Condition physique rétablie : check, travail d’enseignant récupéré : check, une mallette pleine d’argent de source discutable : check, un nouvel appartement : check,  liste de classe mémorisée : check, crise de panique en constatant que sa petite sœur s’est soudainement retrouvée dans sa classe : che…Quoi !? Qu’est-ce que Luna pouvait bien fabriquer ici, de l’autre côté du pays ? Certes Datura aussi avait énormément voyagé ces dernières semaines, mais c’était dans le cadre d’un plan précis visant cet endroit en particulier. On n’arrivait pas de Las Vegas à Starfish par hasard, c’était de l’autre côté du pays. Comment Luna pouvait-elle être là également ? Avait elle finit par retrouver sa grande sœur ? Si oui comment, avait-elle simplement eu vent de l’intégration de Datura à Starfish ? Ce n’était pas possible vu les délais. Dans ce cas-là des informations sur le trajet de Datura avaient-elles fuitées ? Il fallait en avoir le cœur net.  Et pour cela il y avait un moyen simple : se rendre là où les informations tournaient par ici.

Pour cette petite visite Datura s’équipa de tout le matériel nécessaire à une petite visite dans un bar de Paradice. Une robe simple mais pratique rachetée récemment, de quoi payer ses consommations, une jolie liasse de billets pour les négociations et un revolver ; elle n’allait pas juste prendre le thé non plus, on ne pouvait jamais savoir comment ce genre de rencontres pouvaient tourner. Datura se dirigea ensuite vers le fameux Devil May Cry. Starfish n’étaient clairement pas dans l’ancienne zone d’influence du groupe de Datura, mais la ville était suffisamment importante pour que Datura en connaisse les quelques lieux les plus utiles dans le milieu. Elle ne s’y était jamais rendue elle-même par le passé, mais certains de ses hommes de mains y étaient allés pour elle. Il lui suffit donc de trouver l’adresse sur internet pour s’y rendre.

Une fois sur les lieux, Datura se fendit d’un sourire niais et entra avec bonne humeur dans le bar. Ses vêtements neufs et son pas guilleret lui donnait un air de touriste, une excellente excuse pour lancer des regards dans toutes les directions et jauger les lieux. Plus que les lieux elle jaugeait d’avantage les gens, une habitude qu’elle ne risquait pas de perdre tant elle était pratique. D’un regard elle pouvait différencier les gens présent pour affaire de ceux venu simplement boire un verre. Des cicatrices, des muscles habitués aux efforts brusques, des visages en apparences calme mais aux rides creusées par une habitude à la tension. C’était le genre d’indices qui n’échappait pas à l’ancienne mafieuse. Actuellement la majorité des personnes présentes ne rentraient pas dans cette catégorie, de simples promeneurs ou touristes justement. Il fallait bien admettre qu’il n’était que 14h30, pas vraiment ce que l’on pouvait appeler l’heure de pointe des criminels. L’ancienne mafieuse décida donc de s’asseoir au bar et commanda à la serveuse la plus proche d’un ton jovial.

« Un café expresso sans sucre s’il vous plait. »

Une fois placée, ce fut au tour du personnel d’être jaugé. Pour la majorité d’entre eux les signes de participations à des activités douteuses étaient minimes voire inexistant. Quoi de plus normal, un établissement de couverture comme celui-ci n’allait pas se vendre aux autorités en exhibant leurs pires têtes de tueurs. Cependant, l’une d’entre eux attira tout de même l’attention de la mafieuse, d’abord le cache œil évidement, mais aussi les manières, les réflexes, le pas décidé, les marques sur les mains. Cette femme s’était déjà battue et plus d’une fois. La cliente se fendit d’un sourire, elle avait trouvé à qui parler. Bien sûr, Datura ne pouvait pas encore en déduire beaucoup plus sur la femme au cache-oeil, mais préférait décidément parler affaire avec elle qu’avec de potentiels débutants. Elle décida donc d’attirer son attention de manière simple. Se saisissant d’un menu, Datura éleva la voix, toujours d’un ton guilleret, mais cette fois-ci fixa la serveuse en question, de manière à s’assurer qu’elle croise son regard en se retournant. Les mafieux savaient reconnaitre le regard décidé de quelqu’un venu parler affaire. Pointant le menu ouvert devant elle Datura s’exclama simplement.

