors un à un son contenu sur la table. Mon colt, un premier papier m’autorisant à porter une arme, un second signifiant que celle-ci m’appartient. Et enfin, un téléphone portable, que je fais glisser vers Vermillion.

« -Ça, là. Je l’avais trouvé dans les affaires de la fille. Tu te rappelles ? Tu nous avais aidé à le déverrouiller à distance. »

Une fois que mon interlocutrice le saisit, je hausse les épaules.

« -Tu te doutes bien que je n’ai pas pu en tirer grand-chose. Mais… Si tout ce qui se dit aux infos est vrai… Et que tu as su sympathiser avec la gamine… Je me dis que ce sera plus utile entre tes mains qu’entre les miennes. »

Plus nonchalante, je m’appuie contre le guichet.

« -Normalement, c’est le genre de trucs que j’aurai dû transmettre au maire. Mais j’ai préféré attendre de te voir… Au cas où cela puisse t’intéresser. »

S’il avait été question d’un criminel lambda, je me serai probablement contentée de l’envoyer au Bâtisseur, sans me poser plus de questions. Mais… Suite au discours de ce dernier…

Apprendre que l’entièreté du gouvernement d’antan était corrompu, et que les prétendus terroristes n’étaient que des enfants acculés, m’a fait relativiser certaines choses. Ils ont dû se sentir… Si seuls.

Probablement qu’à la vue de Hikiko, je me serai contentée de la neutraliser. Par tous les moyens. Mais Kathleen, elle, a su la convaincre de nous aider pacifiquement. Donc… S’il y a la moindre chance qu’elle puisse venir en aide à cette gamine, eh bien… Autant la lui donner.

Quand bien même son sort ne me concerne plus vraiment. Et puis... Ca me donnera des airs moins aigris...

HRP:

La réponse de la lapine sécha un peu la tireuse sur place. Pas de façon désagréable, mais … Oui, en effet, elle n’avait pas vraiment dit quoi que ce soit de plus que « j’ai un stand de tir en centre-ville » … Bon, les circonstances ne lui avaient pas vraiment laissé l’occasion de laisser un mot ou une adresse détaillée, vu qu’elles s’étaient séparées un peu dans la précipitation, un moment plus tard, pour ne plus se recroiser. Mais tout de même, elle se sentait idiote d’avoir invité quelqu’un sans lui donner de coordonnées. La suite fit cependant ressentir une certaine gêne à la mutante, qui ne put empêcher ses épaules de tomber légèrement, et sa tête de pencher sur le côté.

Nooon, tu as fait ça ? A-attends, et ça a marché ? J’veux dire … Tant mieux si ça … t’as permis de trouver le friendly fire, mais quand même, c’est super réducteur pour tout le monde … J’veux dire, j’ai pas agi toute seule non plus.

Une main monta à la nuque de la mutante pour la masser un peu, essayer de dissiper le malaise qu’elle ressentait. Libératrice de New York … Elle n’était pas descendue des cieux avec son Benizakura en main, pour frapper et abattre la barrière qui isolait la métropole d’un seul coup, à ce qu’elle sache. Elle n’avait pas lu tout ce qu’on avait écrit sur elle, mais elle espérait que ça rendait quand même justice aux autres participants de l’opération, qui avaient été aussi importants qu’elle et avaient pris d’aussi gros risques, sinon plus. Heureusement, cette discussion sur les appellations fut conclue par Velvet, qui précisait qu’elle n’avait pas d’autre patronyme. Un peu surprenant – ça ressemblait beaucoup à un surnom, un peu, non ? – mais la mutante pouvait composer avec.

Ceci étant, la suite était encore un cran au-dessus, en termes de surprise. Velvet était analphabète … La tireuse ne put retenir un très léger Oh … à peine soupiré, mais tout de même probablement audible, surtout pour son interlocutrice. Deux choses viennent à l’esprit de la tireuse. En premier, de la perplexité. Ne pas avoir de diplôme, ce n’était pas si inconcevable que ça … Pas plus que savoir lire de préférence dans une langue étrangère, même si ça s’accompagne en général d’un accent à l’oral. Mais là, entre son accent d’un état de l’ouest –difficile de saisir directement lequel mais il est présent- et son patronyme anglais … ça sous-entend surtout un passé « compliqué » pour la jeune femme. Et sûrement bien moins mignon que ses longues oreilles ou sa fourrure. La seconde émotion qui prit presque immédiatement le pas sur la première fut de la compassion, ceci dit. Une sorte d’instinct qui poussait la tireuse dentue à se sentir un peu mal, pour quelqu’un qui très explicitement n’était pas fière de sa condition, même si ce n’était absolument pas de sa faute. Probablement parce qu’elle avait vécu quelque chose de très similaire, même si très différent. Mais avant qu’elle ne puisse penser à dire à son aînée de ne pas s’embarrasser en détails qu’elle aurait sûrement gardés pour elle-même, Kathleen entend une brève histoire de sa vie, à peu près aussi triste que ce qu’elle pensait.

Et bien, ça n’a tout de même pas dû être facile … Hmm ?

Eloignée du sujet actuel par le fait que Velvet était en train de déposer plusieurs objets sur le comptoir à côté d’elle, Kathleen vit son train de penser faire un passage express par le coin « rigidité » vis-à-vis des règles. Elle espérait sincèrement que ce colt n’était pas chargé. Enfin. Elle aurait aimé. Mais elle avait peu d'espoir à proprement parler. Enfin, Velvet était nouvelle et pouvait difficilement connaître le règlement du stand, elle lui en parlerait après. Elle se reporta plutôt sur les deux papiers, et le téléphone qu’on fit glisser dans sa direction, donc en théorie ce à quoi elle était supposée s’intéresser. Il lui fallut quelques instants – et les paroles de la lapine aidèrent – pour se souvenir d’où elle l’avait déjà vu.

Le portable d’Hikiko, oui. Tu l’avais gardé ?

