Depuis la Libération de New-York et le discours du maire à ce sujet, révélant nombre de retournements de situation qui ont profondément choqué et impacté l'opinion publique, Cyril ne pense plus qu'à une chose : en tirer profit.

Il n'existe pas de vainqueur qui a sagement attendu que son tour vienne, depuis la nuit des temps il est question de faire des pieds et des mains pour se procurer sa chance. L'opportunité, c'est une belle gazelle dodue mais ferme, insouciante, le nez dans un point d'eau. Celui qui veut la saisir doit le faire promptement. Si elle s'en va, grandes sont les chances de ne plus jamais la revoir aussi accessible. Ainsi, quand il a quitté l'assemblée le jour de l'allocution municipale, Cyril a inspecté sa gazelle sous toutes ses coutures.

Les révélations ont ouvert des failles par lesquelles s'infiltrer. Le Maire rempli de bonnes intentions semble vouloir travailler de concert avec son peuple pour rectifier les dés pipés du Président. Cela fait sens : d'avoir laissé le pouvoir dans les mains d'un gouvernement corrompu, trop de choses ont été dissimulées, trop de valeurs détournées !
C'est avec cette idée en tête qu'a germé un projet raisonnable ; Le Refuge - un nom expérimental à faire valider, mais on en capte l'essentiel.

La ville que l'on connaît comme la Grosse Pomme a été le théâtre de la criminalité, même libérée, un travail conséquent reste à effectuer pour y réinstaller le sentiment d'une ville à juste titre, pour l'instant étiquetée comme un camp de concentration géant dans l'intérêt d'une élite sociale avec pour seul dieu Benjamin Franklin - ou sa version papier, en tout cas. À mi-chemin entre la volonté du Maire de continuer à soutenir les efforts des sauveteurs et la volonté de Cyril de prouver qu'ils n'ont pas besoin d'un bureau oval pour prendre les bonnes décisions, ils se rencontrent aujourd'hui pour confirmer le projet d'avenir.

Cyril n'est pas venu sur son trente-et-un; les costumes trois pièces ont causé bien assez de dégâts... Non, il vient avec la même arme qu'a utilisé le Bâtisseur : La transparence. Une blouse blanche qui indique clairement son sujet, un regard sérieux et professionnel, un plan et surtout un cœur meurtri et ouvert. Traverser les banalités administratives n'a jamais plu à Jenner alors on se passera bien de baver sur la secrétaire, il lève même les yeux par aberration quand il remarque l'architecture de sa mairie. Originale mais pompeuse à son goût d'homme simple. Il en a déjà marre des officiels et de leur m'as-tu-vu.

Quand il est escorté dans le fameux bureau, il ne peut s'empêcher de noter le thème océanique de la pièce. Un bleu familier donne l'impression au savant de s'être perdu dans l'Hydranneau, il ne jette qu'un œil rapide et se contient de tout examiner avec sa curiosité habituelle : pour une fois il est concentré. C'est peut-être l'expérience qui parle, à maintes reprises il a dû aller contre ses pulsions pour ne pas poser de questions. Pourtant ce n'est pas l'envie qui manque d'aller lire cette page de journal encadrée, ou d'aller inspecter de plus près cette sorte de harpon raccord avec les aquariums qui font un effet on ne peut plus marin.

"Monsieur le maire, fit-il en saluant poliment, ou devrais-je dire Mon Capitaine ? il s'avance les mains dans le dos avec l'allure d'un professeur en plein examen. Monsieur le Maire, nous faisons bien de nous pencher sur cette affaire maintenant : New-York n'est pas sauvée et pour couronner le tout Chad Preston a saccagé le système avec ses dérives égoïstes ! Vous n'en avez pas demandé tant.. mais voici. là, il déroule et présente à l'illustre personnage un schéma qui dégrossit sa vision de ce qu'il a temporairement nommé Le Refuge. Comme vous le voyez, il faut prendre en compte l'espace majoritairement occupé par l'armée sur la baie de New-York mais au point où nous sommes, même un petit dispensaire aurait fait l'affaire... J'ai dressé ici une petite liste de l'éventuelle équipe pouvant aider à faire tourner la boîte : composée d'anciens camarades de médecine et d'autres connaissances avec un goût prononcé pour l'humanitaire, ces femmes et cet homme seront, je le sais, enthousiastes à l'idée de notre initiative. Évidemment toutes mes propositions sont ouvertes au débat, gardons seulement en tête que nous n'aurons pas sauver New-York tant que des citoyens sont encore en danger en son sein ! "

Il plongera dans les détails à la demande du grand manitou mais il était déjà fier du travail fourni. Peut-être pas impressionnant pour celui qui dirige la ville depuis des décennies mais il y verrait probablement la motivation sincère du jeune scientifique.

Un Refuge pour les blessés et les sinistrés, une base d'opérations pour coordonner de probables excursions de sauvetage dans la nature sauvage qui s'est emparée de la grande ville. L'ambition commune qui lie ces deux hommes passionnés est bien de panser des plaies, au sens propre comme au sens figuré. Cyril se doute pourtant que le dirigeant de Starfish a nombre d'associés pouvant prendre sa place à la tête de ce projet, il est même étonné d'avoir pu aller aussi loin que le bureau sacré, mais il se persuade que son bon cœur y est pour beaucoup, sans se douter que des civils soutiennent son implication.
En effet, les gens qu'il soigne et traite depuis longtemps maintenant savent que Jenner est un type bien. Ils ne connaissent certes pas Serum, le docteur Hyde qui prouve que rien n'est jamais vraiment tout noir ni blanc, mais en tant que médecin VOLONTAIRE et BÉNÉVOLE, Cyril se place quand même là sur l'échelle des bonnes âmes de Starfish.

C'est en grande partie pour elle, cette petite île, qu'il est prêt à mettre de cotés ses penchants criminels pour faire un geste de bonté majeur. Au moins autant qu'un autre de ses habitants, il aime profondément sa ville. Avec son agencement unique, son climat et son style bien à elle, Starfish est le berceau des plus grandes ambitions qu'il a nourri jusqu'ici, c'est en gage de respect pour elle qu'il s'engage à aider à dépatouiller N.Y. La grande sœur se ferait trop encombrante si on la laisser se débrouiller seule, et en plus, il vaut mieux déléguer cette tâche à un humble citoyen plutôt que de refaire la même erreur et laisser messieurs les officiels s'en charger pleinement...