« J’aurais quelques questions au sujet de vos produits pourriez-vous approcher ? »

Bien, les choses fonctionnaient comme prévu, la fameuse serveuse n’y allait pas par quatre chemins ce qui menait à une économie de temps appréciable. Et qui en disait également long sur à quel point la Police ne cherchait pas vraiment à stopper ce genre de trafic, mais bon ça Datura s’en doutait déjà. Ce qui était positif bien entendu, si les services ici étaient à l’image de l’efficacité de cette serveuse, alors il n’y avait aucune raison de ne pas poursuivre une collaboration. Voir éventuellement de travailler pour eux au besoin.

En tout cas la conversation partait sur un ton pratique et professionnel. Il était donc maintenant question de parler affaire. Datura comptait non seulement poser quelques questions basiques mais également se renseigner sur les informations qui circulaient déjà sur elle-même. Il fallait donc la jouer fine et ne pas oublier que toute information qu’elle donnerait ici pourraient éventuellement être vendue plus tard.

« Pour commencer je souhaiterai procéder à une vérification. »

Datura prit une autre gorgée avant de sortir son téléphone sur lequel étaient listés les noms de chacun de ses élèves. Elle le posa simplement sous le comptoir et le retourna pour en faire profiter son interlocutrice.

« La question est assez simple. Parmi les noms de cette liste, lesquels sont-ils déjà apparus dans des affaires en rapport avec le milieu ? Trafic, vol, ou même client ici, peu importe.  »

Procéder de cette manière allait probablement se révéler plus coûteux, mais avait de nombreux avantages par rapport à simplement l’interroger au sujet de Luna. Dans un premier temps cela allait permettre de jauger sa classe, dont certains membres étaient très vraisemblablement d’autres vilains repentis. Ainsi ne pas être pris au dépourvu quand certains d’entre eux allaient commencer à trainer dans de sales coups, ce qui allait forcément arriver. Mais aussi pour estimer la profondeur du réseau d’information de ce lieu. La plupart des élèves délinquants n’avaient probablement commis que des délits mineurs peu médiatisés et il aurait donc été très impressionnant que cette serveuse parvienne à en citer plus de cinq.

Enfin bien entendu il était question de préparer le terrain pour les questions sur Luna. Si les vols de Luna autour de Vegas n’étaient pas cités cela impliquerait alors qu’en tout logique les activités du Black Spider à la même période et dans la même zone n’étaient pas documentées ici non plus, ce qui aurait été profitable. Et si au contraire Luna était citée, il serait alors toujours temps d’en apprendre plus sur la manière dont elle s’était retrouvée à Starfish, voir surtout à Campbell.  Datura ajouta alors avec un sourire confiant.

« Oh ! Et inutile de faire des recherches complémentaires, je cherche à connaitre quels informations circulent déjà, pas à faire une enquête approfondie. »

Datura afficha une mine curieuse accompagnée d’un léger penchement de tête indiquant sa circonspection. Elle ne pensait pas agacer à ce point son hôte en tournant la question dans ce sens. Etait-elle habituée aux mauvais payeurs ou au contraire était-il ici de tradition de payer avant de commander ? Etant donné le type de commerce la seconde piste semblait bien moins probable que la première. Il était clair que pour continuer sur des bases saines il fallait clarifier certains points tout en détendant l’atmosphère. Datura commença donc par répondre du ton détendu de celle habituée à calmer les pulsions dangereuses des malfrats les plus impulsifs, espérant indiquer qu’elle ne souhaitait certainement pas s’opposer au discours de la serveuse.

« Allons, ne nous énervons pas. Il est toujours bon de commencer avec une boisson simple pour estimer la qualité du bar, cela ne veut en aucun cas dire que l’on n’a pas l’intention de payer cette dernière. »


Pour continuer sur cette lancée, Datura se contenta d’un sourire calme envers son autoritaire hôte tout en plaçant tranquillement une main dans l’une des poches de sa tenue pour se saisir de l’un des billets de la liasse qu’elle transportait. Puis, d’un geste fluide le déposa sur le comptoir. Dévoilant certes le plus petit des nombres à trois chiffres mais un nombre à trois chiffres tout de même. Datura manquait quelque peu de pratique dans l’usage de sommes inférieurs à quatre chiffres, elle espérait donc ne pas avoir commis d’erreur d’estimation avec cette première proposition dans un sens comme dans l’autre. Elle chercha donc à nuancer son offre en retournant la conversation vers un autre point d’intérêt.