Posant la question peu avant de recevoir la réponse, la tireuse le prit en main, appuyant sur le bouton d’alimentation … Sans résultat. Hm. Décevant, mais en y réfléchissant un peu, pas vraiment surprenant … les appareils mobiles avaient rarement une batterie qui durait toute une semaine. Un rapide check de la prise rassura la tireuse sur le fait qu’elle pourrait le mettre à charger en temps et en heure, aussi se contenta-t-elle de le garder en main quelques instants, réfléchissant … Puis réalisant qu’elle avait laissé un petit silence s’installer. Elle eut un léger sourire – difficile à identifier au premier coup d’œil, mais son ton de voix et les mouvements de ses pommettes / sourcils aidaient – et hocha légèrement la tête vers l’avant.

Merci. Ça … M’intéresse, oui. Elle marqua un instant de pause. Puis se dit qu’elle pouvait bien un peu équilibrer le nombre de confessions qu’elles se faisaient l’une à l’autre, tant qu’à y être. Pour être honnête … J’ai encore pas mal d’affaires à elle, moi aussi. Je pensais les remettre à la police pour les aider à enquêter, une fois qu’on aurait fini, mais … Lorsqu’elle a pris la fuite, elle a fait exploser le bâtiment où on se trouvait, en prenant la peine de nous protéger, moi et Irina. De nous sauver la vie, en fait. On a été bloquées sous les décombres quelques heures, mais ça donne du temps pour … Relativiser. Et puis, son carnet me donnait vraiment pas l’impression qu’elle avait besoin d’un poing dans la gueule et d’une cellule … Juste d’aide. Bref. Heum, je … Merci. Encore.

Petit ricanement. Petite, elle voulait arrêter les vilains, et maintenant, la voilà qui gardait des preuves et du matériel d’enquêtes hors de portée de la police pour en aider une … Il y avait de quoi « relativiser ». Et expliquer qu’elle ne savait plus très bien quoi dire. Autant changer de sujet, du coup … Glissant le téléphone dans une poche et se mettant une note mentale de retrouver le carnet qu’elle avait posé dans ses affaires, la tireuse se tourna vers le formulaire qu’elle avait tourné vers Velvet plus tôt, tapotant dessus d’un ongle noir.

Si ça ne te dérange pas, du coup, je vais remplir ça … Mais en te posant quand même des questions, histoire de. Mais ça peut attendre, bien sûr … Par contre, pour ton flingue. Relevant l’index pour le pointer vers le colt, la tireuse se fit violence pour ne pas le prendre elle-même. Ça pouvait être mal perçu, comme geste. Je vais juste te demander de le décharger tant qu’on n’est pas au sous-sol et sur le point de tirer. Règle de la maison. Non pas que tu m’aies l’air maladroite et encore moins mal intentionnée, mais je préfère éviter de prendre le moindre risque. Le chargeur et la balle dans la chambre, au passage, les gens ont tendance à l’oublier sur les modèles semi-automatiques.

Décollant finalement son bras du comptoir, la tireuse se pencha par-dessus en laissant la jeune femme opérer, scannant le fouillis organisé qui lui servait d’espace de travail. En un instant, elle repéra sa cible : ses lunettes correctives, qu’elle se mit sur le nez sans attendre. L’hypermétropie légère dont elle souffrait ne la handicapait pas énormément dans la vie de tous les jours, mais c’était tout de même plus reposant pour lire. Saisissant les deux papiers qu’avait posé Velvet, elle fronça légèrement un sourcil en les parcourant l’un, puis l’autre.

Hmm … C’est de la régul’ temporaire, tout ça, pas un permis de port d’arme en règle … Je vois. Il me semble que tu peux le faire transformer en permis sans souci ceci dit … encore que. Reposant la feuille qu’elle tenait près du sac de la lapine, la tireuse retira ses lunettes d’une de ses mains gauches, en se grattant un peu le menton de … l’autre main gauche. J’ai un doute … Je suis pas sûre que le shériff Moore soit trop coulant au niveau de ce genre de procédures. Hmmm … Bon, voilà ce que je te propose. Les deux bras inférieurs de la tireuse se croisaient sur son ventre dénudé, pendant qu’elle se relaxait un peu et souriait à nouveau à la lapine. Je vais bricoler un peu pour t’inscrire au stand et te créditer assez de temps pour que tu puisses au moins venir apprendre les bases sans souci. Pour ton dossier, je m’arrangerais, et au pire j’éditerais de façon rétroactive quand tu auras un peu régularisé ces documents, vu qu’ils sont … Borderline. Pour ton permis de port d’arme officiel, la procédure classique consiste à faire une demande à la mairie, remplir des trucs que t’envoies le shérif, et passer un « test » dans un stand de tir pour qu’on s’assure que tu ne sois pas un danger public. Vu les tampons que tu as sur ton document, côté mairie, c’est tout bon, et je doute que le shérif s’oppose trop à te donner un permis en bonne et due forme, mais si jamais, viens tout simplement ici. Je t’aiderais pour la paperasse et on fera l’examen ensemble. Mais tout ça, c’est des papiers, du blabla administratif et ce genre de choses. Si on s’en occupait après avoir passé un petit moment à l’étage du dessous, que je te montre quoi faire et pas faire avec ta pétoire ? Et te permettre de t’exercer un peu aussi, bien entendu.

Le ton de la tireuse était passé d’informel et légèrement ennuyé a bien plus motivé et enjoué lorsqu’elle avait effectué une transition pour passer de l’administratif à l’exercice. Ce n’était pas très difficile de trouver ce qui lui plaisait le plus dans son métier, même si elle le connaissait sur le bout des (vingt) doigts. Se décollant du comptoir sur lequel elle s’était elle aussi mise à se reposer, elle sembla cependant réaliser quelque chose, et marqua une petite pause.

… Tu nous avais dit que ton ouïe était très sensible, au passage, il me semble ? Parce que quand on s’exerce au tir, on doit déjà toujours porter un casque anti-bruit, mais pour toi … S’interrompant au milieu de sa phrase, la tireuse fit le tour de son propre comptoir pour s’accroupir et disparaître derrière, faisant juste attention à ne pas faire traîner sa chevelure sur le sol en la soulevant de deux bras. Fouillant un peu en se parlant à elle-même, elle finit par sortir une petite boite, qu’elle posa devant elle, ouvrit … Et en sortit un genre de cylindre noir, poli, percé d’un trou à une extrémité, doté d’un pas de visse de l’autre. C’est un modèle compatible avec l’immense majorité des 9 millimètres. Ça ne dispense pas du casque, mais ça devrait faire baisser le volume d’un cran, quand tu tires … Oh, heum. C’est cadeau. Un client l’a abîmé il y a deux trois semaines, et il fonctionne encore, mais les gens aiment pas louer un truc qui a « l’air » cassé.

Katleen n’avait aucune liste de « trucs à faire dans sa vie ». Et si elle en avait eu une, « offrir un silencieux à quelqu’un » n’aurait pas été un item qu’elle aurait mis dessus. Pourtant … Et bien, elle aurait pu le cocher, vu qu’elle venait de le faire.

HRP:

Mon visage a beau rester de marbre, mes oreilles se redressent légèrement aux remerciements de la tireuse. C’est un mouvement subtil, mais qui trahit un certain intérêt. Je ne suis pas forcément la plus à l’aise quand il s’agit d’interactions sociales élémentaires, et je n’étais pas certaine que cette attention fasse son effet. En avoir la confirmation me rassure donc quelque peu.

Je ne sais pas à quel point Kathleen est digne de confiance, mais je ne pense pas non plus me tromper en lui confiant ce téléphone. Le pire scénario serait qu’Hikiko et elle soient de mèche depuis le début, auquel le cas je contribuerai involontairement à la disparition d’éléments incriminant… Ce qui est une possibilité certes, mais peu vraisemblable.

Je n’ai rien d’autre que mon intuition pour affirmer cela – tout aussi bien, Vermillon roule dans la farine l’intégralité de Starfish et New York depuis le début ; mais cela constituerait un scénario tellement tordu et complexe qu’il me semble pertinent de l’écarter.

De toute façon, le téléphone est confié, désormais. Ce qui va arriver à lui ou son contenu n’est plus de mon ressort.

Mais revenons aux véritables raisons de ma venue. Le tir. Face à mes difficultés apparentes, Kathleen se propose de remplir le formulaire à ma place. Par contre, je dois décharger mon arme… Peu certaine d’en saisir l’intérêt, je m’y applique cependant diligemment. Tant que je peux garder mes balles sur moi, ça ne me pose aucun problème particulier.

La suite, par contre, s’avère plus… Complexe. Avant même que je ne m’en rende compte, voila qu’elle me déblatère tout plein de choses au sujet de l’administratif : des histoires de dossier à compléter, documents à régulariser, examens à passer… Les clignements répétés de mes yeux sont assez significatifs de ma perplexité. Une… Une minute. Je ne suis pas venue pour tout ça, moi. J’ai une autorisation du maire pour me balader avec ce flingue… Ça devrait suffire, non ? Je ne l’ai peut-être pas obtenue d’une manière très conventionnelle, mais… Ça, elle n’est pas censée le savoir… Si ? A moins qu’en tant que propriétaire d’un stand de tir, elle soit particulièrement renseignée sur le sujet ?… Bon sang, je n’y comprends rien. Si la vie underground avait bien un avantage, c’était celui-ci : on s’embête pas avec la paperasse. Simplement trouver un coin où habiter devient une véritable torture quand on veut faire les choses « bien »… Même si Vindows peut m’aider à gérer la plupart des papiers, je ne pourrai pas éternellement compter sur elle. Combien de temps encore me faudra-t-il avant de devenir complètement indépendante ?…

Je retiens un profond soupir. Heureusement que, dans sa tirade ininterrompue, mon interlocutrice semble s’accorder sur le côté laborieux de tout ceci. Gérer tout ça plus tard ? Ça me va. En signe de mon égarement, je plaque une main contre mon front et grimace légèrement.

« -Oui. Hum. Faisons ça... »

Une bien courte réponse à apporter à son long discours. Cependant, j’ose espérer qu’elle s’en accommodera : elle va devoir s’habituer à ce genre d’échange de toute façon..

Mais alors que je pensais l’amorce enfin terminée, Vermillon semble se rappeler d’une dernière chose. Elle aborde mes capacités auditives, ce qui m’arrache un haussement de sourcil surpris. Machinalement, ma main droite vient palper une de mes oreilles… Il est vrai que le son des coups de feu est particulièrement désagréable à entendre. Les premières fois où j’ai eu à m’en servir… J’ai cru devenir sourde. Avec le temps, j’ai appris à rabattre mes oreilles pour réduire le contre-coup, et me suis habituée à lui d’une façon générale, mais cela n’en reste pas moins gênant.

Aussi, je ne peux que jeter un regard intrigué à la boîte qu’elle pose devant elle. Elle en sort un objet cylindrique plutôt long, que je crois reconnaître… N’est-ce pas le genre de choses que l’on fixe à l’avant d’un canon pour atténuer le son d’une arme ? Ses propos confirment assez rapidement ma supposition, et me font même relever la tête sur la fin. Elle… Elle souhaite m’en faire cadeau ? Étonnée, je me saisis néanmoins du silencieux, et après un instant à l’observer, attrape mon arme de l’autre main. L’assemblage s’avère assez simple et intuitif (et signifiant quant à la nécessité de décharger son pistolet), et une fois terminé, je soupèse le produit final. L’arme est plus lourde, son équilibre n’est pas tout à fait le même… Et j’ignore si ça a un impact sur la précision du tir. Pour autant…

« -Merci. »

J’abaisse mon bras, et adresse un hochement de tête reconnaissant à Kahtleen.

« -C’est sympa. Tout comme le fait de t’occuper de moi. Alors que…  »

Je fais un court mouvement du menton en direction de la porte.

« -Tu sais, la pancarte. Tout ça. »

Je ne suis toujours pas certaine de savoir quelle règle j’ai transgressé au moment d’arriver ici, mais visiblement, elle en a passé outre. Et même si je n’ai rien compris à son charabia précédent, j’ai bien saisi qu’elle m’offrait son aide pour une bonne partie du service et du suivi administratif. Ai-je fait quoi que ce soit pour mériter autant d’attention ? J’en doute. Nous n’avons eu le temps d’échanger que quelques paroles lors de notre mission. En fait, c’est presque comme si nous nous étions simplement croisées.