«Vous serez payée, ne vous faites pas de cheveux blancs à ce sujet. Cependant, votre manière de demander ce dit paiement m’intrigue. »

La professeur posa tranquillement son doigt sur le billet, indiquant que la transaction n’était pas encore terminée malgré la présence de ce dernier sur le comptoir. Puis détailla avec intérêt la serveuse une nouvelle fois. En considérant les paroles qu’elle venait de se permettre, ajoutées à son attitude il était de plus en plus probable qu’elle n’était pas que serveuse ici. C’était toujours agréable de rencontrer une autre femme d’affaire.

« Quels autres types de paiement acceptez-vous habituellement ? A part des informations bien évidement. »

Datura écouta tranquillement son hôtesse développer son idée avec un sourire amusé. Elle était intéressée par tout moyen d’éviter de dépenser de l’argent actuellement. Quand bien même elle gardait une petite fortune de côté, cette dite fortune n’allait pas se maintenir avec un salaire de professeur et les difficultés de l’ancienne multimillionnaire à adapter son nouveau train de vie. La professeure s’estimant sous-payée hocha donc la tête pour encourager celle qui devait définitivement être la patronne des lieux à poursuivre la description de son offre.

Et l’offre était en effet, plutôt intéressante. Après tout travailler ici était une bonne occasion d’observer la clientèle et de grappiller d’autres informations au passage. Sans parler d’autres avantages potentiels. Les horaires semblaient assez intenses, mais rien d’inhabituel pour une ancienne patronne de casino. Il allait quand même falloir bien rattraper ce sommeil le lendemain avant de donner cours le matin d’après. Mais bon ça allait probablement bien se passer.

« Mmh, plutôt intéressante comme idée. »

Commenta la future serveuse en plaçant le billet à nouveau dans sa poche. Cependant un point ne lui avait pas échappé pour autant. Il fallait quand même clarifier qu’elle n’était pas en train de se vendre comme esclave.

« Du moment que les fameuses ‘instructions’ restent raisonnables bien entendu. »

L’ancienne mafieuse était du genre à immédiatement imaginer la centaine de scénarios possibles où une telle demande pourrait monstrueusement mal finir, mais elle ne pensait pas que la majorité d’entre elles allaient s’appliquer ici. De plus d’après la patronne, le fameux élève était client ici. Autant dire que s’il s’agissait de Luna il valait mieux le savoir tout de suite. Et encore une fois il serait sans doute profitable de travailler ici à la fois pour glaner d’avantage d’informations et pour garder de bonnes relations avec la patronne des lieux.

« Soit, faisons comme cela. »

Datura était confiante. Elle avait déjà fait des petits boulots dans son adolescence et puis finalement, 5 ans passées à se faire servir par ses hommes de mains ne pouvait pas avoir limité ses capacités à réaliser des taches simples à ce point si ? La patronne avait l’air très sympathique qui plus est.

En tout cas la patronne semblait plus que motivée à l’idée d’avoir Datura comme serveuse pour la nuit voire plus si affinités. Elle n’avait pas perdu un instant pour lui indiquer les vestiaires. Certes, Datura avait peut être sous-estimé le facteur embarras de porter ce genre de tenue à son âge. Mais elle s’efforça de considérer cela comme un simple uniforme, quand bien même l’uniforme en question avait une esthétique qui ne trompait pas.

Pendant que la nouvelle serveuse se changeait, la patronne se prit à lui faire remarquer qu’un professeur normal ne fréquenterait pas ce genre d’endroit. Ce qui ressemblait fort à une tentative  de grappiller des informations sur le passé houleux de sa nouvelle employée. Celle-ci se contenta d’un petit rire. Elle n’était pas plus du genre à donner gratuitement ce genre d’information que ne l’était son interlocutrice, on pouvait dire que là-dessus aussi les deux femmes se ressemblaient.