Pour autant, il y a quand même eu toute cette phase de progression dans New York, bien avant d’arriver au repaire d’Hikiko. Elle n’a certes pas été propice au dialogue, mais malgré tout, nous avons dû mettre nos forces en cohésion le temps de nous frayer un chemin jusque là-bas. Pas seulement Vermillon et moi, mais aussi tout le reste du groupe. Dès lors, est-ce que le simple fait d’avoir conjointement risqué nos vies justifie une telle entente ?

Je ne sais pas. Peut-être.

En tout cas, j’ai appris à ne jamais refuser une opportunité lorsqu’elle se présente à moi. Les gens mal intentionnés sont rarement aussi avenants à long terme – en tout cas, pas avec quelqu’un comme moi, qui n’ai strictement rien à apporter. Si j’étais pétée de thune ou que je possédais quelques informations confidentielles, je ne dis pas ; mais là…

Ce n’est qu’une fois ces paroles échangées que Kathleen m’invite à la suivre jusqu’au sous-sol. Je la suis dans un escalier en colimaçon, pour arriver dans une vaste pièce souterraine. Je remarque assez rapidement de nombreux casiers, visiblement fermés, et tout de suite après, les pistes de tir, séparées par des plaques vitrées. Ce n’est qu’une fois en bas que je note aussi la présence de distributeurs au fond, et de rails au plafond. Il est également possible de descendre un étage de plus, mais je ne suis vraisemblablement pas concernée par celui-ci – pour l’instant, du moins.

Conformément à ce que mes oreilles m’indiquaient, il n’y a personne. J’ignore si c’est une bonne chose pour mon hôte, mais à titre personnel, je trouve ça plus arrangeant.

Passé un instant à observer en détail cet environnement, je me tourne vers elle, expectative.

« -On commence par quoi ? »

Après quoi je hausse les épaules.

« -Je t’avoue ne pas vraiment savoir ce que je vaux. Surtout par rapport à une pro, comme toi. »

J’ignore également ce que je peux bien devoir travailler pour m’améliorer. Ni même comment, en fait.

Mais bon, je suis bien là pour ça, hein ?

La façon de cligner des yeux de façon répétée et d’approuver qu’eut Velvet fit pouffer la tireuse, qui réalisa qu’elle balançait peut-être un peu beaucoup de termes techniques d’un coup pour quelqu’un qui, au final … ne devait même pas très bien comprendre ce qu’était un formulaire ou comment cela marchait. Difficile de lui reprocher de ne pas avoir tout suivi. D’une main, la tireuse souleva le formulaire d’inscription au stand, de l’autre elle le désigna, et les deux dernières partirent à la recherche de son portefeuille dans une de ses poches.

Je vais te poser les questions marquées là-dessus. Tu vas me donner les réponses, que j’écrirais. Et dans quelques semaines … Ah, le voilà. Tirant son portefeuille et l’ouvrant, la dentue en sortit un papier rose qu’elle déplia. donc, dans quelques semaines, tu obtiendras ceci : un permis de port d’arme. Ça sert à la même chose que ton papier, mais c’est pour tous types d’armes, et personne ne se posera de question sur s’il est légitime ou pas.

Cette simplification un peu grossière n’était pas entièrement exacte, surtout dans la mesure où elle tenait le formulaire d’inscription à son stand, mais au moins comme ça, Velvet allait probablement un peu mieux saisir dans quoi elle s’engageait. Ou alors, avoir une confirmation que ce qu’elle avait compris était correct. C’était le problème le plus évident que voyait la rouge à ne pas savoir lire … Dès qu’il s’agissait de documents, on était obligé d’entièrement s’en remettre aux autres, sans moyen de réellement comprendre dans quoi on s’engageait ou était entraîné. Lorsqu’elle avait signé son premier contrat d’ailleurs, Chipp, son ancien patron, lui avait tendu un petit piège : une clause du document spécifiait que tout l’argent qu’elle gagnait en y travaillant reviendrait au stand. Bien sûr, il lui avait fait remarquer cela, avant de lui donner un vrai contrat … Mais elle s’était sentie très embarrassée sur le moment, et s’était dès lors appliquée à lire tous les documents qu’on lui remettait avec application.

Un petit moment plus tard, la lapine avait figuré d’elle-même comment visser le silencieux sur son pistolet, aussi la mutante s’était-elle contentée de la regarder le mettre en place et étudier de quelle façon cela modifiait son arme. Ce n’était pas rien, comme cadeau, vu le prix de ce genre d’item lorsqu’on cherchait à s’en procurer un neuf … Mais d’une part, vu que celui-là avait une longue rayure un peu disgracieuse qui courait d’un bout à l’autre du cylindre, il n’allait probablement plus être utilisé du tout par les clients. Et d’autre part … et bien, c’était le stand qui payait. Vu l’augmentation du nombre de clients récemment, la rouge pouvait bien se permettre cette « petite dépense ». Mais qu’elle soit ou pas au courant de la valeur de ce qu’elle avait dans les mains, la mafieuse remercia tout de même Kathleen, qui se contenta de ricaner doucement. Autant pour le cadeau en lui-même que pour le fait qu’elle était d’accord pour passer du temps avec elle.

Ah, oui, la pancarte qui dit que le stand est fermé les dimanches et lundi. Boarf, t’en fais pas. Déjà je t’ai invité à venir, et en plus, j’adore rendre service.

Plus d’un « argument » supplémentaire étaient passés par la tête de la tireuse, en réalité. Elle aurait pu blaguer, dire que si Velvet revenait régulièrement, cela lui faisait une cliente de plus … Mais le côté « amusant » de la phrase, à savoir que ses vraies motivations n’étaient clairement pas commerciales, n’était pas des plus évidents si on ne la connaissait pas. Hors … Là reposait un peu un problème que la tireuse n’avait pas vraiment envisagé auparavant : elle et Velvet ne se connaissaient pas énormément. Dire « pour toi, je veux bien faire une exception » ou « j’aime bien passer du temps avec toi » à quelqu’un qu’on avait au final assez peu côtoyé était … Inhabituel, voir un peu louche sous certains angles. Même si la compagnie de la lapine était pour le moment appréciable, mais c’était une autre question. Kathleen avait aussi très brièvement envisagé de dire « je préfère passer du temps à t’entraîner toi plutôt que de m’exercer seule », mais … Ce n’était pas forcément très cool, comme façon de présenter les choses. Qui aime s’entendre dire « j’ai rien de mieux à faire que d’être avec toi », après tout ?

Oh, et bien entendu, il était absolument hors de question de dire à la mafieuse que le traitement de faveur qu’elle recevait avait quoi que ce soit avoir son physique, en particulier vu que ce n’était pas vrai. La tireuse la trouvait certes plutôt attirante, mais elle avait tout de même des standards.

Non, l’un dans l’autre … C’était définitivement bel et bien juste un élan de générosité qui poussait Vermillion à filer un coup de main(s) à Velvet. Ça, et le fait qu’elles aient toutes les deux essayé de sauver une ville. La chance et les circonstances avaient fait que c’était la tireuse qui avait mené l’action décisive … Mais tout de même, l’une comme l’autre avaient parcouru la moitié de la cité dans des toboggans loufoques débouchant sur des endroits étranges et dangereux, et ça comptait pour quelque chose. Un petit peu. Mais plutôt que de continuer à s’attarder sur ce qui la motivait, la gérante du stand se dit qu’elles pouvaient plutôt passer à la prochaine activité : tirer. Et pour ça, c’était à l’étage du dessous. La rouge repassa derrière son bureau pour prendre une paire de munitions tout ce qu’il y avait de plus classiques –pour le pistolet de Velvet bien sûr-, puis se remit en marche vers le sous-sol. Conduisant son invitée jusqu’à la porte d’accès à l’escalier, elle ouvrit cette dernière avec son badge, descendit d’un étage, et lui laissa quelques instants pour se familiariser avec les lieux. Suite à sa rapide inspection, la lapine posa la question la plus logique qui soit, avant de mettre légèrement en doute ses propres compétences … Ce que la tireuse balaya avec un petit ricanement.

Oh, tu sais, je valais pas grand-chose non plus avant d’apprendre. Mais bon, pour commencer je suppose qu’on peut tester un peu ta précision, et en fonction de comment tu te débrouilles j’aviserais. Maintenant tu peux remettre des munitions dans ton flingue.

Indiquant d’une main l’une des surfaces planes qui séparaient l’endroit où les adhérents pouvaient se balader, et le champ de tir, la mutante se dirigea elle vers un des coins de la salle. Récupérant une cible de papier au distributeur, ainsi qu’une paire de casques de protections auditives, elle revint ensuite vers Velvet, lui tendant un casques d’une main et mettant le sien sur la tête avec deux autres. Une fois ceci fait, elle tira du pied un petit escabeau qui se trouvait à deux pas de là, et monta dessus pour atteindre le plafond. Un genre de fixation était accrochée au rail qui partait du poste de tir jusqu’au fond du champ de tir, et c’était à cette dernière que la tireuse fixa la cible de papier, une belle grande feuille blanche dans laquelle étaient dessinés plusieurs cercles concentriques. Beaucoup de monde cherchait à s’entraîner sur cible humaine, mais … On allait attendre un peu, pour ça. Descendant de son petit perchoir, la tireuse appuya ensuite sur un bouton sur l’une des séparations entre le poste de tir de Velvet et celui à côté d’elle, et la cible se mit en mouvement d’elle-même, reculant au-dessus de la surface couverte de sable.

Bon, pour cette fois je te fais tout, mais tu verras comment gérer ça, si tu reviens ? Le distributeur là-bas vends des cibles neuves pour deux-trois sous, mentionna-t-elle sans s’attarder sur le fait qu’elle pouvait en avoir autant qu’elle voulait avec son badge de gestionnaire, ensuite tu les accroches comme je viens de le faire. Pour régler la distance, c’est simple : la molette en bas te laisse choisir entre 0, 10, 15, 20, 30, 50, etc jusqu’à cent cinquante mètres, et le bouton mets le mécanisme en mouvement pour déplacer ta cible à la bonne distance. Pour le moment j’ai juste mis 20 mètres, mais bien sûr on pourra diminuer ou augmenter, selon comment tu te débrouilles.

Pour le reste, s’entraîner au tir, c’est pas bien compliqué … Tu cherches à améliorer deux choses : ta précision, et ta vitesse. La précision, logiquement, c’est toucher la partie que tu veux de ta cible. Plus tu es précise, plus tu peux toucher une cible lointaine ou petite. La vitesse, c’est le temps que tu mets à avoir une précision acceptable : tu as pas toujours 30 secondes pour te poser tranquillement, ajuster ton tir, et presser la détente. Des trucs assez logiques, en gros. Il y a d’autres éléments à prendre en compte bien sûr : gestes à faire ou pas faire, entretenir ton flingue, savoir le démonter et remonter, savoir quoi faire s’il s’enraille … Mais déjà, fais-moi quelque trous dans la feuille de papier là-bas, on verra la suite plus tard.

En un court ricanement, Kathleen cherche à me rassurer. Le tir, ça s’apprend. Normal que je ne vaille pas grand-chose en l’état… Elle m’explique ensuite ce par quoi nous allons commencer, à savoir, tester ma précision, et m’invite à recharger mon arme. Le fait d’avoir pris autant de précautions pour descendre ici me fait presque hésiter au moment de m’exécuter, mais de toute évidence, c’est une étape par laquelle il me faut repasser.

Pendant que je m’y affaire, la tireuse va chercher une feuille de papiers, et des casques. Je dois prendre quelques secondes de plus pour bien couvrir le creux de mes oreilles, et d’autres encore pour m’habituer à son port. La moue contrariée que j’affiche au tout début témoigne de mon manque d’accoutumance, néanmoins je finis par m’y acclimater. Ça restera infiniment plus agréable que de se faire percer les tympans par le son des armes à feu.

Vermillon, quant à elle, attache la feuille sur un dispositif qui va la positionner plus loin, dans la zone de tir. Cela fait, elle enchaîne sur de nouvelles explications, me spécifiant notamment la procédure habituelle pour mettre en place une cible. Ainsi donc, il faut payer pour récupérer des feuilles ?… Ce n’est pas le genre d’élément auquel j’aurai pensé, pour être parfaitement honnête. Mais donc, est-ce que ça implique qu’on peut ramener ses propres cibles pour éviter d’avoir à débourser de l’argent ?… Je m’abstiens cependant de poser la question, autant par politesse pour mon hôte que par prodigalité. Après tout, j’ai un salaire plus que honnête, aujourd’hui, et peu de frais à engendrer… Je n’ai plus de raison d’être autant parcimonieuse qu’à mon arrivée ici.