« Oh tu sais. Qu’est-ce que l’on ne ferait pas aujourd’hui pour s’assurer que les nouveaux héros ne tournent pas mal ? »

Déclara non sans ironie l’ancienne marraine du crime à la patronne de réseau d’informations souterrain. Datura termina d’enfiler l’uniforme pour se contempler vaguement grâce à son téléphone. Ah ça, si les élèves voyaient ça ils allaient définitivement tenter de se moquer d’elle. Mais justement dans ce genre de situation le mieux était encore de l’assumer sans complexe. Les moqueries avaient tendance à se taire bien plus vite quand les concernés n’y réagissaient pas.

De plus la patronne ne put s’empêcher d’immédiatement complimenter son allure donc ça ne pouvait pas lui aller si mal. Compliment qu’elle accompagna immédiatement d’une proposition d’embauche que Datura considéra sérieusement. Clairement la tenancière estimait avoir quelque chose à y gagner vu sa précipitation. Enfin probablement, elle avait peut-être simplement été subjuguée par l’allure de Datura en tenue de maid allez savoir, tout est possible. Mais d’un autre côté ce travail devait bien payer étant donné son caractère semi-légal, et fournirait un excellent pied à terre dans le monde souterrain de Starfish dans lequel Datura n’avait pas encore beaucoup de contact. C’était définitivement intéressant.

« Et bien, si la patronne elle-même le demande si gentiment comment dire non ? Du moment que les horaires me permettent toujours d’assurer les cours. »

Ça se tenait, définitivement, c’était peut-être le début d’une collaboration particulièrement intéressante.

Décidément tout allait très vite ici. Datura avait tout juste enfilée l’uniforme que la patronne allait déjà chercher un contrat. Elle semblait vraiment chercher à tout prix à clore l’accord, ce qui aurait presque semblé suspect étant donné que le bar ne semblait pas pour autant manquer de personnel. Pour l’instant Datura se contenta de mettre cela sur le compte de son charisme naturel et se dirigea vers la salle pour commencer le service en attendant le retour de la patronne. Elle se plaça donc derrière le bar, tranquillement, droite, concentrée, avant de réaliser qu’elle ne se souvenait plus vraiment de ce que faisait exactement une serveuse, ou même de son rôle dans l’équipe immédiatement. Malheureusement aucune collègue libre n’était en vue pour lui expliquer quoi que ce soit, elle n’avait donc plus qu’à espérer que la patronne allait revenir avant qu’un client ne se pointe.

« Bonsoir. »

Et merde. Bon tout n’était pas perdu, elle était encore capable de donner un verre d’eau ou un café, voir même de parler affaires avec cette cliente sans trop de difficulté. En soit tout n’était pas perdu il suffisait qu’elle ne demande rien de bien compliqué.

« Un Stawberry Sunday s’il vous plait. »

C’est pas possible, elle devait être capable de lire cette narration et l’utiliser pour se moquer de Datura, c’était la seule explication. Bref c’était parfait, elle venait de demander une glace précise sans hésiter, elle devait donc connaitre le menu et donc s’en rendrait immédiatement compte si Datura se trompait dans la composition. Et bien entendu, après une demi-douzaine d’années passées dans un environnement de luxe, Datura était bien incapable de lister à coup sûr les différences entre un Sunday et un Sorbet. Et apparemment il n’y avait pas de cuisinier attitré en vue.

Elle parcouru donc rapidement les alentours des yeux et distingua le saint graal : une liste de recettes à l’attention des serveuses. Elle commença à y jeter un œil, et suivit les instructions aussi vite que possible. Le résultat fut acceptable, difficilement professionnel, mais suffisamment joli pour passer pour une vrai recette. Si on lui demandait plus tard elle refuserait probablement d’admettre qu’elle avait passé la moitié du temps à chercher des ingrédients, et qu’elle avait utilisé son alter à de multiples reprises pour éviter de renverser ces derniers. Décidément s’entrainer au combat ne rendait pas plus efficace en cuisine. Ranma ¾ lui avait mentit ! Elle finit donc par apporter le Sunday à la cliente, probablement avec un trop long temps d’attente, et évita de croiser son regard avant de retourner vers le bar où la patronne l’attendait avec un contrat.