Enfin, Kathleen arrive à l’étape qui m’intéresse le plus : l’entraînement. Améliorer autant la précision que la vitesse… Ça serait en effet souhaitable. D’autant que l’essentiel de mes capacités repose sur une certaine rapidité d’exécution ou de réaction… Mes attaques à l’arme de poing doivent pouvoir suivre si je veux espérer être efficace. Et me défendre, accessoirement…

En guise de réponse, je me contente d’acquiescer. J’ai quelques secondes d’expectation en pensant recevoir des consignes sur la façon de me placer ou des mesures de sécurité à respecter, mais vraisemblablement, Vermi m’invite à agir de mon propre chef.

Alors, sans un mot, je me place en face de la cible. Je me mets un peu en biais, écarte légèrement les pieds, et lève le bras tenant mon arme.

Il me faut une dizaine de secondes supplémentaires pour positionner le canon du pistolet tel que je le souhaite. Je pourrai probablement attendre plus longtemps et encore mieux me placer, mais….

Pan. Je presse la détente sans trop attendre.

Comme l’a dit Kathleen, en combat, on n’a pas toujours l’occasion de prendre le temps de se placer. Ces quinze secondes de mise en place représentent déjà beaucoup. Surtout pour une cible immobile… Je ne tiens pas à excéder ce temps de positionnement là.

Ce premier tir passé, j’ai un fin sourire en percevant le son ténu de l’arme. Certes, le casque y est probablement pour bien plus que le silencieux. Cela dit, avec les deux combinés, tirer devient immédiatement plus agréable. De sorte à ce que je n’attends pas bien longtemps pour enchaîner avec une rafale de tir.

Après cinq, ou peut-être six coups tirés, j’abaisse calmement mon bras. J’avise mon arme un instant, et juge bon d’en éjecter le chargeur. Il est vide… J’ai donc bien tiré sept fois.

De là où je suis, impossible pour moi de constater si j’ai visé juste. Il faut attendre que la feuille soit ramenée jusqu’à nous pour le constater…

Sur les cercles concentriques qui la composent, des numéros sont indiqués. Ils croissent à mesure que l’on se rapproche du centre, et les derniers ronds sont coloriés de noir. C’est ce cercle noir que j’ai cherché à atteindre, en tirant… Et d’après les trous présents sur la feuille, je n’y suis que partiellement arrivée.

Une balle en neuf. Deux en huit. Trois en sept. Et deux en six. Si la majorité de mes tirs a atteint la zone noire, la majorité est également la plus éloignée du centre… Globalement, mes tirs sont aussi groupés sur la partie droite de la feuille. J’ignore trop ce que ça implique. Est-ce correct ? Non ? Pour la distance concernée, et le temps de ciblage, la réponse doit probablement différer. Sauf que je n’ai aucune idée des valeurs adéquates.

Je me tourne donc vers Vermillon, en quête de réponses.

« -… Alors ? »

… Oui, la question est brève. Mais que voulez-vous : je suis là pour écouter, non discuter…

Etrangement, Velvet ne semblait pas follement apprécier le port du casque anti-bruit … Ce qui pouvait s’expliquer assez aisément, vu qu’elle n’avait pas des oreilles humaines, tout simplement. Les pavillons un peu pointus de Kathleen n’étaient pas non plus des plus adaptés, mais dans l’ensemble, ils ne gênaient pas au-delà du côté confort.

Pour le reste, la tireuse n’avait pas donné plus d’indications que cela à son élève pour une raison logique : c’était plus facile de voir où elle en était et ce qu’elle faisait naturellement, et d’ensuite corriger des tords ou solidifier de bonnes bases, que de juste commencer de zéro. Du point de vue de la rouge, en tout cas. Et puis, après tout, peut-être que la lapine elle-même n’avait juste pas confiance en elle, mais qu’elle possédait un talent inné, ou un entraînement préalable dont elle sous-estimait les fruits … Cependant, le début de sa démonstration laissa penser à mimi que la seconde option n’était pas la bonne, et la première … Ne parut pas pertinente non plus, assez rapidement. Bon, il y avait pire. Mais il y avait mieux aussi. Geste qui fit plaisir à la gestionnaire : la lapine retira son chargeur de son arme, vérifiant qu’il n’y restait plus de munition avant de le poser, ainsi que l’arme, sur la table. Si elle avait fait quoi que ce soit de « trop » dangereux ou borderline, bien sûr, la grande rousse l’aurait arrêté, mais elle n’en avait pas eu besoin … Un autre bon point. La cible fut lentement rappelée jusqu’aux deux demoiselles, s’immobilisant à quelques pas avec un léger grincement. Kathleen grimaça. Elle allait devoir passer un coup d’huile sur les rails très bientôt, si elle voulait éviter qu’un peu d’usure ou de rouille ne les rende désagréablement bruyants … Sans parler d’une panne. Mais bon, ce serait pour plus tard.

Alors … c’est pas si mal. Au moins tu n’as pas l’air d’avoir de souci de coordination entre les mains et les yeux, tu cherches à viser proprement, et tous les tirs ont atteint la cible. J’ai vu des copains faire bien pire. Deux-trois petites manipulations à ajouter avant, pendant et après que tu aies tiré, et un peu de technique, et à mon avis t’auras aucun souci à devenir une excellente tireuse. Oooooon ne bouge plus.

De deux mains, la proprio du stand recula le casque de façon à ce qu’il n’appuie plus sur ses oreilles, et glissa les pieds pour se rapprocher de la lapine, plus qu’elle ne fit réellement un pas. Lui saisissant la main avec un geste doux, elle en prit plus ou moins le contrôle, s’assurant que le canon restait pointé vers le stand de tir vide, et la cible à quelques mètres.