« Merci bien. »

Datura sourit à sa patronne, qui d’après le contrat se nommait Astrid, et commença à lire ce dernier sérieusement. Toute personne ayant un peu trempé dans le milieu semi-légale savait qu’il était d’une importance cruciale de bien lire tous les contrats. Mais ici, tout semblait correct, rien n’était tarabiscoté, tout était clair et direct et aucune clause abusive n’était présente. Cependant, si la patronne avait vu Datura se débrouiller avec ce Sunday, elle pouvait déjà commencer à avoir des doutes, aussi alors qu’elle commençait à signer Datura s’exprima.

« Enfin, je pense être plus douée en management qu’en travaux manuels, si ça peut aider. »

Ah ça, si les élèves de l’école de management de los Angeles voyaient leur major de promo en train de jouer les serveuses, ils riraient bien. Mais bon l’important ici étaient les informations, donc finalement peu importe à quel tâche secondaire Astrid la plaçait fondamentalement. Mais bon, si elle pouvait en profiter pour garder la main sur ses compétences les plus utiles, ce serait toujours un plus.

Arf, elle était donc bien partie pour jouer les serveuses. Soit, autant faire avec, elle était surtout là pour les informations après tout, elle pouvait toujours négocier l’accès à ces dernières avec comme argument de simplifier le travail d’Astrid. Elle était d’avantage inquiète pour la partie travail manuel mais bon, ça allait bien venir, et puis son alter était très pratique pour limiter les risques de grosses bêtises. Donc bon, autant s’y mettre.

Par contre la seconde raison pour la patronne de s’être aussi vite décidée à recruter Datura, ou peut-être la premier pour ce que la professeure en savait, se précisa rapidement. Quasiment à la seconde où Datura termina de signer les documents, sa patronne l’attrapât d’elle pour affirmer sa dominance via des termes et une pose oh combien suggestifs. Bien entendu du point de vu d’une femme ayant déjà été draguée par des tueurs en séries, une telle manœuvre était amusante mais loin d’être intimidante. Aussi Datura se contenta de sourire avec un léger ricanement avant de se laisser repousser, puis répondit d’un ton amusé.

« Si je prends en compte également l’uniforme, cela voudrait dire que je dois t’appeler ‘maîtresse’ pendant les heures de travail ou garder ça pour plus tard ? »

Recevant par la suite sa première tâche sérieuse, Datura laissa sa patronne aux tendances dominatrices dans son coin pendant qu’elle allait refaire le tour du matériel pour se préparer à recevoir les dits clients. Ces derniers s’étant donnés la peine de réserver une table dans un tel bar, Datura s’imaginaient sans problème qu’ils n’étaient pas là que pour des Sundays.
Et en effet dans le flux de clients qui débarqua peu de temps après, Datura distingua sans difficulté ceux qui avaient réservé la dite table. Déjà par leur nombre, mais également grâces aux signes similaires à ceux qu’elle avait détecté chez Astrid plus tôt, des mouvements assurés et direct sans efforts inutiles, des marques et cicatrices sur les doigts et le visage, une tendance à balayer la pièce du regard en un instant durant leur entrée. Bref des signes et des réflexes que tous les habitués d’un certain mode de vie partagent dans une certaine mesure. Se remémorant l’attitude appréciée par les gradés du milieu faces aux petits nouveaux, Datura leur sourit avant de s’incliner légèrement et de leur indiquer leur table.

« Par ici messieurs. »

Elle avait pris soin de leur indiquer une table à l’écart de toutes celles sur lesquels elle avait dirigé les clients plus conventionnels. Elle se pressa ensuite de récupérer des menus et échangea un regard avec la patronne avant de se diriger vers leur table.

« Vous désirez ? »

« Toi t’es nouvelle hein ? Ecoute je vais pas me répéter, on veut être tranquilles et on veut des infos sur la banque de Racoon road tout de suite. »

« Dit donc Joe, et les Sundays ? »

« La ferme Averell. »

Datura s’empressa de mettre en place son sourire affable. Celui qu’elle avait porté pendant des années tel un masque pour empêcher les mafieux les plus insupportables de se rendre compte qu’elle réfléchissait au moyen le plus direct de leur offrir un allé simple dans les fondations d’un bâtiment en construction. Le petit nerveux avait lâché sans se gêner de claires indications de son objectif futur, ce qui sous entendait qu’il avait l’habitude d’en parler ici, un client régulier donc. Datura devait donc se laisser diriger par ce nabot excité. En effet elle ne pouvait pas simplement se mettre à dos un client sans bonne raison. Cependant, il ne fallait pas sous-estimer les compétences sociales d’une manipulatrice politique. Dans le cas présent : les méthodes pour agacer quelqu’un sans se montrer impoli.  Elle se tourna donc vers le plus grand avec un doux sourire.

« Oh bien entendu les Sundays. Le Strawberry Sunday est notre spécialité chère client. »

« Génial, on en veut quatre s’il vous plait madame. »

Datura nota tranquillement la commande, en profitant pour déduire qu’ils attendaient deux personnes de plus, quand comme prévu, le petit se remit à fulminer. Datura se doutait qu’il était du type à complexer à la seconde où l’on ferait passer son frère avant lui, mais elle ne pensait pas que ce serrait à ce point. Il se mit en effet quasiment à crier attirant l’attention des clients les plus proches malgré le fait qu’ils se trouvaient à une table isolée.

« On s’en fiche des Sundays espèce d’idiote ! File nous les… »

Datura activa son alter pour le stopper net avant qu’il fasse une bêtise qui aurait pénalisé à la fois le bar et eux même. Comment un abruti pareil n’avait pas déjà été arrêté ? C’était une question qui dépassait l’expertise de l’ancienne experte du crime.  Elle avait stoppé l’idiot au milieu de sa phrase et se tourna tranquillement vers les autres clients pour s’assurer que tout allait bien, et effectivement les quelques personnes ayant tourné la tête étaient déjà passé à autre chose. Ils avaient dut penser à un type un peu rond ayant élevé la voix sur une serveuse, rien d’extraordinaire. Datura pinça ensuite tranquillement les lèvres du dénommé Joe d’une main avant de placer un doigt sur l’artère de sa gorge de l’autre, pour finalement lui rendre sa vitesse normale.

« …Mmhf ! Grmblf ? »

« Je vous prie de ne pas d’avantage déranger les autres clients ou je serai forcée de sévir pour mon plus grand plaisir ~ »

Actuellement le nabot devait être confus et également terrifié, en l’absence d’information sur les limites d’un alter on avait tendance à imaginer le pire, c’était ce genre d’effet que Datura aimait créer chez les autres malfrats pour s’assurer une dominance. Elle le lâcha tranquillement et se redressa, le regardant de haut avec toujours le même sourire faussement modeste.  

« Je reviens avec les Sundays. Nous discuterons ensuite calmement de votre autre commande. Pas de bêtises en mon absence, comprit ? »

« Oui Madame »

Le grand avait répondu par réflexe là où le petit était resté dans un mutisme lourd de sens. Datura s’en alla donc au bar où sa patronne qui avait vraisemblablement regardé toute la scène l’attendait. S’attendait-elle à plus ou moins de grabuge ? Après tout le héros moyen les auraient arrêtés sur le tas, mais la serveuse moyenne se serait juste exécutée sans discuter. On verra bien. En attendant Datura se contenta de déclarer d’un ton amusé.

« 4 Strawberry Sundays et les informations sur la banque de Racoon Road, Maîtresse ~ »

Datura espérait secrètement que sa patronne lui demande de mettre les abrutis à la porte mais tant pis, il allait falloir faire avec. Elle allait devoir trouver satisfaction en les humiliant passivement tout en remplissant son travail. Et puis la patronne semblait contente jusque-là, c’était bien là la preuve qu’il  était acceptable d’appliquer une certaine dose de discipline aux clients les plus difficiles. Il était donc temps de s’amuser. Datura prépara les 4 Sundays, ce qui bien entendu lui prit un temps considérable, son niveau en cuisine ne s’étant pas soudainement amélioré en quelques minutes, quand bien même elle fit moins d’erreurs basiques cette fois-ci. Mais elle n’était pas pressée, plus elle prenait son temps et plus le petit teigneux allait être agacé et donc facile à tourner en bourrique. Après avoir obtenu les informations nécessaires de par sa patronne, Datura se dirigea tranquillement, avec un sourire si joyeux qu’il pouvait facilement être interprété comme de la moquerie, vers la table des quatre larrons.