Pistolet semi-automatique. Ejecter le chargeur et vérifier qu’il est vide, c’est très bien, mais ça ne veut pas dire que l’arme est inoffensive. Egalement, si tu veux éviter de viser une cible, mais de faire « clic » en pressant la gâchette, tu dois vérifier que tu as armé ton pistolet correctement. Donc, lorsque tu as fini de tirer, ou avant ton premier tir, il faut vérifier qu’elle se trouve bien dans la chambre. Une main de la tireuse se trouvait sous celle de Velvet, bouchant l’endroit dans lequel le chargeur s’insérait. Passant le bras bien au-dessus du canon du pistolet, elle vint saisir le poignet du second bras de la lapine, le rapprochant du pistolet … Mais le laissant à quelques centimètres de ce dernier. Démonstration du geste à effectuer, avant de lui faire faire. D’abord, tu tiens fermement l’arme par la poignée, bien sûr. Ensuite, tu vois la partie mobile du dessus de l’arme, la culasse ? Tu vas poser ta paume d’un côté de cette dernière, refermer tes doigts en laissant un espace sur le dessus, et en poser les dernières phalanges de l’autre côté, pour la manipuler avec une bonne prise, et sans te faire mal.

Sans interruption, Kathleen effectua précisément la manipulation dont elle venait de parler, s’assurant de bien décomposer le geste et de ne pas obstruer le champ de vision de la lapine. La tireuse pouvait faire ça les yeux fermés et avec des gants, ce n’était pas elle qui était là pour apprendre. S’assurant donc que ce qu’elle venait de faire était aisé à voir et comprendre, elle verrouilla ensuite le poignet en dessous du pistolet … Et tira légèrement la glissière vers l’arrière. Pas de beaucoup, peut-être un demi-centimètre. Mais assez pour avoir un visuel.

Ensuite, check visuel. « Lors de mon dernier tir, est-ce qu’une nouvelle balle a remplacé la précédente, ou est-ce que le chargeur était vide ? ». Alternativement, « est-ce que j’ai correctement armé mon flingue et que la balle est bien en place ? ». Une fois que tu as vérifié ça, tu peux relâcher, et la culasse va presque se remettre en place. Tu mets une petite tape dessus pour s’assurer qu’il ne manque pas un demi-millimètre, et tu es prête à tirer. Ou à ranger ton arme. Selon l’étape à laquelle tu te trouves. Bref, fais-le toi-même, vérifie, et ensuite relâche et remets ta culasse en place.

Relâchant la glissière des deux côtés à la fois, la tireuse laissa le ressort interne du pistolet prendre le relais, et remettre le composant en place. Toujours avec des gestes un peu lents et larges, elle relâcha Velvet pour lui laisser sa liberté de mouvement, et l’observa faire. Bien sûr, si la mafieuse avait la moindre question … elle était partie pour une réponse de 10 minutes probablement un peu trop détaillée. Mais elle était là pour apprendre, n’est-ce pas ? Il fallait juste espérer que la rousse n’allait pas lui frire le cerveau avec un surplus d’informations … On lui avait enseigné à sauver les gens, et à se servir d’armes à feu de tout genres, mais pour ce qui était de la pédagogie …

Bon, cas d’école. Tu as toujours une balle dans la chambre du pistolet, et tu veux la retirer. La manip’ à faire est assez simple. Sans même y réfléchir, la tireuse pointa son bras dans la direction de la cible. Son tatouage s’illumina, et une forme lumineuse sembla s’en extraire et se déplacer pour matérialiser un pistolet à silex dans la main de la dentue. Ce n’était pas un semi-auto ... Mais ça ferait l’affaire pour la démonstration. Dont elle se mit à dicter les gestes en même temps qu’elle l’exécutait. Tu gardes le canon vers ta cible, et tu poses l’autre main sur la glissière, comme je viens de te montrer. Tu pivotes le pistolet en levant le coude pour qu’il se retrouve avec la culasse en bas et le chargeur vers le ciel. L’arme dans la main de Vermillion n’avait pas de partie mobile, et là où un chargeur dépassait sur l’arme de Velvet, celle de la rouge avait … Une lame, dentelée, assez courte mais semblant tout de même plus que capable de faire mal. Heureusement, elle n’avait pas l’intention d’y toucher, vu que la main qui se trouvait sous l’arme tenait désormais … Et bien, le haut du pistolet. Mimant un geste ferme, la gérante tira sèchement vers l’arrière, bien plus que pour la « simple » vérification un peu plus tôt. Et ensuite, tac, tu fais tomber la balle dans ta main. Bon, moi ça bouge pas, bien sûr, mais tu vois ce que je veux dire. Une fois que la culasse est reculée à un point où elle ne va pas se réenclencher toute seule, tu peux vérifier que tu as bien une balle dans la main, déposer le flingue sur la table devant toi, et voilà ~ Arme déchargée et sécurisée.

Mimant une fois encore les gestes à exécuter, elle alla jusqu’à poser le pistolet que générait son alter sur la table, à plat sur le côté … Mais au bout de quelques secondes, elle sembla réaliser qu’elle oubliait quelque chose, et le fit « disparaître » en un bref flash. Elle voulait enseigner des règles pour tirer de façon sécurisée à Velvet … ce n’était pas la peine de laisser traîner une arme blanche. Surveillant l’exécution de la lapine sans vraiment trouver grand-chose à y redire, elle hocha doucement la tête, semblant satisfaite, avant de chercher par quel angle attaquer ce à quoi elle pensait … Puis de claquer des doigts, semblant avoir trouvé.

Bon, ça c’était de la manipulation de base, des petits gestes qu’il faut prendre l’habitude de faire régulièrement. Le but c’est pas de se presser, mais de les exécuter correctement et de les répéter encore et encore, histoire que le jour où tu es en situation de combat, tu puisses faire ça « par réflexe » sans avoir besoin de réfléchir. Parce que bon. Je sais pas si tu as remarqué, mais quand on fait face à un danger potentiellement mortel … Le ciboulot a autre chose à gérer que « huuum, est-ce que j’ai correctement remis ma culasse en place ? » au moment où tu veux tirer. Oh, et bien sûr, c’est une question de sécu, aussi. Là, tu as chargé 7 balles, tu en as tiré 7, donc je me faisais pas de souci pour une balle oubliée. Le jour où tu vas recharger et tirer à 20 reprises … M’est avis que tu ne te concentreras pas trop sur ton nombre de cartouches et de tirs. Donc, on répète régulièrement les manipulations de base, et toujours en respectant les règles de sécurité. Dont les quatre principales sont écrites sur le .. mur derrière … moi.

La tireuse avait croisé ses deux bras inférieurs, et le pouce du bras gauche supérieur s’était levé pour passer par-dessus son épaule, désignant les 4 règles dont elle parlait. Règles qu’elle avait elle-même écrites à la peinture noire il y a de cela fort longtemps, et qu’elle soulignait à chaque fois qu’elle en avait besoin, ou l’occasion … Sauf … Qu’au milieu de sa phrase, elle s’était souvenue d’un petit détail qui la faisait se sentir très bête. Mais elle ne resta pas silencieuse plus d’une paire de secondes, préférant enchaîner – presque – naturellement.

Mais, heureusement pour toi, t’es avec une experte qui connaît ces règles par cœur, et j’espère que ce sera très bientôt ton cas aussi ~ Bon, grosso-modo, c’est de la logique de base. Règle n°1 : une arme doit toujours être considérée comme chargée. A moins qu’elle soit entièrement désarmée ou en pièce, précisa la tireuse en observant le 9mm dont la chambre vide était à l’air libre, et dont le chargeur, vide lui-aussi, se trouvait à côté, tu manipule toujours ton feu comme si un coup pouvait partir tout seul à tout moment. Parceque, flash news ! Dans 80% des accidents, c’est plus ou moins ce qu’il se passe. Enfin, le pistolet tire pas « tout seul », mais pas forcément quand c’était prévu quoi. Et puis, une fois encore, question de réflexe. Quand tu manipule systématiquement ton arme avec l’optique qu’elle est chargée et dangereuse … Bah, le jour où tu oublies effectivement une balle dans la chambre, même si tu crois que tout va bien, tu t’en sers quand même de la bonne façon pour éviter de blesser quelqu’un. Donc, « une arme doit toujours être considérée comme chargée ».

La seconde règle, c’est de la logique pure quand tu appliques la première. « Ne jamais pointer ou laisser pointer une arme à feu vers quelque chose qu’on ne veut pas détruire ». Une cible ? Okay. Le sol en sable ? No problem. Le truc moche sur lequel tu veux t’entraîner à tirer devant un mur, ou une propriété privée dont tu sais qu’elle est vide ? Fais-toi plais’. Le gusse en train de te tirer dessus ? Et beh … légitime défense, hein. Tout le reste ? Nope. Non, jamais, nada. Les flingues c’est pas des jouets, tu les pointes pas dans une direction ou une autre pour … aucune raison, en fait. Et si tu vois quelqu’un saisir un pistolet et faire le débile avec, même chose, tu t’assures qu’ils ne sont pas des dangers pour eux-mêmes, ou les autres. La tireuse se massa un peu la nuque, penchant la tête sur le côté. bon, je suis d’accord : dire quoi faire à quelqu’un qui a un pistolet dans la main … voilà quoi. Pour moi, ici, c’est fastoche : c’est mon stand. Dans la vie de tous les jours … erh. Mais voilà. Dans le principe, si … je sais pas, ton cousin, ou un pote débarque chez toi, trouve ton feu et s’en saisit, tu t’assures qu’il ne fasse pas n’importe quoi avec à tout prix. Bref, ne jamais pointer ou laisser pointer une arme vers autre chose que ta cible.

Comme de juste, la tireuse se saisit justement du pistolet de Velvet sur la table … Mais bien entendu, elle garda, encore une fois, le canon (et le silencieux) pointé vers la cible du stand. Détail amusant, elle fit très visiblement exprès de n’enrouler que trois doigts autour de la crosse de l’arme avant de la soulever : son index resta le long de la culasse, et son pouce ne se mit correctement en place qu’une fois le pistolet soulevé de quelques centimètres.

Troisième règle. Tant que les organes de visée, le canon de l’arme, et la cible ne sont pas alignés, l’index est hors de la gâchette. Je claquerais sans hésiter tous ceux et celles qui ont leur doigt dans le pontet à un autre moment que celui où ils sont sur le point de tirer. Et ici, on ne pratique pas le tir à la hanche de cow-boy ou de FPS. Tu vises, tu t’assures que tu as ta cible en joue, et ensuite tu mets ton doigt en place. En combat bien sûr c’est un peu différent, et entre plusieurs tirs consécutifs tu n’es pas obligée de remettre ton index en place … Mais à part ça, 95% du temps où tu as ton flingue en main, tu dois pouvoir en tapoter la culasse avec ton index. Pas la gâchette, la culasse. Faisant un bref exemple en tapotant, très justement, la partie dont elle parlait avec son index, la tireuse reposa ensuite l’arme, et termina. Et enfin, quatrième et dernière règle : sois sûre de ta cible et de son environnement. Tu sors pas un flingue au moindre danger bien entendu, mais même quand tu le fais, gardes à l’esprit où tu te trouves, où ta balle pourrait se loger si tu rates ton tir, quels accidents tu pourrais provoquer, tout ça. Plutôt simple, maiiiis à garder à l’esprit. Donc.
Une arme doit toujours être considérée comme chargée. Ne jamais être pointée vers autre chose qu’une cible. L’index ne s’approche pas de la gâchette avant que l’œil, le canon et la cible soient alignés. Et tu dois toujours être sûre de ta cible et de ce qui l’entoure. Les quatre principes fondamentaux. à rajouter à ça dans le cas de ton arme : prends l’habitude de vérifier que le chargeur est bien enclenché, que tu as ou non une balle dans la chambre avant de tirer et quand tu as fini, penses à vérifier que tu fais rentrer ton chargeur dans le bon sens dans ton pistolet lorsque tu recharges … Et évites de reproduire ce qu’on voit dans les films, les jeux vidéo ou à la télé où ils font n’importe quoi. Ou alors, le contexte est différent, pour les films de cow-boy par exemple. Mais bref. D’autres questions sur les manipulations et les règles de sécurité, ou on enchaîne pour que je te donne des tips qui sont, genre. Vraiment centrés sur le tir en lui-même ? Je me rends compte que je viens de passer un quart d’heure à t’expliquer comment te servir d’un flingue … Sans parler de comment t’améliorer au tir, ha ha.