« Voici vos quatre Strawberry Sundays messieurs. »

Tout en servant tranquillement les quatre frères, elle fixa le dénommé Joe, le seul à ne pas s’être jeté goulument sur la crème glacé, et lui sourit, comme pour le mettre au défis. Elle aurait pu immédiatement lui présenter les informations, mais forcer le client à revenir sur ce sujet lui rappelait passivement sa position de celui ayant le plus besoin de cet échange, augmentant la pression sur les épaules du petit homme.

« Et les infos ?! On est pas venu là pour bouffer bande d’abrutis ! »

« Du calme Joe… »

Datura soupira, cette fois-ci le gringalet avait retenu la leçon en n’élevant pas la voix d’avantage, mais niveau langage on était encore loin du compte. Un de ses frères était même intervenu pour le rappeler, certes timidement, à l’ordre. Mais ce n’était pas grave, montrer que ses frères ne soutenaient pas entièrement son attitude ne faisait que donner plus de substance à Datura pour s’amuser.

« Mmh, j’ai toutes sortes d’informations sur ce lieu. De quoi auriez-vous le plus besoin ? Vous y avez réfléchis n’est-ce pas ? La journée, l’heure, les routes utilisées, vous y avez évidement réfléchis pour choisir précisément vos questions, comme tous professionnels.»

Datura jubila intérieurement en voyant le visage de trois des frères se décomposer. Elle avait vu juste, ils n’avaient probablement pas réfléchis aussi loin, en leur posant cette question elle mettait poliment en valeur leur incompétence. Mais ce n’était pas tout.

« Pff bien sûr qu’on sait, hein les gars…ce serra euh…jeudi ouais, à 10h30 pétante ouais, euh nan 14h30 voilà du coup euh, on veut les infos sur la garde à cette heure-là et euh…ouais un plan de la banque et là où est le coffre ! »

Datura le regarda improvisé avec un sourire toujours aussi courtois, mais ponctué de petit « OH » et « Je vois » parfaits pour doucement faire monter la pression chez les faibles d’esprits. Le petit avait déjà bêtement déballé quelque information en voulant prouver qu’il savait ce qu’il faisait, mais on pouvait aller plus loin. Datura demanda alors avec un ton aussi interrogatif que passivement méprisant.

« Le coffre donc, je vois. Avez-vous besoins d’informations sur son système d’ouverture ? »

A ces mots le petit prit un sourire mauvais et déclara avec une fierté et une satisfaction non dissimulées. Bien trop content de pouvoir enfin répondre du tac au tac sans hésitation à cette gourdasse qui essayait de les faire tourner en bourrique.  

« Pff bien sûr que nan. Nous on connait la solution miracle pour ouvrir tous les coffres et même les murs, facile ! »

Datura prit un air surprit et acquiesça poliment.  Mais intérieurement elle ne faisait de ricaner de la facilité avec laquelle il était tombé dans le piège. Lui laisser volontairement de la marge pour frimer et l’inciter ainsi à utiliser à cette fin une information qu’il n’avait aucunement besoin de révéler encore une fois, la base.

« Très bien, je m’en vais discuter d’un devis avec ma patronne et reviendrai avec vos documents, je vous encourage à préparer vos moyens de paiement. »

Avant de leur laisser le temps de poser plus de questions, Datura se retourna vers le bar d’un pas guilleret, revenant à proximité de sa patronne et après s’être assurée que personne n’allait les entendre, déclara le plus normalement du monde.

« L’attaque aura lieu Jeudi à 14h30, ils lanceront un hold up puis se dirigeront vers le coffre pour l’ouvrir au moyens d’explosifs qu’ils ont probablement déjà en leur possession et qui pourraient donc sans soucis servir de preuves contre eux s’ils tentent de nous arnaquer. Ils auront besoin des plans, des horaires de gardes et probablement des noms de héros de garde dans le quartier ce jour-là. Combien dois-je leur faire payer maîtresse ? Je ne pense pas que la robe de maid leur irait bien pour être honnête, il faudra donc les faire payer directement. »